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Wawrinka: «Je veux finir ma carrière avec un dernier exploit»

Stan Wawrinka n'a pas disputé de match depuis le 9 mars 2021.
Stan Wawrinka n'a pas disputé de match depuis le 9 mars 2021.
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Stan Wawrinka: «Je veux finir ma carrière avec un dernier exploit»

Stan Wawrinka nous a reçus chez lui juste avant de partir pour Marbella, où il reprend la compétition lundi. Première interview en Suisse après un an d'absence et de douleurs silencieuses.
24.03.2022, 19:0006.04.2022, 10:46
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Vous prenez l’avion dans quelques heures. Depuis le temps que vous attendez ce moment, comment…
STAN WAWRINKA (Il coupe) Depuis une année, très exactement. Je n’ai pas rejoué depuis une année. La première opération au pied gauche a eu lieu le 26 mars.

Et donc?
Je suis super content. Super excité. Impatient de retrouver ces émotions qui me manquent. Il y a encore un mois, vraiment un mois, j’aurais signé les yeux fermés.

Parce que vous étiez comment, il y a un mois?
J’étais avec Pierre Paganini (réd: son préparateur physique). On ne pouvait pas faire de sauts ni plein d'autres mouvements essentiels. On avait cet objectif de reprendre mais aucune assurance d’y arriver. Ce n’était pas toujours joli à voir… Aujourd'hui, je me sens bien mieux. Il faudra de la compétition pour retrouver la forme parce que je n’ai pas beaucoup joué au tennis. Mais ce n'est pas grave si je perds au début. Je suis surtout impatient de pouvoir pousser la machine au maximum. Enfin.

Sans aucune appréhension?
Aucune parce qu’on vient de faire un gros bloc de préparation physique avec Pierre et que j’ai entière confiance en son jugement. Si je calcule bien, ça fait vingt ans qu’on travaille ensemble. Il me connaît par coeur. Il a une connaissance du corps humain presque extrême. J’ai suivi son programme à la lettre et ça a marché. Une fois de plus.

«Sans lui, je serais déjà à la casse»
Pierre Paganini et Stan Wawrinka.
Pierre Paganini et Stan Wawrinka.

Après une année d’absence, avez-vous le trac de remonter sur le court?
Pour l’instant, non. Depuis que j’ai repris l’entraînement physique, j’ai la banane, aucun trac ni rien. Même si j’ai encore des douleurs, même si c’est parfois difficile, j’ai une espèce d'énergie positive qui me rend encore plus heureux. Je sais par où je suis passé. Pendant toute cette année, ça été très dur, avec beaucoup de down. Là, je sais qu’il n’y aura pas d'autre issue que le retour à la compétition.

Down?
C’est vraiment par vagues... D’abord, il y a eu la première opération pour soulager la douleur. On pensait que je serais prêt pour la terre battue mais on a oublié de préciser quelle année (rire jaune). En mai, on a pu reprendre mais les douleurs ne passaient pas. J’avais une sorte de grosse inflammation au pied gauche. Après les matchs, je ne pouvais presque plus marcher. On a dû faire une deuxième opération nettement plus lourde.

«Il a fallu nettoyer le tendon d’Achille, râper de l’os, trifouiller dans le pied»

Après cette opération, j’étais en pleurs sur mon lit d’hôpital, à imaginer le temps que je devrai passer sur des engins et des vélos pour des petits progrès de rien du tout. On m’avait dit que ça ne durerait que quelques mois mais avec mon expérience, je savais que ce serait plus long. Les médecins sont parfois trop optimistes avec les sportifs d’élite, ils ne font pas la différence avec M. Tout-le-monde, où ils leur disent ce qu’ils veulent entendre. Et puis j’ai eu la chance de rencontrer le Dr Christophe Baudot, le médecin du PSG, qui a l'habitude de ce genre de blessure.

Un sourire pour la photo.
Un sourire pour la photo.

Il nous a dit que quand il vous a vu arriver, il n’était pas optimiste…
Au contraire, il est resté très positif. Mais il a été honnête avec moi: il a dit que la guérison prendrait du temps, beaucoup plus de mois que prévu. Il a été direct: je n’avais aucune garantie de reprendre la compétition. Et il a eu raison. J’ai énormément apprécié sa franchise, notre relation de confiance.

Comment avez-vous trouvé la patience, vous qui en manquez parfois?
Encore une fois, j’ai traversé plein de phases différentes. Après l'opération, tu es au fond du trou. Mais avec le plâtre, tu as déjà un délai, tu sais quand tu pourras l'enlever. Sauf qu’après 3-4 mois, quand tu ne cours toujours pas, tu commences à te prendre la tête. Et quand tu continues d’avoir mal, six mois après, huit mois après, tu te demandes quand ça va passer.

