Scroller pendant des heures sur Instagram, TikTok ou autres: quels sont les effets sur notre cerveau? Comment les contrer? Barbara Studer, neuroscientifique, nous répond lors d'une promenade en forêt, car selon elle, «rien n'est meilleur pour le cerveau que la nature».
Arrivés sur place, à Lenzbourg (AG), l'ambiance est pourtant loin d'être reposante. Certes, les arbres sont parés d'un tendre feuillage vert et quelques oiseaux chantent. Mais cette scène printanière est gâchée par un bruit de fond incessant: l'autoroute A1 qui traverse la forêt.
C'est incroyablement bruyant. Mon cerveau est plus surstimulé que détendu.
Barbara Studer: (Rires.) Moi non plus, je ne passerais pas la journée ici. L’environnement sonore est effectivement pollué par le bruit des voitures.
Les plantes agissent chimiquement sur notre cerveau?
Oui. Les plantes communiquent entre elles par des molécules chimiques appelées terpènes. Ces substances protègent le cerveau et activent le système nerveux parasympathique, qui est responsable de la détente.
Pourquoi les bruits mécaniques, comme ceux des voitures, sont-ils désagréables, alors que le chant des oiseaux nous apaise?
Au Japon, les «bains de forêt» sont même prescrits médicalement. Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas encore le cas chez nous. Aller en pleine nature au moins trois fois par semaine est l'un des remèdes les plus efficaces contre le stress et les effets d’une consommation excessive de médias. C’est gratuit et sans effets secondaires.
Faut-il forcément aller en forêt ou une journée au parc suffit-elle?
Les études montrent qu’un parc verdoyant réduit lui aussi le stress.
Et si l’on n’arrive pas à passer chaque jour du temps au vert, inutile de culpabiliser. Il est plus utile de faire preuve d’auto-compassion et d’intégrer au quotidien de petites mesures réalistes pour réduire le stress, comme écouter de la musique en pleine conscience.
La nature permet de contrer les effets négatifs des heures passées à scroller sur un écran. Que provoque ce comportement dans notre cerveau?
Un usage intensif des réseaux sociaux stimule fortement les réseaux d'attention du cerveau. A court terme, ce n’est pas grave.
C'est-à-dire?
Les gens qui utilisent leur smartphone de manière excessive montrent plus d'activation neuronale et doivent fournir plus d'effort pour accomplir une tâche qui demande de la concentration. Leur capacité d’attention s’est en quelque sorte atrophiée et il leur faut davantage d'énergie pour se concentrer. Il y a également une modification du système de récompense: faire défiler des contenus stimule constamment la production de dopamine, l’hormone du plaisir.
Il s'agit donc d'une chute de dopamine?
Exactement. Lorsqu'on consomme régulièrement du contenu sur les réseaux sociaux, on entre dans un cycle addictif: il faut toujours plus de stimulation pour ressentir le même plaisir. Dans la vie réelle, on ne reçoit pas des compliments ou des nouvelles choquantes toutes les cinq minutes. La réalité paraît donc plus fade.
Est-ce que vous suivez vos propres conseils lorsqu'il s'agit de l'utilisation des réseaux sociaux?
J'essaie de vivre d'une manière qui est adaptée à mon cerveau, car cela me plaît de développer son potentiel. Bien sûr, je n'y parviens pas toujours.
Quel est l’impact du smartphone sur le cerveau des enfants?
Evidemment, tout dépend du type, de la durée et de l'usage des médias. Regarder un film en famille peut être enrichissant. Mais les stimulations permanentes par les réseaux sociaux ou les jeux vidéo ne sont pas nécessaires pour un enfant. Les adolescents doivent apprendre à gérer consciemment ces outils. Or, leur cortex préfrontal, responsable notamment de l'auto-contrôle, n’est pas encore assez développé. Comment pourraient-ils rivaliser seuls contre des algorithmes conçus par des spécialistes du cerveau pour créer l’addiction?
Que risque-t-on à l’âge adulte si l’on a passé son adolescence sur TikTok?
A long terme, cela peut représenter un désavantage. Une consommation excessive de réseaux sociaux peut rendre les expériences réelles ennuyeuses et réduire la matière grise dans certaines zones du cerveau. De plus, les personnes qui consomment plusieurs médias en parallèle présentent des connexions neuronales moins efficaces, ce qui ralentit leur traitement de l'information.
Peut-on reconstruire la matière grise perdue?
Le cerveau possède une grande plasticité, c’est-à-dire qu’il peut se réorganiser structurellement et fonctionnellement.
Se confronter à des défis, comme essayer de faire le poirier ou prendre une douche froide, stimule aussi le cerveau. Les contacts réels et les amitiés profondes sont également très bénéfiques pour différentes zones cérébrales.
Comment motiver les enfants et les adolescents à aller en forêt?
On peut les associer à des activités plus ludiques. Avec mes enfants, nous allons en forêt pour construire des cabanes ou faire du feu. Quant aux adolescents, il faut parfois les pousser un peu. Si on les laisse rester dans leur chambre sous prétexte qu'ils ne veulent pas sortir, on ne leur rend pas service. Ils ne savent pas encore bien anticiper les conséquences de leurs décisions. On peut les aider en leur disant:
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder