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Ukraine: seule dans son village, Oksana espionne les Russes

Seule dans son village, Oksana espionne les Russes

Oksana transmet des informations aux services secrets, Vitali inspecte les positions et Sergeï pilote le drone de reconnaissance. Reportage près de Kherson où les Ukrainiens se battent pour leur pays.
08.10.2022, 15:55
Ein zerstörtes Haus an der Front in der Südukraine.
Une maison détruite sur le front, dans un village abandonné. image: AZ
Kurt Pelda, région de Mykolaïv / ch media
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Oksana est une héroïne. Bien qu'elle refuse qu'on l'appelle ainsi, tous ceux qui la connaissent la considèrent comme telle. Elle a 47 ans, porte un survêtement noir et son visage est encerclé par des cheveux noirs et lisses qui lui arrivent aux épaules.

Fait surprenant, Oksana est la seule femme encore en vie dans son village, dans la région d'Oblast de Mykolaïv. Tous les autres civils ont fui à l'arrivée des Russes.

Une prise de risques considérable

Lorsque ces derniers ont envahi le sud de l'Ukraine en mars dernier, le village où vit Oksana s'est progressivement retrouvé dans la zone contrôlée par les Russes. Malgré cela, elle est restée et a continué à vendre du café, des sucreries, du Coca-Cola, des saucisses et des cigarettes dans son petit magasin. Et d'une oreille attentive, elle écoutait les conversations des soldats russes qui venaient faire leurs emplettes chez elle. Et chaque information intéressante était transmise aux services secrets militaires ukrainiens.

Une chose est sûre, si elle avait été attrapée, elle aurait été arrêtée, torturée, violée et finalement tuée. C'est pourquoi Oksana est une héroïne pour les Ukrainiens.

A l'est du pays, les soldats ukrainiens sont en train d'avancer. Mais la situation est très différente au sud: la ligne de front reste disputée, et ce malgré une légère percée dans le territoire pour les Ukrainiens.

Réveillée par de violentes explosions

Oksana passe ses nuits dans une pièce annexe du supermarché. Alors que les Ukrainiens avaient repris le village, l'Ukrainienne a été réveillée dans son sommeil par de violentes explosions. Des éclats d'obus ont traversé les fenêtres de l'entrepôt. Ils provenaient d'un missile russe qui s'était écrasé de l'autre côté de la route nationale.

Un autre projectile est tombé à l'arrière du supermarché d'Oksana, un troisième juste devant le bâtiment annexe. Un énorme cratère s'est alors creusé dans le sol, à quelques pas seulement de l'entrée du magasin. Protégé par le bâtiment annexe, le supermarché a été épargné. C'est la raison pour laquelle Oksana est encore en vie et qu'elle peut nous raconter son histoire. Mais par mesure de précaution, elle a fait murer une grande partie de ses fenêtres.

Nous sommes invités à entrer dans l'entrepôt. Oksana coupe une orange en plusieurs morceaux, ainsi qu'un gros bout de lard gras. Sur une troisième assiette se trouvent des morceaux de poisson mariné et des rondelles d'oignons fraîchement coupées. Elle accompagne tout cela d'un cognac, servi dans un gobelet en plastique.

Das Frontgebiet rund um die südukrainische Stadt Cherson.
La frontière actuelle autour de la ville de Khersonimage: AZ

Sur la route de campagne qui passe devant le magasin, il y a beaucoup de circulation. Des ambulances arrivent du front avec des blessés à un rythme effréné. De temps à autre, des chars et des véhicules défectueux ou endommagés pendant les combats sont également remorqués et emmenés vers des ateliers de réparation, dont par exemple un char de grenadiers qui a perdu une de ses chenilles.

Tous ces véhicules sont d'anciens modèles soviétiques. Si les Ukrainiens avaient reçu des chars de combat d'infanterie modernes de l'Ouest, ils seraient ici, sur le front de Kherson, sur la rive ouest du Dniepr, depuis longtemps.

Dormir là où on peut

A quelques kilomètres de là passe l'une des principales artères de ravitaillement ukrainiennes sur le front sud. Toute la journée et même la nuit, de lourds camions apportent du carburant, de la nourriture et des munitions, dont des grenades de 155 millimètres pour les obusiers occidentaux des Ukrainiens.

Ukrainische Soldaten feuern Granaten in Richtung der russischen Frontlinie.
Les soldats ukrainiens tirent des grenades en direction des positions russes.image: AZ

Des projectiles appelés Excalibur sont également transportés. Nommés d'après la fameuse épée du roi Arthur, ils ont une portée de plus de 40 kilomètres et disposent d'un système de navigation par satellite pouvant être dirigé avec précision vers la cible programmée. Sur le plan acoustique, les projectiles Excalibur sont facilement reconnaissables. En effet, il n'y a pas uniquement le bruit de lancement que l'on identifie rapidement. Ils sont également reconnaissables à leur bruit lorsque le moteur de la fusée s'allume.

Dans la plaine du Dniepr, la pluie est désormais plus fréquente et les températures baissent. Bientôt, la boue recouvrira les routes laissant ainsi peu de chances aux véhicules sur les routes. Des véhicules devant être entretenus par les soldats eux-mêmes.