Comment avez-vous géré ces doutes?
Même dans les périodes très sombres, j’ai essayé de mettre des œillères. J’ai arrêté de réfléchir parce qu’au bout d’un moment, ça ne servait plus à rien. J’ai avancé jour après jour. J’ai fait confiance à mon entourage et j’ai suivi le plan.

Une greffe au genou gauche, une lourde opération au tendon du pied gauche. Les deux blessures sont-elles liées?
C’est toujours pareil: un médecin dira que c’est lié, un autre pas forcément, et un troisième que ça vient de mon style de jeu, vu que mes appuis sur le côté gauche sont puissants. Personne ne peut répondre clairement à cette question. C’est pour ça qu’il faut arrêter de s’en poser. Il faut surtout se souvenir que j’ai 36 ans, que je pousse la machine à fond depuis vingt ans.

«Nous jouons tous avec des douleurs et à la longue, forcément, les pièces de notre corps s’usent. Un jour, ça lâche»

Vous jouiez avec ces douleurs au pied gauche depuis longtemps?
Depuis un an et demi. Le genou, c’était pareil, j’ai joué avec la douleur pendant neuf mois, dont une période sur terre battue où les chocs étaient moins rudes, donc j’ai continué. Mais sur le gazon, c’était fini. Je n’en pouvais plus.

Quand avez-vous compris qu’il fallait arrêter?
Le problème des grosses blessures, c’est que tu les traînes autant que tu peux. Tu connais la suite et tu veux repousser ce moment au maximum. Avec le genou, on savait que j’avais mal, on savait que ça ne tiendrait pas et on savait qu’il faudrait opérer. Mais j’étais No 3 mondial. J'ai fait demi-finale en Australie avec des douleurs. Donc pour moi, il n’y avait pas d'hésitation: tant que j’étais capable d’accepter cette douleur, j’allais continuer. Forcément, puisque j’étais au meilleur de ma forme.

Mais vous preniez un risque.
Supporter la douleur, ce n’était pas du tout un souci pour moi. Le problème, c’est que ça crée aussi une usure mentale. Ça fatigue de tout le temps avoir mal. Le corps est poussé à sa limite et puis un jour, il dit stop, il te fait comprendre qu'il n'ira pas plus loin. Moi, c’était à Doha. Un point de non retour.

«Je me suis dit: je ne peux plus. Fini. Je n’arrivais même plus à faire des petits sauts en déplacement latéral»

Pendant toutes ces années de convalescence, la compétition était-elle votre seule motivation?
Bien sûr que je me suis posé mille fois la question: est-ce que j’arrête? J’y ai sérieusement pensé. Mais de toute façon, la rééducation était nécessaire. Je devais guérir pour espérer recourir ou skier. La compétition était mon objectif, évidemment, mais comme l’a dit Christophe, on n’était sûrs de rien. Donc j’ai arrêté de me poser des questions et j’ai bossé.

A la salle de gym, vous avez côtoyé les blessés du PSG, notamment Sergio Ramos. Avez-vous échangé des encouragements?
Ramos, je l’ai beaucoup vu parce qu'on avait les mêmes horaires (rire). Avec lui, oui, on a eu beaucoup de discussions. C’était très sympa.

Avec d’autres athlètes aussi, dans d’autres sports?
Seuls les footballeurs sont admis au Camp des Loges. Le centre est fermé aux autres sportifs.

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Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG, vous a fait une fleur... Pour quelle raison?
Je le connais du tennis. On a toujours gardé le contact et quand j’ai eu cette blessure, je cherchais des spécialistes capables de la traiter. C’était très gentil de m'ouvrir les portes du Camp des loges. Nasser m’a mis son team à disposition et je lui en suis infiniment reconnaissant.

Avez-vous noué de nouvelles amitiés au PSG?
Non, on a eu de bonnes discussions, on a parlé de tout et de rien avec pas mal de joueurs, avec le coach, mais j’ai essayé de rester dans mon coin et de ne déranger personne. Eux avaient aussi beaucoup de pression.

A quoi ressemble une journée de rééducation?
Durant cette phase, je passais entre 4 et 6 heures au Camp des loges. Physio, échauffement, exercices spécifiques, renforcement musculaire, une bonne heure de vélo, le bain froid. Finalement, les journées défilent. C’est là où les rééducations sont très ingrates: on fait beaucoup plus d’efforts que d'habitude pour peu de résultats. Après, je dois avouer que, même si le moral peut flancher, j'aime m’entraîner. J’avais toujours la banane quand j'arrivais au Camp des loges. Avec le staff, quand ils avaient du temps le matin, on organisait des petits challenges au rameur, au vélo. Pour eux, c’était une occasion de faire du sport et pour moi, ça ajoutait une stimulation, ça mettait une bonne ambiance.

Vous n’avez pas besoin d’une raquette pour fournir des efforts?
Non.

D’une certaine façon, vous aimez l’effort pour l’effort.
Oui, j'aime ça. J’aime me dépenser. J’aime me mettre mal.

