Le Paris Saint-Germain est dans de sales draps. Mercredi, le site d'investigation Mediapart a révélé que le club parisien avait mandaté une société de communication – l'agence Digital Big Brother, basée à Barcelone et dirigée par l'homme d'affaires franco-tunisien Lotfi Bel Hadj – pour créer des comptes Twitter.
Leur but? Publier du contenu et des commentaires visant à nuire d'autres comptes et des médias jugés hostiles au PSG, et même des joueurs parisiens. Cette véritable «armée numérique», active entre 2018 et 2020, était directement dirigée par l'ex-chef de la comm' du PSG, Jean-Martial Ribes, un proche collaborateur du président Nasser al-Khelaïfi. Contacté par Mediapart, le Paris Saint-Germain a nié les faits qui lui sont reprochés, répondant que «le club n’a jamais contracté avec une agence afin de nuire à des individus et à des institutions.»
Le #PSG a chargé une agence externe de créer une « armée » de faux comptes Twitter qui a mené des campagnes violentes et ordurières, notamment contre des médias et des personnalités du club de football. Mediapart est l’une de ses cibles. Kylian Mbappé lui-même a été égratigné. pic.twitter.com/wCsidGdOp2
— Mediapart (@Mediapart) October 12, 2022
Selon Mediapart, les cibles étaient aussi nombreuses que variées. Ainsi, l'un des comptes en question avait tweeté le 7 mars 2019 en insultant le milieu de terrain Adrien Rabiot: «Adrien Rabiot. Gros FDP (réd: Fils de p...). Ça bouge pas.» Le même mois, Kylian Mbappé, idole locale, a aussi été visé quand des rumeurs sur ses envies de départ au Real Madrid avaient émergé. «Maintenant, bossez en silence et faites-vous discrets. Pas besoin de trop de déclaration. On a besoin d’une réponse de terrain», avait posté l'un des comptes manipulés par le service de com' du PSG.
Jean-Martial Ribes devient officiellement le directeur communication du #PSG. (L'Équipe) pic.twitter.com/GR1RZAwJpf
— PSG Society (@PSGsociety) September 8, 2017
Comme autres actions visant à démonter des personnes ou des entreprises, on peut citer notamment des tweets orduriers contre le grand rival, l'Olympique de Marseille, ou des photomontages sur Jean-Michel Aulas, le président de Lyon.
«Le sport n'est qu'un des domaines concernés par ce genre de pratiques», observe Stéphane Koch, expert en communication numérique basé à Genève et vice-président d'ImmuniWeb SA.
A en croire le Genevois, le PSG n'a pas choisi Twitter par hasard. «Twitter est culturellement plus utilisé en France que dans certains autres pays, et les internautes y sont très réactifs», explique-t-il. Et forcément, avec des millions d'utilisateurs et une vitesse de communication ultra-rapide, les dommages créés par un tweet ont de quoi être colossaux. La vague est d'autant plus grande que «le sport est un thème qui engendre beaucoup d'émotions», complète Stéphane Koch.
Le Romand est formateur dans les écoles de communication et coache aussi des clients. Mais il a toujours refusé les mandats visant à nuire à quelqu'un sur le web. Par éthique, morale et déontologie, d'abord. «On a des codes et chartes professionnelles qui nous l'interdisent», fait-il savoir.
Stéphane Koch a, par contre, déjà été mandaté pour rectifier l'image d'une personne attaquée en ligne: «J'ai corrigé sa page Wikipedia, qui avait été modifiée dans le but de salir son image. J'ai donc remplacé les propos diffamatoires avec de vraies informations, en indiquant mes sources dans l'onglet de discussion.»
L'expert ne le cache pas: «Quand il faut réagir pour sauver l'image de quelqu'un sur le web, on a déjà un temps de retard, parce que les posts négatifs ont déjà été très partagés et lus». Alors il préconise l'anticipation pour éviter de se faire souiller par une action comme celle entreprise par le PSG. «C'est important de bénéficier d'une forte communauté de followers en amont, qui compte notamment des ambassadeurs et influenceurs qui seront prêts à nous soutenir. Il s'agit aussi de prévoir des scénarios de crise», conclut-il.
Heureusement pour eux, Adrien Rabiot, Kylian Mbappé ainsi que les médias L'Equipe et Mediapart – tous ciblés par le PSG – ont le privilège de pouvoir compter sur de nombreux inconditionnels. Mais toutes les personnes ou entreprises victimes de telles actions n'ont pas cette chance.