A Incheon, troisième ville de la Corée du Sud, une salle de gym fait polémique depuis quelques jours. Elle interdit l'accès aux femmes d'âge mûr et aux célibataires.
L'affaire a explosé sur les réseaux sociaux après qu'une affichette placardée sur la porte de la salle de gym a été partagée. Il est écrit:
Le patron du fitness a été interviewé sous couvert d'anonymat par les médias locaux, comme le rapporte la BBC, et il défend sa position:
Il fait référence aux «Ajummas». En Corée du Sud, ce terme péjoratif désigne les femmes d’âge mûr et/ou celles qui restent célibataires et sans enfant après 35 ans. L'équivalent de vieille fille en français. Et en plus d'être célibataires, elles sont mal élevées. Donc des vieilles filles qui s'appellent Karen. Si les Karen du monde sont reconnaissables à leur coupe de cheveux, les Ajummas sont souvent caricaturées avec un accessoire en particulier: une grande visière.
Selon le gérant du fitness, les ajummas auraient tendance à laisser couler les robinets, abandonner leurs déchets et se réunir en petits groupes sans faire de sport. «Elles s'asseyaient en rang, commentaient et jugeaient le corps des autres», a-t-il déclaré, ajoutant que certaines jeunes femmes avaient quitté la salle de sport à cause de leurs commentaires désobligeants.
La BBC ajoute que l'interdiction a reçu le soutien de certaines personnes en ligne qui semblaient associer les mauvaises manières aux femmes âgées ou d'âge moyen.
Certains internautes les ont décrites comme «territoriales» quand d'autres les ont qualifiées d'«insensées».
La décision de ce patron n'a pas motivé d'autres fitness à suivre le pas, mais cette polémique témoigne de l'intolérance croissante, dans une Corée du Sud encore passablement sexiste et machiste, envers certains groupes de la population, notamment les personnes âgées.
Comme l'écrivait Slate en 2022, les retraités sont les oubliés de la Corée du Sud. La majorité des plus de 65 ans vivent dans la précarité. «Selon de nombreux économistes, le système salarial sud-coréen pousse les personnes âgées vers la précarité. Comme ils sont trop chers, les entreprises décident de s'en séparer», témoigne un économiste. Ils deviennent trop âgés pour retrouver du travail et pas assez pour bénéficier des aides à la retraite à 65 ans.
Il n'y a pas que les femmes âgées qui sont discriminées. Il y a également les femmes «moches». La société sud-coréenne est obsédée par l'apparence. La Corée du Sud est le troisième pays derrière les Etats-Unis et le Brésil à faire le plus de chirurgie esthétique avec, selon Le Monde, 1,2 million d'actes par an, l'opération des doubles paupières et la rhinoplastie étant les plus demandées.
Et les standards de beauté sont ultra-rigides: un teint pâle, de grands yeux noirs et brillants, des pommettes hautes et poudrées, un nez fin, un menton en V et un visage ovale avec de longs cheveux noirs. Selon Ruth Holliday et Joanna Elfving-Hwang, professeures en sociologie citées par Les Inrocks, «le bon visage peut être un critère déterminant d’embauche sur le marché du travail.» Surtout que de nombreuses entreprises exigent les photos des postulants, voire leurs mensurations, femmes et hommes confondus. Mais les chercheuses expliquent que cette pression est plus forte pour les femmes.
Et les ajummas dans tout ça? Eh bien, elles incarnent tout ce que la société sud-coréenne ne veut pas voir.
Elles se positionnent malgré elles comme l'antithèse de la culture misogyne du pays. Une culture que les plus jeunes veulent faire exploser. Un mouvement féministe prend de plus en plus d'essor depuis 2019 et trouve un certain écho sur TikTok. On les appelle les 4B.
Ces femmes choisissent de renoncer au maquillage et se coupent les cheveux courts pour défier les canons de beauté prédominants dans le pays. Elles manifestent pour faire bouger les lignes et selon Reuters, le gouvernement a pris une série de mesures pour promouvoir l'égalité des sexes. Parmi elles, l'amélioration du régime de congé parental et l'offre de traitements de fertilité pour les couples et les femmes célibataires.