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Ukraine: 5 jours dans la tête de notre correspondant à Kiev

Cinq jours dans la tête d'un habitant de Kiev

Sans cesse attaquée par la Russie, l'Ukraine vit à nouveau des jours décisifs. Extraits du journal de notre collègue, Denis Trubetskoy.
25.08.2025, 16:5225.08.2025, 16:52
Denis Trubetskoy / ch media
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Le sommet de Washington lundi dernier, les discussions sur les garanties de sécurité, puis les frappes aériennes quotidiennes sur les villes ukrainiennes et les combats acharnés sur le front: on a demandé à notre correspondant à Kiev de tenir un journal pendant la semaine dernière mouvementée s'il en est. Le voici

Denis Troubetskoï
Denis Trubetskoy est né à Sébastopol et travaille comme correspondant pour des médias germanophones à Kiev. Spécialisé dans les sujets sociopolitiques, il couvre l'actualité en Ukraine, en Russie et dans l'espace post-soviétiqueImage: dr

Lundi 18 août

L'ambiance qui règne aujourd'hui en Ukraine est tendue. Pour nous à Kiev, le sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine a tout de même eu des retombées positives. Au moins, les violentes attaques nocturnes de drones - devenues presque quotidienne ces derniers mois - ont cessé en marge du marathon diplomatique. La population a pu dormir relativement tranquillement, pour une fois.

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Donald Trump et Vladimir Poutine à leur arrivée à la conférence de presse commune du 18 août.Keystone

Mais l'Alaska n'a pas non plus apporté de réel soulagement. De toute évidence, la réunion d'Anchorage ne s'est pas déroulée comme Donald Trump l'aurait souhaité. Heureusement, aucune décision fatidique concernant l'Ukraine n'y a été prise sans celle-ci.

Mais alors que tous les regards sont aujourd'hui tournés vers Washington, où Volodymyr Zelensky va rencontrer Trump en compagnie des chefs d'Etat et de gouvernement européens, il n'y a pas que le souvenir de la célèbre scène du 28 février dans le Bureau ovale qui nous hante. Au cours de la journée, le président américain est très actif sur les réseaux sociaux, rendant surtout Zelensky responsable de la fin de la guerre. Aucune critique à l'égard de Poutine. Cela ne présage rien de bon.

Mardi 19 août

Je me réveille avec des sentiments mitigés, et pas seulement parce que je dois me lever à 5h30 après une longue nuit devant la télévision. Globalement, à Kiev, on respire après qu'il n'y a pas eu de nouveau scandale dans le Bureau ovale. La conversation s'est déroulée dans une ambiance cordiale. Même le vice-président américain, JD Vance, l'un des principaux protagonistes de l'esclandre de fin 28 février, n'a pas dit un mot. Etant donné que l'Ukraine cherche avant tout à limiter les dégâts dans ses relations compliquées avec l'administration Trump, ce n'est déjà pas un mauvais résultat.

«Cela signifie-t-il pour autant que la paix est plus proche? J'en doute fortement»

En effet, certaines craintes concernant Trump semblent s'être confirmées. Auparavant, les deux dirigeants s'accordaient au moins sur un point: la nécessité d'instaurer un cessez-le-feu sur le front. De préférence sans condition et pour 30 jours minimum.

Après l'Alaska, Trump reprend désormais à Washington la condition posée par Poutine, à savoir qu'il faut immédiatement conclure un accord de paix global, sans passer par un cessez-le-feu.

L'homme fort du Kremlin a manifestement réussi à convaincre son homologue américain. Ce qui semble positif est en réalité extrêmement dangereux: pour la Russie, une «paix globale» implique la reprise de tous les territoires partiellement occupés ainsi que la «démilitarisation» de l'Ukraine afin d'éliminer les «causes profondes» du conflit. Le président russe reprend sans cesse cette formule toute faite.

