Son récit avait débuté jeudi dernier. Mia, à visage découvert devant le jury, mais sous prénom d'emprunt pour protéger son anonymat, a raconté comment son travail pour Diddy, entre 2009 et 2017, est passé d'un job enthousiasmant à l'enfer. Au milieu de la galaxie d'employés qui gravitait autour de l'artiste, Mia était pourtant considérée comme l'une de ses assistantes «privilégiées».
C'est la voix parfois essoufflée, comme si elle revivait les événements, qu'elle a raconté comment il lui fallait protéger la compagne du rappeur, Cassie Ventura, de ses accès de rage. Proche du couple, elle a raconté les «lèvres enflées». Les «ecchymoses». Ou encore «l'œil au beurre noir» qu'il fallait soigner - ou, à tout le moins, cacher. Histoire de faire bonne figure, juste avant une avant-première à Hollywood.
Guidée par les questions de la procureure, Mia se remémore des vacances où elle accompagne le couple. Une nuit, Cassie débarque en panique dans sa chambre. Elle hurle. «Il va me tuer», se souvient Mia. Le ton est saccadé.
Comme d'autres employés, il lui incombe de préparer des chambres d'hôtel pour les «freak-offs», ces marathons sexuels pendant lesquels Cassie devait livrer son corps, des heures durant, sous l'emprise de drogues, à des hommes rémunérés. Il faut approvisionner les lieux en préservatifs, lotions pour les corps, bougies... Et après, il faut «nettoyer». «Un cauchemar», résume-t-elle.
Elle admet volontiers que son travail avait aussi un côté excitant. Mais c'était s'exposer à ses accès de violence, et à ses désirs:
«Il m'a jeté des objets. Il m'a jetée contre le mur. Il m'a jetée dans une piscine. Il m'a jeté un seau à glace sur la tête. Il a claqué mon bras contre une porte.», énumère-t-elle. «Il m'a également agressée sexuellement.»
Ces épisodes de violences sexuelles, «sporadiques», resteront les plus éprouvants à raconter pour Mia. La première fois, c'était au Plaza Hotel de New York, lors du 40e anniversaire de Diddy. Elle s'était dit que ça n'arriverait plus. Elle s'était trompée. Il y aura d'autres agressions. Dont deux viols, qu'elle raconte la voix cassée.
Tête baissée, Mia confie s'être «figée» lorsque Sean Combs s'est introduit dans sa chambre et grimpé sur elle, alors qu'elle est endormie dans un lit superposé réservé au personnel de sa résidence de Los Angeles. Elle n'a pas le droit de verrouiller sa porte. C'est le poids du rappeur sur elle qui l'a réveillée. Sean Combs lui intime de se taire, avant de «se mettre en elle», poursuit Mia. «Je suis restée figée, je n'ai pas réagi. Ça a été très rapide, mais j'ai eu l'impression que ça durait une éternité.»
Une autre fois, Mia se trouve dans le dressing de son employeur, en train de préparer son sac, lorsqu'il lui aurait tendu une embuscade et forcée à une fellation. Elle évoque encore sa honte, des années plus tard. «C'était le patron, le roi, quelqu'un de très puissant», souffle-t-elle. «On était des années et des années avant les réseaux sociaux, MeToo ou tout autre moment où quelqu'un s'est opposé avec succès à quelqu'un d'aussi puissant que lui.»
«L'autorité de Puff était supérieure à celle de la police», rappelle Mia. Un jour, par exemple, où elle conduisait trop vite à Los Angeles, elle est arrêtée par la police. Mais lorsqu'elle tend son téléphone à l'agente pour lui passer «Puff», cette dernière «a commencé à rire». Elle a dit «Mon Dieu, Puff Daddy... et elle m'a laissé partir.»
Ce lundi, dans la salle d'audience du tribunal fédéral de Manhattan, l'un des avocats de P. Diddy, Brian Steel, a tout fait pour miner la crédibilité de la témoin. Lors d'un contre-interrogatoire brûlant, qui a par ailleurs suscité des protestations chez les procureurs, il a confronté Mia à ses propres posts sur les réseaux sociaux. Sur un écran du tribunal défilent des publications sur son compte personnel Instagram où elle rend hommage à «Puff» ou «Puff Daddy». Un homme qu'elle qualifie comme «un phénomène culturel hors-norme».
Sans oublier les messages affectueux à chacun de ses anniversaires. Ou à Noël. «Vous mettez de côté le fait qu'il vous a agressée sexuellement? Vous mettez de côté qu'il a commis l'impensable? Vous mettez de côté le fait que vous viviez dans la terreur?», interroge l'avocat.
Sans jamais paraître bousculée, Mia répond par l'affirmative, relisant même ses messages de l'époque en y mettant un ton enjoué. «Instagram est un endroit où vous montrez à quel point votre vie est géniale, même si ce n'est pas vrai. Bien sûr que l'on poste les bons moments.»
Et puis, il y a «l'emprise». Pendant encore des années, malgré son licenciement, elle continue à considérer Puff Daddy comme son «protecteur». «Je recherchais constamment son approbation. Il était ma figure d'autorité, ma seule figure d'autorité.»
L'avocat n'est pas convaincu. Il revient à la charge, jusqu'à lâcher cette question: «N'est-il pas vrai que Monsieur Combs n'a jamais eu de relation forcée non consentie avec vous?». La réplique de Mia tombe. Elle la répètera trois fois: «Tout ce que j'ai dit dans ce tribunal est vrai.»
Et lorsque la procureure lui demande pourquoi elle a gardé les yeux baissés lorsqu'elle a évoqué son agression sexuelle. «Parce que c’est la pire chose dont j’ai jamais eu à parler dans ma vie», répond la témoin.
Les procureurs ont conclu la journée avec le témoignage de Susan Oken, directrice de l'hôtel Beverly Hills, à Los Angeles, pour évoquer les moments où Sean Combs était client de son établissement. Plusieurs témoins doivent lui succéder, dont Eddie Garcia, un employé de sécurité de l'hôtel InterContinental, où a été filmée la scène de l'attaque du rappeur Combs sur Cassie. Peut-être les images les plus symboliques de ce procès pénal, qui doit s'achever le 4 juillet.