«Aucun accord de paix ne fonctionnera sans nous, car, quel que soit l'accord, les Ukrainiens, mais aussi les Européens, seront indispensables pour le mettre en oeuvre», a résumé la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas. Mais quels leviers peuvent-ils véritablement utiliser pour se frayer une place à la table des négociations?
Les Etats-Unis l'ont reconnu mardi par la voix de leur secrétaire d'Etat Marco Rubio: l'Union européenne devra participer aux pourparlers «à un moment donné» puisqu'elle a pris de très nombreuses sanctions contre la Russie. Les 27 ont mis en place pas moins de 16 paquets de sanctions. Le dernier en date a été adopté mercredi par leurs ambassadeurs à Bruxelles.
Ces sanctions européennes comprennent, entre autres, un gel des avoirs russes dans l'UE. Plus de 200 milliards d'euros, déposés dans l'Union européenne par la banque centrale russe, sont ainsi bloqués.
«S’il y a un tel accord, ils n’aideront pas à le mettre en œuvre, ils ne lèveront pas les sanctions par exemple.»
Seul problème, la reconduite de ces sanctions est décidée, à l'unanimité, tous les six mois par les 27. La Hongrie, le meilleur allié du Kremlin dans l'UE, a menacé à plusieurs reprises de mettre son veto à ce renouvellement, indispensable pour que ces sanctions restent en vigueur. Elle ne s'est pas opposée mercredi à l'introduction d'un 16e paquet mais pourrait changer d'avis si les Etats-Unis faisaient pression pour que les sanctions occidentales soient abandonnées.
C'est un risque mais il est peu probable que les Européens se «laissent dicter leur politique étrangère par un seul pays», veut croire Célia Belin.
L'envoi de troupes, c'est l'argument massue des Européens, ou en tout cas de certains d'entre eux, pour garantir un accord satisfaisant en Ukraine. L'idée est de déployer des soldats européens, ou provenant d'autres pays prêts à le faire, afin d'empêcher toute reprise de la guerre. Le sujet a été abordé entre plusieurs Etats-clés lundi à Paris mais sans parvenir à un accord entre tous.
La France y est disposée, le Royaume-Uni aussi, mais à condition que les Etats-Unis assurent leurs arrières. En revanche, l'Allemagne n'y est guère favorable, tout comme l'Espagne ou la Pologne. Cet envoi de militaires pose néanmoins plusieurs problèmes. Le premier d'entre eux est le refus de Moscou de tout déploiement en Ukraine de troupes de pays membres de l'Otan, même sous des drapeaux nationaux ou de l'UE. Les Etats-Unis peuvent néanmoins l'imposer. C'est ce qu'a laissé entendre Donald Trump mardi: si les Européens «veulent faire cela, c'est super. J'y suis totalement favorable».
S'agira-t-il d'une force de surveillance d'un cessez-le-feu, d'une force de dissuasion, et avec combien d'hommes? Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évoqué le chiffre de 200 000, mais 40 à 50 000 soldats européens, ce serait le «grand maximum», assure Michel Goya, un ancien militaire et historien, dans une analyse parue lundi.
Une force d'interposition, destinée simplement à «observer les choses en excluant toute idée de combat», à l'instar des Casques bleus de l'ONU, n'apporterait «aucune garantie de sécurité», a toutefois averti cet expert. La mission de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), censée surveiller le cessez-le-feu après les accords de Minsk de 2014 et 2015, n'a pas empêché l'invasion russe en 2022, a-t-il rappelé.
C'est le leitmotiv des Européens depuis des mois: s'assurer que l'Ukraine soit en position de force au moment des discussions en vue de parvenir à la paix avec la Russie.
L'UE a déjà dépensé 135 milliards d'euros pour aider l'Ukraine, dont quelque 50 milliards sur le volet militaire, et est prête «à faire plus», selon la Commission européenne.
«Armer l'Ukraine jusqu'aux dents» implique aussi d'acheter des armes aux Etats-Unis, c'est une carte possible pour «amadouer» Donald Trump, estime Armida van Rij, experte auprès de Chatam House à Londres. Mais n'est-il pas trop tard au moment où Donald Trump évoque un accord d'ici à Pâques?
La cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas a mis cette semaine sur la table des 27 une proposition pour accélérer ces livraisons d'armes à Kiev. Une initiative un peu «hors contexte», selon un diplomate européen, pour qui le sujet est, désormais, celui des garanties de sécurité.