Flashback, il y a 36 ans. En 1986, Neuchâtel Xamax aligne une véritable armada sur le terrain. Parmi ses joueurs, il y a de très grands noms du football suisse, et même international: Uli Stielike, Karl Engel, Heinz Hermann, Don Givens, Philippe Perret, Claude Ryf ou encore Robert Lüthi.
Cette année-là, ces hommes mèneront les «Rouge et Noir» jusqu'en quart de finale de la Coupe de l'UEFA. Ils n'échoueront que contre le Real Madrid, malgré une victoire à domicile 2-0 dans une Maladière pleine à craquer (25'000 spectateurs). Une année plus tard, ils décrocheront le premier titre national du club, puis un second la suivante. Une toute autre époque.
Parce qu'en 2022, Xamax n'affronte plus le Real Madrid. Ses adversaires se nomment Kriens, Vaduz ou encore Aarau. Et la Maladière sonne creux. Dirigé depuis 2019 par Jean-François Collet, le club neuchâtelois n'arrive pas à quitter le ventre mou de la Challenge League, la deuxième division suisse. La saison passée, il avait même risqué la catastrophe en bataillant jusqu'à la dernière journée contre la relégation, avec une «finalissima» à Chiasso. Les Neuchâtelois n'avaient dû leur maintien qu'à une meilleure différence de buts.
Des frayeurs que les «Rouge et Noir» veulent, forcément, à tout prix éviter cette année. Le président xamaxien Jean-François Collet est optimiste:
Ce nouveau projet, orienté sur la formation, a un triple objectif: permettre à Xamax de construire une équipe compétitive pour son avenir proche, rapprocher le club de ses supporters et, enfin, amener des liquidités, indispensables, grâce aux ventes de pépites.
Et ça tombe bien: plusieurs jeunes visages se sont imposés dans le onze neuchâtelois cette saison. Des joueurs formés au club, destinés à faire revenir Xamax dans l'élite un jour. Parmi eux, il y a l'arrière-central Yoan Epitaux (20 ans), le milieu central Burak Alili (18 ans) et Fabio Saiz (20 ans), sentinelle devant la défense.
Jean-Paul Picci, journaliste à la radio neuchâteloise RTN, suit l'équipe match après match. Derrière son micro de commentateur, il est aux premières loges pour voir l'éclosion de ces talents. Il reconnaît que le projet est «intéressant» et qu'il a déjà eu des effets positifs. Mais en rajeunissant considérablement son contingent, le club s'expose aussi à quelques soucis, comme actuellement:
Le journaliste neuchâtelois voit une autre limite au projet de Xamax, totalement indépendante de la volonté de ses dirigeants: la réalité démographique.
Car oui, le club de Maladière ne pourra pas retenir longtemps ses futurs joyaux. Il a besoin de cash pour grandir. «Il faut être réaliste. Les ventes de joueurs sont nécessaires, concède Jean-François Collet. On a réussi à en vendre trois lors des derniers mercatos, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps. On va continuer à travailler pour valoriser nos joueurs et leur permettre de se mettre en avant.»
Cet hiver, Xamax a vendu Maren Haile-Selassie à Lugano et a prêté Louis Mafouta à Metz, avec option d'achat. En 2020, il avait encaissé de l'argent en cédant Musa Araz à Sion. Mais les montants de ces transactions n'ont pas été révélés. «C'est un peu dommage», déplore Jean-Paul Picci. Il enchaîne:
Neuchâtel Xamax, sixième de Challenge League, n'est qu'à neuf points du 2e et barragiste, Winterthour, avec un match en moins. Mais même si elle reste envisageable, une promotion dès cet été n'est pas l'objectif du club, comme l'explique son président-propriétaire:
Constat similaire chez Jean-Paul Picci. Pour le journaliste, une promotion en fin de saison serait même un cadeau empoisonné: ««L'équipe n'est pas encore taillée pour la Super League et, en coulisse, le club est en plein développement», rappelle-t-il.
C'est aussi la crainte de beaucoup de supporters. Ils restent nombreux à Neuchâtel où l'on vit parfois au travers du glorieux passé du club. Le projet du président passe par une fidélisation de son public, nostalgique des grandes années ou beaucoup plus jeune, mais qui doit dans tous les cas pouvoir s'identifier à son équipe.
Les dirigeants y mettent du cœur. «À Neuchâtel, il y a une base de 2'000 à 3'000 fidèles. Le club travaille bien avec ses fans, en discutant avec et en leur proposant un projet qui va dans leur sens, avec des jeunes de la région», se réjouit Jean-Paul Picci.
Pour continuer à remplir la Maladière correctement – pour de la Challenge League –, Xamax devra être capable d'offrir des émotions à son public. Et donc voir suffisamment loin.
Plusieurs opérations ont été entreprises pour garnir les gradins, comme par exemple offrir les abonnements, en début de saison, aux personnes qui étaient déjà abonnées pour le précédent exercice. Une initiative rare et louable, surtout en pleine crise sanitaire et financière.
La troupe d'Andrea Binotto dispose maintenant de trois mois jusqu'à la fin de la saison – qu'elle devrait finir tranquillement, sauf cataclysme – pour roder son équipe, sur le terrain et en coulisse, dans l'optique de lui faire retrouver la Super League à moyen terme. Et qui sait, un jour, revoir le Real Madrid débarquer sur sa pelouse pour une nouvelle folle soirée.