C'est une huitième journée de témoignage qui s'est achevée au palais de justice du district sud de New York, ce mercredi. Un peu plus tôt que d'habitude, histoire de laisser le jury se reposer un minimum. La veille, alors que l'audience s'est achevée vers 17 heures, certains jurés semblaient «épuisés», note le Washington Post.
Cette fois, le coup d'envoi de la matinée a été donné par l'agent spécial des enquêtes sur la Sécurité intérieure, Gerard Gannon, qui a mené le raid de mars 2024 sur le domicile de Sean Combs, en Floride, à grand renfort de dizaines de policiers et d'un véhicule blindé pour franchir le portail de sécurité.
En charge d'une grande partie de l'enquête criminelle pour traite d'êtres humains, Gerard Gannon a commencé par présenter certaines des preuves récupérées au sein du manoir à 49 millions de dollars de Diddy, nichée sur l'île de Star Island, à Miami.
Pièces de deux fusils d'assaut AR-15 et de lingerie, 25 bouteilles d'huile pour bébé et 31 de lubrifiants, 18 paires de talons compensés, sextoys... Sans oublier une vaste variété de pilules, de la marijuana, des poudres et autres drogues, qui étaient dissimulées dans un sac Gucci et utilisées, selon l'accusation, pour rendre les femmes dociles lors de leurs ébats avec le rappeur - et leur permettre de performer bien au-delà du point d'épuisement.
Puis c'est au tour de Dawn Hughes, célèbre psychologue clinicienne et médico-légale certifiée, de témoigner en tant qu'«experte aveugle» (elle n'a pas connaissance du dossier) pour fournir au jury des informations sur la violence domestique, les agressions sexuelles et le stress traumatique.
C'est elle qui avait témoigné notamment lors du procès en diffamation d'Amber Heard et de Johnny Depp en 2022, ainsi que lors des procès pénaux du fondateur de la secte Nxivm, Keith Raniere, et du chanteur R. Kelly.
Bien qu'elle ne soit pas autorisée à analyser directement la relation de Sean Combs avec son ex-compagne, Cassie Ventura, Dawn Hughes a fourni aux jurés un contexte indirect qui permet de comprendre pourquoi, en près de dix ans de relation, la jeune femme n'est jamais partie.
Plus incompréhensible encore: pourquoi, dans plusieurs échanges de SMS chaleureux avec son petit ami, elle semblait proposer de son propre chef des soirées sexuelles où elle aurait été maltraitée?
Avant de libérer le jury pour la pause de midi, la psychologue a expliqué pourquoi de nombreuses personnes «choisissent» de rester dans une relation abusive. Un «lien traumatique», «psychologique et intense», peut se former entre un agresseur et sa victime. «C'est difficile de rompre avec quelqu'un, même dans les meilleures circonstances», note Dawn Hughes.
Souvent, les victimes se concentrent sur l'évitement des coups plutôt que sur la recherche d'une issue à la relation abusive. Nombreuses d'entre elles attendent ainsi des mois, voire des années, avant de se confier auprès d'un tiers sur les violences qu'elles subissent.
Parmi les mécanismes d'autodéfense passive utilisés par les victimes, la psychologue cite notamment le fait de «se recroqueviller en boule». Une précision qui a probablement fait tiquer les jurés: plusieurs témoins ces derniers jours, dont la chanteuse Dawn Richard et la meilleure amie de Cassie, Kerry Morgan, ont affirmé avoir vu la chanteuse se mettre en position fœtale quand Sean Combs lui infligeait des coups.
Douzième témoin cité par l'accusation, George Kaplan, ancien assistant de Diddy, a finalement livré un témoignage similaire à celui de David James, un autre employé venu témoigner la veille.
Engagé en 2013 en tant qu'assistant-exécutif, George Kaplan peut alors travailler entre 80 à 100 heures par semaine, de 9h30 du matin jusque tard dans la nuit. Payé environ 125 000 dollars par an, il communique alors quotidiennement avec Sean Combs via SMS, appels et courriel au sujet des besoins du rappeur, qu'il s'agisse de vêtements, de nourriture, d’alcool, d'iPad ou encore de drogues. A au moins deux reprises, c'est à lui qu'il revient d'aller chercher les substances illégales consommées par son patron: un sachet de MDMA à Miami et une substance inconnue, à Los Angeles.
Loin de s'en satisfaire, Sean Combs se comporte comme un responsable exigeant et cède volontiers à des accès de colère, selon son ancien employé. S'il répète à son personnel qu'il ne veut être entouré que des meilleurs, il se plaint surtout que «ceux qui l'entourent n'atteignent pas ce niveau de performance».
Au cours de la première semaine où George Kaplan se met à son service, ce dernier lui réclame par exemple de trouver une bouteille d'eau d'un gallon «sans BPA» au magasin Whole Foods. Faute de stocks disponibles, l'assistant rapporte donc deux bouteilles d'un demi-gallon à la place. Mal lui en a pris. Sean Combs entre dans une colère noire.
En plus de mener le processus d'aménagement complexe des chambres d'hôtel pour les «freak-offs» de Diddy, George Kaplan comprend très vite qu'une partie de son rôle consiste surtout à «protéger l'image» du magnat de la musique. Chargé de nettoyer les chambres après son départ, à lui de se débarrasser au plus vite des bouteilles vides d'huile pour bébé, des drogues restantes ou encore des taches sur la table, par terre, sur le lit, avant l'arrivée du personnel de l'hôtel.
George Kapan affirme avoir démissionné après avoir vu Sean Combs agresser physiquement Cassie Ventura. Son témoignage doit se poursuivre à la barre ce jeudi.