L'officier Vitali a par exemple vendu son propre véhicule pour 10 000 dollars américains et a utilisé l'argent pour remettre en état 10 vieux 4x4 russes. Il en va de même pour de nombreux soldats: ceux qui ont besoin d'un sac de couchage plus chaud que celui fourni par l'armée doivent s'en procurer un à titre privé.

Souvent, la famille et les amis collectent de l'argent pour fournir le strict nécessaire à leurs proches qui sont sur le front. Ils dorment là où ils peuvent: dans des bunkers, ou des fosses creusées dans le sol et recouvertes de troncs d'arbres, de sacs de sable et de branches fraîchement coupées pour se camoufler.

Dès qu'il pleut, la fameuse terre noire fertile d'Ukraine se transforme alors en un sol mou et boueux, dans lequel on a du mal à se déplacer même avec de bonnes bottes. Vitali, l'officier, roule sur une route boueuse de ce type avec son 4x4 délabré et des pneus de route. A certains endroits, la voiture glisse d'un bord à l'autre du chemin et inversement.

Le mot d'ordre? Rester en mouvement en permanence

Nous sommes maintenant très proches du front. On le voit notamment parce que les paysans n'ont plus osé récolter leur blé ici. Il pourrit désormais dans les champs. En temps normal, ce serait un paysage charmant avec des champs, des forêts et des cours d'eau. Mais les villages de paysans détruits et les épaves de véhicules brûlées ou détruites au bord des routes nous ramènent vite à la réalité: c'est la guerre.

Ein Soldat mit einer Drohne: Diese spielen eine wichtige Rolle an der Front.
Un soldat avec un drone civil: ceux-ci jouent un rôle important sur le front.image: AZ

Vitali a une mission, il doit inspecter certaines positions et faire un rapport à ses supérieurs. C'est pourquoi nous continuons à rouler. «Ici, sur ce chemin, les drones russes peuvent nous voir», dit-il en évitant un véhicule de combat d'infanterie ukrainien. «Les pilotes ne sont qu'à quelques kilomètres».

Cela ne présage rien de bon, car lorsque les Russes voient une cible intéressante, il ne faut pas longtemps avant que les obus d'artillerie ne pleuvent. Le mot d'ordre est donc de rester constamment en mouvement. Selon l'officier, il faut environ 15 secondes entre le tir et l'impact de l'obus.

Sur le chemin du retour, nous voyons une équipe d'observation qui prend position dans un buisson près de la route. Comme il n'y a pas de réseau ici, les soldats ont emporté un carton gris portant l'inscription «Starlink» et un petit générateur d'essence. Les petites antennes paraboliques de l'entrepreneur Elon Musk permettent d'établir des connexions Internet pour la transmission d'informations et d'images, mais aussi pour le pilotage de drones.

La réponse des Russes ne se fait pas attendre

Les drones civils équipés de caméras vidéo jouent un rôle prépondérant sur tous les fronts de la guerre et dans les deux camps. Dans un petit village agricole où pratiquement toutes les maisons sont endommagées ou détruites, les Ukrainiens ont installé des positions pour des lance-grenades lourds de 120 millimètres. Dans un poste de commandement, un officier est assis devant une tablette. Il regarde la carte satellite de l'armée ukrainienne et essaie d'identifier une position d'artillerie russe au-delà du front. Elle se trouverait dans une forêt.

Eine abgefeuerte Granatenhülse.
La douille d'une grenade déjà tirée.image: AZ

Là où le commandant pense que se trouve la position russe, il a tracé une croix rouge sur la carte. La distance est de 6500 mètres. Les pilotes de drones à la périphérie du village l'aident à identifier les cibles en fournissant des images au poste de commandement.

Sergeï, l'un des pilotes, me montre sur son écran de contrôle ce que la caméra du drone est en train de filmer. Ce sont des soldats qui courent dans la forêt. «Ils sont nombreux dans la forêt, nous estimons qu'ils sont près d'un millier», explique-t-il. Il y a aussi des Tchétchènes parmi les combattants ennemis.

Chaque fois qu'une bonne occasion se présente, les coordonnées des cibles sont transmises aux positions des lance-grenades. Les soldats alignent les tubes, préparent les grenades lourdes, puis les tirent après un signal d'avertissement. Peu après, le pilote voit sur l'écran un incendie à proximité d'une route. Une fumée noire s'élève.

On ne sait toutefois pas exactement ce qui a été touché. En tout cas, la réponse des Russes ne se fait pas attendre. Nous entendons les tirs et peu après, les obus sifflent au-dessus de nos têtes. Certains s'abattent sur des prairies à proximité et d'autres, en dehors du village.

La dernière habitante civile qui a refusé de quitter le village a été tuée par un de ces obus dans son jardin. Il en va de même pour un chien qui se décompose sur la route principale parsemée d'entonnoirs d'obus. Seule une truie bien grasse ne se laisse pas impressionner par les tirs. En quête de nourriture, elle parcourt tranquillement le village dévasté. La nuit venue, elle s'installe confortablement dans l'une des nombreuses ruines. C'est tout de même mieux que dans une porcherie.

Ukraine: la Russie aurait frappé un village avec des bombes incendiaires
Video: watson
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