Ce jeudi 8 septembre 2022 est censé être un jour comme les autres pour la famille Windsor. Une journée «normale», rythmée par le travail, les horaires d'école des enfants, les obligations et les rendez-vous. Un discours, une interview, une apparition publique, un dîner. La routine royale. Personne ne s'attend à ce que son programme bien rodé soit bousculé par le déclin rapide d'Elizabeth II. Encore moins que, d'ici quelques heures à peine, la reine d'Angleterre ne sera plus.
Pendant que Kate et William peaufinent leur emménagement à Adelaide Cottage et la rentrée scolaire des petits dans l'école du coin, Harry et Meghan se trouvent justement au Royaume-Uni, dans le cadre d'une tournée européenne de quelques jours. La princesse Anne, elle, doit assurer un évènement caritatif à Blairgowrie. Quant à Charles et Camilla, en Ecosse également, ils ont programmé une interview à 14h30, avec une journaliste de la chaîne NBC.
Dans l'entourage de Sa Majesté, tous sont conscients que la monarque de 96 ans est de plus en plus fragile. On ne se fait pas d'illusion. Mais il arrive d'oublier. Le diagnostic d'un cancer de la moelle osseuse et la souffrance épisodique. La perte de vue et d'audition. Sa «confusion», par moments. Désormais, la reine se déplace rarement sans son fauteuil roulant. Un secret bien gardé dans les annales du Palais.
Rien ne laisse toutefois présager que son état de santé s'apprête à se dégrader subitement.
La veille encore, en effet, Sa Majesté recevait successivement son ancien premier ministre, Boris Johnson, et sa successeur, Liz Truss, au château de Balmoral, pour la passation officielle du pouvoir. Deux rendez-vous d'une quarantaine de minutes chacun. La journée s'est même achevée par l'investiture de son secrétaire de longue date, Donal McCabe, de l'insigne de lieutenant de l'Ordre royal de Victoria. Il est la dernière personne à avoir été officiellement honoré par la reine.
Ce n'est que le lendemain que les premiers signes visibles se manifestent. Lesquels exactement? On l'ignore. Reste que, en fin d'après-midi, le Palais annonce dans un communiqué sobre et discret qu’après la «journée complète» de mardi, Sa Majesté n’assistera pas à une réunion virtuelle du conseil privé prévue le soir même. Rien de trop alarmant. Après tout, ce n'est pas la première fois qu'Elizabeth est contrainte de renoncer à un rendez-vous pour se reposer.
Pourtant, ce jour-là, quelque chose est différent. En sous-voie, à Londres, Liz Truss est avertie de la situation. La toute nouvelle première ministre planche jusque tard dans la nuit sur la déclaration énergétique du Royaume-Uni, son premier acte majeur. Il faut qu'elle se tienne prête. L'opération «London Bridge» pourrait être imminente.
Liz Truss n'a pas encore emballé toutes ses affaires lors de son emménagement au 10, Downing Street. Des assistants sont envoyés à son domicile de Greenwich pour aller chercher des vêtements noirs, selon sa biographie Out of The Blue.
Pendant ce temps, en Ecosse, au château de Balmoral, la princesse Anne est la seule membre du clan Windsor à se trouver aux côtés de sa mère. Andrew et Edward sont en Angleterre. Quant à Charles, il réside à quatre heures de route de là, sur son domaine de Dumfries House. Les informations sur l'état de santé de la matriarche ne sont pas encore suffisamment inquiétantes pour que ses enfants et petits-enfants bousculent leur emploi du temps pour se rendre en urgence à Balmoral.
Le futur roi maintient donc son dîner avec Jenna Bush Hager, la journaliste de NBC, qui doit interviewer sa femme le lendemain. Camilla, justement, n'a pas pu arriver à temps pour le repas - son vol a eu du retard. Malgré tout, «c'était un bon repas», témoigne Jenna Bush Hager dans l'émission «Today».
La plupart des sources royales s’accordent sur le fait que tout s'est joué rapidement. Jeudi matin, Anne quitte quand même Balmoral pour assurer un engagement à proximité, pour une association caritative «Riding for the Disabled». Au milieu de l'évènement, elle est sommée de revenir le plus vite possible au château.
La santé de la reine s'est encore détériorée.
A 6h48 du matin, un hélicoptère royal décolle du domaine de Windsor pour aller chercher Charles à Dumfries House. Le fils aîné d'Elizabeth, photographié en train de monter à bord de l'appareil, atterrit à Balmoral à 10h27.
Pendant ce temps, rien n'indique, en apparence, que les autres membres de la famille royale soient particulièrement inquiets. Tous, pourtant, ont été informés. Une question difficile se pose. Se rendre sur place trop tôt et risquer de donner l'alerte? Ou trop tard, et rater la seule occasion de dire au revoir?
