Avec plus de 50 matchs par saison, le hockey sur glace moderne a enseigné aux clubs qu'il était judicieux de posséder deux gardiens de très haut niveau dans ses rangs, de sorte à ce qu'ils puissent se partager le travail. Mais est-ce une vérité absolue? Eh bien, ce n'est pas sûr du tout.
Prenez l'exemple de Zurich. Finaliste des play-off cette saison après huit victoires en huit matchs (quatre contre Bienne et autant contre Zoug), ce club hyper moderne possède un collectif parfaitement huilé, façonné selon les toutes dernières connaissances scientifiques en matière de hockey. Pourtant, il s'appuie sur un seul gardien de but. Un portier étranger: le Tchèque Simon Hrubec.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les ZSC Lions ont fait ce choix puisqu'aucun autre club de notre championnat n'a autant d'expérience avec les gardiens étrangers. Alors qu'ils n'étaient pas encore des lions et s'appelaient simplement ZSC, ils ont fait appel à l'été 1979 à l'un des gardiens les plus spectaculaires en dehors de la NHL: le Polonais Andrzej Tkacz, âgé de 33 ans. Il est à la base de ce qui est encore aujourd'hui la plus grande sensation d'un Championnat du monde. Le 8 avril 1976, la Pologne a battu l'URSS 6-4 (2-0, 3-2, 1-2). Avant cette date, les Polonais avaient joué sept fois contre l'URSS lors d'un Mondial et avaient perdu tous leurs matchs: 0-20, 3-9, 3-8, 1-16, 1-15, 2-13, 0-17. La victoire 6-4 est donc un immense exploit.
Andrzej Tkacz devient une attraction au Hallenstadion. Mais le 4 mars 1980, sa magie s'évanouit: lors du dernier match de la saison, un nul à Fribourg suffit au ZSC pour retrouver la ligue supérieure. Les Zurichois sont écrasés 6-0 par un Gottéron remonté à bloc. Un drame.
Pour la saison 1998/99, le directeur sportif Simon Schenk engage Ari Sulander. Le gardien finlandais, qui gardait les buts de sa sélection lors de la finale du Championnat du monde 1998, va accompagner les ZSC Lions dans ses meilleures années. Avec le natif d'Helsinki entre les poteaux, ils remportent plusieurs titres, la Champions Hockey League et la Victorias Cup. Le triomphe est total.
Il y a deux ans, le directeur sportif Sven Leuenberger fait venir le Tchèque Jakub Kovar au Hallenstadion juste avant les play-off. Les ZSC Lions mènent 3-0 en finale contre Zoug. L'entraîneur Rikard Grönborg est aux anges. Il déclare: «Nous avons le meilleur Kovar des deux». Mais Zoug renverse la finale et remporte le tire. Jan Kovar, l'attaquant de Zoug et frère du gardien zurichois, est nommé MVP des playoffs. L'embarras est total pour Grönborg.
Voici maintenant Simon Hrubec. Il y a un an, il n'a pas pu empêcher l'échec honteux des Zurichois en demi-finale contre Bienne (0-4), ne repoussant que 85,56% des frappes adverses. Nouvelle saison, nouvelle chance: il est désormais de loin le meilleur gardien du pays, à la fois au niveau de l'impression visuelle et des statistiques. C'est lui qui possède le meilleur taux d'arrêts en qualification (93,21%), une statistique qu'il a encore fait grandir lors des séries finales avec plus de 94% de tirs bloqués ou renvoyés. Entre septembre et mars, c'est lui aussi qui a disputé le plus grand nombre de matchs (42, soit le même nombre que Harri Säteri).
Bien sûr, le hockey sur glace est un sport d'équipe. Les ZSC Lions bénéficient d'ailleurs d'un effectif très homogène, avec des joueurs comme Dean Kukan, Derek Grant, Denis Malgin, Christian Marti, Rudolfs Balcers ou Yannick Weber. Mais une fois de plus, Simon Hrubec confirme l'éternel adage selon lequel le gardien de but est le joueur le plus important en play-off. Il est même irremplaçable. Surtout dans le duel qui a opposé Hrubec avec le septuple champion Leonardo Genoni (Zoug). Le coach des Lions Marc Crawford s'abstient prudemment de faire des remarques et souligne que les deux hommes sont deux des meilleurs gardiens de la ligue.
Comme il se doit pour être un héros du ZSC, Simon Hrubec a une histoire très particulière: quand il était petit, il était attaquant. Mais il tombait régulièrement malade.
Le Tchèque peut devenir le troisième gardien de but étranger champion de Suisse. Seuls Ari Sulander (en 2000, 2001, 2008 et en tant que remplaçant en 2012) et le Tchèque Jakub Stepanek en 2016, arrivé à Berne en cours de saison pour remplacer Marco Bührer (blessé), ont déjà réussi cet exploit.
En 2018, Simon Hrubec a fondé l'organisation caritative "Saves help". Pour chaque parade (save), les gardiens de but versent 10 couronnes tchèques (environ 40 centimes) à une bonne cause. Depuis, plus de 60 gardiens ont décidé de participer à cette action et la saison dernière, environ 20'000 francs ont été récoltés.
Les ZSC Lions agissent en quelque sorte eux aussi pour une bonne cause en ignorant la doctrine moderne des deux gardiens de même valeur et en misant entièrement sur Simon Hrubec.