Mercredi 20 août

Deux questions occupent le centre des discussions, y compris ici. D'une part, la forme des garanties de sécurité européennes. Bruxelles pourrait pour cela bénéficier d'une forme de soutien de la part des Etats-Unis. Mais le sujet demeure abstrait et complexe. Au-delà de l'adhésion à l'Otan, il ne peut y avoir de garanties de sécurité efficaces pour l'Ukraine, qui a vécu une expérience douloureuse avec le mémorandum de Budapest de 1994 (en échange de protection des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Russie, l'Ukraine a abandonné ses armes nucléaires).

Et il est inimaginable que la Russie accepte une quelconque présence militaire européenne en Ukraine, ce qui reviendrait à une présence de facto de troupes de l'Otan sur le sol ukrainien.

D'autre part, il y a le sommet entre Poutine et Zelensky, auquel Poutine serait prêt à participer, selon le président étasunien. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a clairement indiqué que cela ne se ferait pas de sitôt, voire pas du tout, en déclarant que cette rencontre nécessiterait «une préparation soigneuse». On voit bien de quoi il veut parler.

La réunion aura peut-être finalement lieu, pour que Poutine puisse rendre la monnaie de sa pièce à Trump. Mais mes compatriotes ukrainiens ont depuis longtemps compris que le dirigeant du Kremlin continue de jouer la montre. D'autant plus qu'en fin de journée, un autre événement se profile: il sonne la fin du calme dans les villes comme Kiev. Des bombardiers stratégiques russes tournoient dans les airs, ainsi que des centaines de drones, qui volent dans notre direction.

Jeudi 21 août

L'alerte aérienne a duré près de huit heures, pendant la nuit. Dans mon quartier, au nord-ouest de la capitale, l'agitation était particulièrement forte.

Par moments, on entendait des explosions toutes les minutes, et les tirs de la défense antiaérienne

Le quotidien de la guerre ressurgit aussi dans l'arrière-pays. Près du front, l'offensive russe ne s'interrompt en fait jamais. Moscou a déployé près de 600 drones cette nuit-là. A cela s'ajoutent des missiles de croisière et balistiques de différents types.

Hormis Kiev, les attaques russes se concentrent principalement sur l'ouest. Des villes comme Lviv ou Rivne sont gravement touchées, mais aussi Moukatchevo en Transcarpatie, région la plus occidentale. Je ne peux donc que sourire tristement devant certains débats en Occident sur des zones prétendument «sûres» du territoire.

Le soir, je me rends à la petite fête d'anniversaire d'un collègue dans un restaurant criméen-tatar du centre-ville. Je rejoins un groupe ukraino-allemand sympathique. «Enfin, ça recommence. Je m'y attendais depuis mardi», lâche l'un d'eux avec sarcasme. Il ne fait aucun doute que la terreur aérienne russe va se poursuivre encore longtemps.

Ce qui est également symptomatique de ce genre de regroupements, c'est qu'on ne parle pratiquement pas de Trump. Personne ne veut l'évoquer, ni lui, ni ses «compétences» en matière de politique étrangère. Mais difficile d'éluder complètement le sujet en août 2025.

Vendredi 22 août

Ce qui ressort de cette semaine intense pour l'Ukraine, c'est la question: et maintenant? Ni moi ni mes amis ne sommes très optimistes. Car même si la Russie se contentait d'exiger le retrait complet des troupes ukrainiennes des régions de Donetsk et de Sloviansk et proposait en contrepartie le gel des fronts à Kherson et à Zaporijia – ce qui a fait l'objet de nombreuses discussions cette semaine –, Kiev n'accepterait jamais un tel «accord».

Il est inimaginable que l'Ukraine évacue les grandes villes du Donbass, Kramatorsk et Sloviansk, de son plein gré. Elle y a établi des positions défensives solides. Ce serait un succès retentissant pour le Kremlin, sans aucune restriction, et une invitation claire à une invasion plus profonde dans l'arrière-pays, sur un terrain nettement plus propice aux attaques terrestres. En marge des discussions diplomatiques, la situation sur le front et le succès ou l'échec de l'offensive russe estivale restent les éléments les plus importants qui détermineront le cours futur de la guerre.

Traduit et adapté par Valentine Zenker

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