Le premier train quitte Le Sentier, à la Vallée de Joux, peu après cinq heures du matin. Je le sais parce que j'y étais en vacances. A Jaun, dans le canton de Fribourg, les vaches sont ramenées du pâturage peu après cinq heures du matin. Je le sais parce que j'y étais en vacances.
Est-ce que la qualité de son sommeil compte pour juger ses vacances? Cet été, c'est en tout cas lors de la dernière nuit que je me suis mise à me poser la question. Dans le dortoir d'à côté, une femme confiait à voix haute à son fils qu'elle ne pouvait pas dormir. Oui, merci, moi non plus.
La perspective des vacances donne lieu à toutes sortes de publicités pour des séjours insolites: dormir dans un tonneau de vin, dormir dans les arbres, dans la station supérieure d'un téléphérique, dans un champ de blé, dans un igloo. Mais cela ne rend-il pas le tout particulièrement peu reposant?
Bien sûr, nous pouvons réserver un simple hôtel. Mais, même là, la recherche scientifique montre que dormir hors de son propre lit ne garantit pas un sommeil réparateur. D'ailleurs, la plupart des gens ont plus de mal à dormir ailleurs que chez eux. Des psychologues l'ont démontré dès 1966 à l'aide d'un électroencéphalogramme (EEG) et l'on connaît ce phénomène depuis sous le nom d'«effet de la première nuit»: passée ailleurs que chez soi, celle-ci comporte davantage de phases d'éveil, moins de sommeil avec des mouvements oculaires rapides et un temps d'endormissement rallongé.
Dans une étude publiée en 2016, des psychologues américains expliquaient après avoir testé différentes méthodes d'imagerie que l'hémisphère gauche du cerveau restait plus actif dans un nouvel environnement et réagissait plus fortement à des stimuli extérieurs. L'hémisphère gauche veillerait-il donc sur nous - comme le font les oiseaux migrateurs entre eux dans les airs?
Début août, des Suisses ont enterré cette belle idée: dans une étude de l'université de Fribourg, l'équipe d'Anna Wick, auteure principale de l'article, n'a pas pu confirmer le constat d'un cerveau gauche plus éveillé. Björn Rasch, responsable des travaux de recherche, explique:
Les chercheurs ont également découvert qu'une partie de «l'effet première nuit» est liée à la surveillance électronique: dans leur étude, les participants avaient en effet plus de difficultés à s'endormir rapidement et à rester endormis, lorsqu'ils étaient observés. Et ce, même chez eux.
Lors des deuxième, troisième et quatrième nuits passées chez eux, ils se sont habitués et ont bien dormi, comme à leur habitude.
Anna Wick fait encore remarquer qu'il n'y a pas seulement les bruits inhabituels qui détériorent le sommeil quand on découche. La journée écoulée, avec un voyage excitant ou stressant, peut aussi jouer un rôle.
Selon Björn Rasch, nous nous réveillons entre 15 et 25 fois par nuit sans forcément nous en souvenir. Nous ne nous réveillons complètement que s'il y a un problème ou un changement. Le sommeil agité dans un environnement nouveau est donc une sorte de mécanisme de survie face à un cadre potentiellement dangereux.
Le grincement du train dans le Jura n'était pas inquiétant, mais il était très présent. Comme si les roues ne passaient plus sur les rails, mais pile à la hauteur de nos tentes. Et puis il y a aussi le paysan matinal, qui a puriné à côté de nous à sept heures et demie. Voilà de quoi l'on a discuté en se levant, avec nos petits yeux, debout dans le pré, une tasse de café à la main. Certains n'avaient rien entendu, ou alors s'étaient rendormis tout de suite après.
Convaincue depuis des années par les vacances sous tente, je me suis peu à peu équipée: le bandeau pour les yeux et le matelas pneumatique de dix centimètres d'épaisseur sont venus s'ajouter aux bouchons d'oreilles. Avec l'âge, en effet, les phases de sommeil léger s'allongent et nous nous réveillons plus souvent. Ce qui rend les endroits exotiques où nous sommes amenés à passer la nuit encore plus inconfortable.
Les deux couples de sexagénaires avec lesquels j'ai passé, malgré moi, une nuit dans un chalet cet été ne diront pas le contraire: nous étions dans un dortoir étroit de sept places réparties en deux étages superposés, le tout à distance d'oreiller. La nuit, il faisait chaud malgré les fenêtres ouvertes, et les ronflements ont commencé.
Le coupable était allongé sur le dos, et impossible de le faire se retourner, que ce soit en l'éclairant avec une frontale ou en le secouant. Sa femme et le couple d'amis à côté dormaient également paisiblement. A ce moment-là, je me suis rappelé que tous les quatre avaient parlé au souper de prendre des comprimés pour s'endormir. Voilà une manière bien déloyale de garantir son sommeil.
Les expériences de vacances ne s'arrêtent pas la nuit. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle on en fait la pub: les vacances - de jour - nous les connaissons sous toutes les coutures. Et comme nous le savons maintenant, la première nuit à l'extérieur est particulièrement intense.
Ne considérons donc pas le fait de dormir à l'extérieur comme un mal nécessaire, mais plutôt comme ce qu'il est: une aventure en soi. Les enfants le savent bien. Ils peuvent se réjouir une semaine à l'avance de dormir chez un copain et compter les dodos restants. Et cette première nuit difficile cède sa place à une autre, et nous avons alors atteint - en dormant beaucoup mieux - ce qui est au fond le but des vacances: vivre ailleurs. Pas simplement visiter. Manger, dormir, se réveiller. S'installer réellement.
Il est également rassurant de savoir que la phase importante du sommeil profond n'est généralement pas perturbée lors d'un changement de lit. Dernier conseil d'expert: ne pas s'énerver si l'on est particulièrement fatigué les trois premiers jours du séjour.
«Le corps a justement besoin de quelques jours pour récupérer». Selon Björn Rasch, les études sur ce sujet ne doivent en tout cas pas inciter à rester chez soi: une personne qui dort particulièrement mal la première nuit devrait simplement partir plus longtemps qu'un week-end ou passer des vacances au même endroit que l'année dernière.
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)