Certains initiés suggèrent que les Windsor savent très bien qu'Elizabeth est sur le point de rendre l'âme. Leur objectif n'est alors pas d'être présents au moment du décès. Seulement d'éviter de céder à la précipitation et de provoquer une panique médiatique générale.
Ce n'est qu'à 12h32, alors que la journaliste Jenna Bush Hager vient d'apprendre que son entretien avec Camilla va devoir être reporté, que le palais de Buckingham publie un nouveau communiqué:
Le royaume retient son souffle. Les présentateurs de la BBC dégainent la cravate noire de rigueur. Vingt minutes plus tard, William, Andrew, Edward et sa femme Sophie se mettent en route pour l'Ecosse.
L'avion militaire déployé pour le groupe royal doit décoller à 13h30. Mais il restera maintenu au sol encore cinquante longues minutes. La faute, selon une source militaire au Daily Beast, à une grave dispute au sein de la famille: Harry insiste pour que Meghan ait sa place à bord.
Il n'est pas encore question de série sur Netflix ni de livre tapageur, mais les relations entre les Sussex et le reste du clan sont déjà au point mort. En particulier entre les frères William et Harry. «Ils n'avaient pas échangé un mot cordial depuis des mois. Et là, Harry a envoyé un texto pour lui demander s'il pouvait emmener Meghan!», s'étrangle un ami de William.
Mis face à un «non» catégorique, les Sussex décident de forcer la main et de faire vol à part. Dans un communiqué publié à 14h00, ils annoncent manquer la remise de prix des WellChild Awards à Londres pour se rendre en Ecosse. Invitation ou pas. Pendant ce temps, l'avion militaire et ses passagers trépignent toujours sur le tarmac de l'aéroport de Northolt.
Harry décrit la suite des événements dans ses mémoires, Spare: «Pa nous a de nouveau appelés. Il m'a dit que j'étais le bienvenu à Balmoral, mais qu'il ne voulait pas... d'elle. Il a commencé à exposer ses raisons, qui étaient absurdes et irrespectueuses, et je ne l'ai pas accepté.»
«Il a balbutié, s'est excusé et a dit qu'il ne voulait tout simplement pas qu'il y ait beaucoup de monde dans les parages. Aucune autre femme ne venait. Kate ne venait pas, donc Meg ne devait pas venir», conclut Harry.
A 14h40, l'avion royal décolle enfin. Selon une source, le retard serait effectivement dû aux incertitudes sur la présence de Harry ou non dans l'avion.
De toute façon, il est déjà trop tard.
Si le certificat de décès indique 15h10, le moment de la confirmation par les médecins, la reine aurait poussé son dernier souffle à 14h37. Seuls Anne et Charles se trouvent alors dans la chambre, aux côtés de leur mère.
Alors qu'ils n'ont pas encore quitté Londres, les passagers de l'avion de la RAF sont informés de la nouvelle. Selon le correspondant royal Tom Sykes, il est possible que, réalisant qu'il ne sert plus à rien d'attendre un autre passager, l'ordre est finalement donné de décoller. Le groupe à bord du jet atterrit à l'aéroport d'Aberdeen à 15h50 - soit plus de 40 minutes après la mort officielle. C'est William qui conduit la troupe à Balmoral en voiture. A 17h06, enfin, ils atteignent le château de Balmoral.
Pendant ce temps, le jet privé défrayé par le prince Harry n'a pas encore quitté l'aéroport de Luton, à Londres. Lorsque tombe l'annonce officielle, à 18h30, il est encore dans les airs. Quinze minutes plus tard, il pose le pied en Ecosse. Le monde entier est au courant.
Selon le prince, c'est par l'intermédiaire de la BBC qu'il a appris la disparition de sa grand-mère. Une version fermement démentie par le palais de Buckingham, qui jure que tous les membres de la famille royale ont été informés avant les agences de presse.
Harry parvient finalement à Balmoral à 19h52. Son père a déjà rendu son propre hommage personnel à Elizabeth. Le nouveau roi d’Angleterre a disparu, sans l'accueillir, pour un dîner privé avec son fils aîné William, dans sa maison de Birkhall. Le duc de Sussex restera à Balmoral, en compagnie de ses oncles et tantes, Anne, Edward et l'oncle en disgrâce, Andrew. Un camouflet. Il y en aura d'autres.
Pendant ce temps, le corps d'Elizabeth II repose paisiblement dans sa chambre à coucher. Sa dernière aventure, un itinéraire sinueux de six heures à travers l'Ecosse, est sur le point de commencer. Mais ça, la reine, qui avait si peu le goût du chaos, l'avait déjà minutieusement planifié.
(Cet article a été initialement publié le 8 septembre 2023. Il a été mis à jour et republié.)