Pendant tout cette année, votre corps réclamait-il davantage d’endorphine ou d'adrénaline?
Clairement l’adrénaline. On sent le manque mais on l’accepte. C’est un vrai manque. Il faut essayer de l'oublier.

Des joueurs vous ont-ils contacté?
Probablement pas (rire). J’ai reçu quelques messages au fil de l’année mais rien de plus.

Roger Federer?
Oui, bien sûr. Pour lui aussi, c’est dur. On prend régulièrement des nouvelles.

Votre inactivité était tout de même relative. En une année, vous avez produit et tourné un film («Maison de retraite»), créé un concurrent à Uber (projet aujourd’hui abandonné), lancé un jeu NFT (non-fungible token). D’où vous vient cette frénésie?
Je crois pouvoir dire que je suis un bosseur. Un vrai gros bosseur. J’adore ça, tout le temps. Oui, je suis un peu hyperactif. Oui, j’aime créer, tenter, découvrir. Oui, j’ai envie de sortir de mon domaine de prédilection et d’essayer de comprendre plein de choses. Pour le cinéma, j’avais déjà lancé ma boîte de production en 2019. On a tourné un autre film l’année dernière et on a plusieurs projets en cours d'écriture.

Notre reportage à Paris pour la sortie de «Maison de retraite» 👇

Le NFT, c’est pareil. J’ai découvert ce monde par un ami et j’ai énormément échangé avec la communauté du Web3. Pendant une année, il y a eu pas mal de difficultés et puis soudain, en janvier et février, tout le travail a payé. Le film est sorti et le public l’adore (réd: 1,6 millions d’entrées en France à ce jour). Le NFT cartonne, on est sold-out alors que c’est difficile de percer dans ce milieu où il y a énormément de projets. Ce ne sont pas du tout les mêmes émotions que le tennis, mais ça procure de belles satisfactions quand ça marche.

Le trac était-il le même sur le tournage du film que sur un court de tennis?
Disons que mon petit rôle dans «Maison de retraite» n’était pas prévu... C’était un clin d'œil, une idée de Kev (réd: Adams, son associé et ami). Là oui, j’ai eu le trac parce que je ne connaissais pas du tout ce monde et devant de tels acteurs (réd: Depardieu, Prévost, Duléry, etc), je n’avais pas envie de me rater.

Que faut-il vous souhaiter maintenant?
Il ne faut pas me souhaiter autre chose que la santé. On en a tous besoin, partout dans le monde. Parfois, on s’en rend plus facilement compte que d’autres.

Départ pour Marbella avec son coach Dani Vallverdu.
Départ pour Marbella avec son coach Dani Vallverdu.

Qu’allez-vous encore chercher dans le tennis?
J’ai envie de retrouver un très bon niveau, même si ça doit prendre du temps. Idéalement, je voudrais gagner un titre. Peu importe que ce soit un petit ou un grand tournoi, juste pour le sentiment d’accomplissement.

Êtes-vous surpris que les Grand Chelem soient toujours remportés par Djokovic et Nadal?
Non, plus rien ne me surprend. Nadal, Djokovic et Federer sont les plus grands joueurs de tous les temps. Ils ont explosé tellement de records qu’un de plus ou un de moins, quelle différence? Bien sûr que la passation de pouvoir tant annoncée finira par arriver. Mais tant que ces trois-là sont encore actifs, il ne faudra jurer de rien. Avec eux, on n’est pas dans le rationnel.

Leur âge vous donne-t-il une motivation de revenir?
Non. Je reviens pour moi, pour mes objectifs, pour mes raisons personnelles, et je n’ai jamais été au niveau de ces trois-là en termes de carrière. Je constate aussi que le sport de haut niveau évolue considérablement. Des joueurs de 36 ans, 38 ans, continuent de dominer le tennis, le football ou le basket. Comme eux, j’ai encore envie de vivre des émotions fortes. J’ai encore envie de créer des exploits. J’ai encore envie de revivre ces grands matches avec le public et de terminer ma carrière comme il faut.

C’est quoi, pour vous, comme il faut?
Il faut reconnaître que 95 % des joueurs ne savent pas comment arrêter. C'est difficile de décider de sa fin. Au fond, le bon moment n’existe pas. Quand je dis «comme il faut», ce serait avec une émotion positive, en étant content d'être là, plutôt que tout seul dans une salle de gym avec des tiraillements partout.

Vous avez toujours manifesté une volonté hors-norme. Pendant vos blessures encore plus. Quelle est la part d’inné et d’acquis?
Moi, je suis persuadé que tout s'acquiert dans la vie. Tout se développe. Tout se travaille. Bien sûr que l'éducation joue un rôle, le caractère, l'entourage, les expériences de vie, mais je reste convaincu qu'on sous-estime souvent sa volonté. Pour la développer, en premier lieu, il faut aimer ce que l'on fait. Mais si c’est le cas, il n’y a pas de limite. La volonté est à la portée de tous les passionnés.

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