Ils osent les couleurs flashy, les colliers de perles, les robes ou les jupes, les décolletés plongeants, les dos nus et les sacs à main. Les hommes «babygirl» ont pris d'assaut la mode, mais pas uniquement.
Car le phénomène est bien plus large. Il englobe aussi - et surtout - un état d'esprit, une évolution de la société, un effacement des frontières, et donc des limites. Plus besoin d'être un «bad boy» pour être «un vrai mec»: la gentillesse et la sensibilité, doublées d'un sac à main, ça rend le mâle sexy.
Sur les tapis rouges, et pas uniquement lors du Met Gala où l'excentricité cède parfois sa place à l'élégance, ils sont de plus en plus nombreux à s'être approprié le style de l'homme «babygirl». De Timothée Chalamet à Harry Styles, en passant par Pedro Pascal, tous osent les couleurs ou les coupes souvent réservées aux vestiaires féminins.
Pour l'écrivain et spécialiste de la pop culture Evan Ross Katz, cité par Vogue, il n'est même pas question, pour certains adeptes de cette tendance, de revendiquer une sexualité ou une autre.
Car ces hommes «babygirl» sont justement à l'aise avec leur masculinité, et peuvent ainsi jouer avec les codes des genres. Un style qui permet une créativité renouvelée: ces messieurs ne sont plus cantonnés au traditionnel combo costard-cravate, ou le plus classique encore costard-nœud pap'.
Une tendance qui n'est, chez les people, pas réservée qu'aux artistes excentriques. Lewis Hamilton, septuple champion du monde de Formule 1, troque lui aussi volontiers l'uniforme masculin traditionnel pour un look «babygirl», comme ici aux Fashion Awards en décembre 2023 à Londres.
Si les stars masculines enfilent désormais sans sourciller une jupe ou s'arment d'un sac à main sur les red carpets, le look «babygirl» n'est pas pour autant réservé aux événements où les photographes sont présents en masse. Jacob Elordi, par exemple, est régulièrement vu avec un sac à main.
L'acteur australien est-il la preuve vivante que l'homme «babygirl» se démocratise? Possiblement.
Et il serait puéril de résumer le phénomène à une vulgaire tendance, qui s'effacera au profit d'une autre. Car la mode est bien souvent le reflet des changements sociétaux. Les questions de genre étant davantage sur le devant de la scène aujourd'hui, il n'est pas étonnant que ces évolutions se ressentent également dans la mode.
L'étiquette de l'homme «babygirl» finira sans doute par s'effacer, pour devenir une norme. Tout comme les femmes ont fini par porter des pantalons sous l'impulsion d'Yves Saint Laurent; avant le lancement du premier tailleur-pantalon féminin par le couturier en 1967, le pantalon était, à l'exception de quelques rebelles androgynes, le plus souvent porté par des hommes.
Aujourd'hui, les femmes portent des pièces qui étaient considérées comme masculines. Désormais, ces pièces «pour hommes» (citons, bêtement ou simplement, le sweat) sont aussi fabriquées et vendues par des marques dites «pour femmes».
Notons au passage que l'opposition femmes-hommes tend à s'estomper, dans la mode comme dans la société, au profit d'une vision plus égalitaire, plus genderfluid.
Le style «babygirl» n'est pas non plus l'apanage des célébrités. Tout comme les femmes ont fini par s'approprier le pantalon, le bomber et autres «masculinités», les influenceurs mode et Monsieur Tout-le-monde, ici ou là, succombent peu à peu aussi au phénomène.
Il faut toutefois le reconnaître, ces looks plus genderfluid sont, pour l'heure, davantage adoptés par la Gen Z. La génération des personnes nées entre 1997 et 2012 est plus consciente des questions de genres que les précédentes et rejette plus volontiers les codes de la «masculinité toxique».
Car il ne s'agit pas que d'un changement stylistique, il est sociétal au sens large. Ces plus jeunes générations sont aussi plus à l'aise avec leur vulnérabilité que leurs aînés. Il n'est par exemple pas particulièrement tabou de dire «non merci, pas le mardi la sortie ciné, je vais chez ma psy» chez la Gen Z et une partie des Millennials. Une ouverture d'esprit sur le monde, ses évolutions, qui se transpose à la mode.
Les marques de prêt-à-porter l'ont bien compris. Zara, H&M et consorts vendent, dans leurs rayons hommes, des gros cardigans pastel ou des sacs à main.
Plus qu'une mode, le style de l'homme «babygirl» est le résultat d'un changement profond dans la société. La liberté qu'offre cette ouverture promet des looks plus colorés, plus frais et plus créatifs, sur les tapis rouges comme dans la rue. Un style qui témoigne d'un renouveau sociétal où gentillesse, vulnérabilité et bienveillance ne sont plus des signes de faiblesse, mais au contraire d'empowerment.