Chers influenceurs: la cruauté ne vous offrira pas la gloire
Arracher ne serait-ce qu'une pointe d'attention à un consommateur lors d'un intense doomscrolling (le défilement compulsif) relève de l'exploit. Avec la prolifération de contenus sur les différents réseaux sociaux, se démarquer est un vrai casse-tête.
Surtout que de plus en plus d'influenceurs, très jeunes pour la plupart, ont envie de croquer dans le gâteau des réseaux sociaux.
Certains débitent des blagues, s'amusent des situations du quotidien, offrent des exploits, distillent des conseils beauté ou financiers, par exemple. Les abonnés en veulent toujours plus, autrement, basta et on se désabonne.
Pour les retenir et exister dans cette jungle virtuelle, des créateurs et des créatrices de contenus repoussent les limites et frise le code. Comme lorsque le streameur fribourgeois Mickaelplaidecoupable décide de simuler son enlèvement à Montreux. Ce qui n'a pas fait sourire la police.
Mais cette absurdité peut aller plus loin. Certains petits malins ciblent une personne au hasard et simulent une embrouille. La situation peut déraper à tout moment; les esprits s'échauffent et les noms d'oiseaux volent. Le plus souvent, ces contenus sont filmés avec des lunettes Ray-Ban connectées de Meta.
Et parfois, cela tourne au drame, comme le rappelle le décès tragique de Raphaël Graven, plus connu sous son pseudo de Jean Pormanove. Ce streameur français était actif sur la plateforme australienne Kick, il essuyait coups et brimades d'un collectif appelé Lokal, sa propre bande de «potes». Les gens se massaient pour suivre ces live où les défis viraient à la violence gratuite - tout pour la viralité, les likes, les vues, la popularité à tout prix.
Alors oui, certains de ces challenges sur les réseaux sociaux restent inoffensifs. Mais d'autres commencent à être de plus en plus dangereux et humiliants.
Face à ces dérives, on peut opter pour une solution radicale: une interdiction pure et simple des réseaux sociaux aux moins de 16 ans, comme vient de le faire l'Australie. Mais faut-il vraiment en arriver là pour calmer les ardeurs? Non.
Alors que faire? Ne pas céder à la facilité: ne pas troquer son inventivité pour de la cruauté.
La balle est donc dans le camp des créateurs et créatrices de contenus. Bien sûr, tout n'est pas à jeter. Au milieu d'innombrables contenus sans intérêt, une minorité s'évertue à diffuser des vidéos avec une réelle plus-value. Des exemples qui doivent inspirer les aspirants créateurs; ils doivent se retrousser les manches; se creuser les méninges et trouver comment nourrir leurs spectateurs sans jouer sur la bassesse humaine. La gloire et les followers, ça se mérite.
