Fleurs et prières: des rassemblements se sont tenus mardi en Russie pour rendre hommage à des dizaines de militaires tués par une frappe dans l'est de l'Ukraine. Un choc qui a déclenché une vague de critiques contre l'armée.
Fait inhabituel en Russie, où les autorités restent discrètes sur les pertes militaires en Ukraine: environ 200 personnes ont participé à un rassemblement autorisé à Samara (centre), d'où étaient originaires certains des soldats tués. Selon des médias locaux, des rassemblements avaient lieu dans d'autres villes de la région, notamment Togliatti et Syzran.
Aveu rarissime, le ministère russe de la Défense a admis lundi que 63 soldats avaient été tués par une frappe ukrainienne le soir du Nouvel An sur un bâtiment où ils étaient stationnés à Makiïvka, ville sous occupation russe dans la région de Donetsk, dont Moscou revendique l'annexion. Kiev évoque un bilan bien plus élevé.
Video of the consequences of a strike on temporarily occupied Makiivka - Reuters.
— Anton Gerashchenko (@Gerashchenko_en) January 2, 2023
Russian Ministry of Defense confirmed the strike of Ukrainian Army on the lodgings of Russian military in Makiivka. As of now it reported the death of 63 Russian soldiers. pic.twitter.com/NqCa5AYS3l
Ces pertes, parmi les plus lourdes subies par Moscou au cours d'une seule attaque depuis le lancement de l'offensive contre l'Ukraine en février 2022, ont suscité un choc en Russie, ainsi qu'une avalanche de critiques de la part de commentateurs nationalistes pourtant favorables à l'intervention militaire.
L'émotion suscitée par ces pertes, nouveau coup dur pour le Kremlin après les revers enregistrés à l'automne, a été renforcée par le fait que les soldats tués étaient des réservistes qui avaient été mobilisés.
«Je n'ai pas dormi depuis trois jours», a déclaré lors de la cérémonie à Samara Ekaterina Kolotovkina, femme d'un général russe et présidente d'une association proche de l'armée, le Conseil des femmes de la deuxième armée combinée de la Garde.
Trois jours après, le président russe Vladimir Poutine n'avait pas encore réagi à la frappe à Makiïvka, annoncée en pleine semaine fériée du Noël orthodoxe, une période traditionnellement joyeuse où les Russes se retrouvent en famille. Selon le ministère russe de la Défense, les missiles ont été tirés par des lance-roquettes multiples Himars, une arme fournie par les Etats-Unis aux forces ukrainiennes.
Après les défaites essuyées ces derniers mois par Moscou à Kharkiv (nord-est) et à Kherson (sud), qui avaient donné lieu à des critiques contre l'état-major russe, l'hécatombe de Makiïvka a suscité un nouveau pic de colère et des appels à châtier les responsables.
Plusieurs voix se sont notamment élevées pour dénoncer le fait que des munitions auraient été entreposées dans le même bâtiment servant à loger les soldats, qui étaient par ailleurs autorisés à utiliser leurs téléphones portables, permettant leur géolocalisation par les artilleurs ukrainiens.
Plusieurs commentateurs pro-guerre, très suivis sur les réseaux sociaux, contestaient aussi le bilan de 63 morts, sous-estimé selon eux. Le compte Telegram Rybar, qui a plus d'un million d'abonnés, a dénoncé la «naïveté criminelle» ayant conduit à loger les militaires à côté d'un dépôt de munitions, dont l'explosion aurait aggravé le bilan.
«Malgré plusieurs mois de guerre, certaines conclusions n'ont toujours pas été tirées», constate de son côté le blogueur Boris Rojine, proche des milieux séparatistes pro-russes ukrainiens, fustigeant «l'incompétence» des hauts gradés de l'armée russe. Le correspondant de guerre russe Alexandre Kots déplore:
Le célèbre ultra-nationaliste et critique de Poutine, Igor Guirkine, avertit lui qu'une telle frappe meurtrière peut se reproduire «à tout moment», regrettant que les généraux russes soient «incapables d'apprendre en principe».
(sda/jod)