Il y a dix jours, les coureurs de Lausanne et de Lucerne ont disputé la même épreuve (marathon), sur la même distance (42,195 km) dans le même environnement (urbain) et le même pays (Suisse). Ils n'ont pourtant pas payé le même prix: les Vaudois ont dû débourser 87 francs suisses pour obtenir un dossard, tandis que les Lucernois ont dû sortir entre 99 et 149 francs selon la date d'inscription, car dans ce marathon alémanique comme dans beaucoup d'autres en Suisse, plus on réserve sa place tôt et moins on paie cher.
Certains Lucernois ont donc payé 62 francs de plus qu'à Lausanne, un écart conséquent qui n'est pas vraiment surprenant, car quand on se penche sur les tarifs d'inscription des marathons urbains en Suisse, on se rend compte qu'il existe de grandes disparités entre les villes.
Pourquoi de tels écarts? Nous avons posé la question à trois organisateurs, à commencer par Reto Schorno, qui est à la tête du SwissCityMarathon - Lucerne. Il trouve d'abord que le prix demandé par l'épreuve lausannoise (87 francs) est «trop faible». Mais il précise aussi que c'est à chaque organisateur de faire ses propres calculs en comptant les charges auxquelles il est confronté.
Les coureurs ne se rendent pas forcément compte des frais, mais il y en a énormément, et ça va jusqu'au bus qu'il faut parfois pour acheminer les coureurs, ou la location des mètres carrés dans la zone de départ. «C'est pour cela que je ne jette pas la pierre à ceux qui ont des tarifs un peu plus élevés que les nôtres, intervient Benjamin Chandelier, le patron du marathon de Genève. Il faut vraiment s'adapter au contexte local, aux contraintes qui sont celles des organisateurs pour équilibrer le budget. Or d'un pays à l'autre, d'une région à une autre, il peut y avoir des coûts bien différents.»
A Lausanne, la directrice du marathon Josette Bruchez nous explique qu'à 87 francs par dossard, elle arrive à tenir son budget, à condition de «faire attention à tout» et d'avoir des partenaires fiables. C'est que le sponsoring est un autre élément à prendre en considération dans les tarifs d'inscription. Reto Schorno le résume de façon implacable:
Le marathon de Genève a de la chance, il est à la fois soutenu par la Ville et des partenaires forts et fidèles, dont le sponsor titre Generali. «D'ailleurs, nous ne demandons plus de subventions depuis 2015 car nous avons réussi à équilibrer nos comptes grâce à nos sources de revenus», se félicite Benjamin Chandelier.
Genève et Lucerne ont tous les deux adopté une formule qui existe aussi sur de nombreux autres marathons en Suisse (mais pas à Lausanne): celle des tarifs progressifs. Concrètement, plus un coureur s'inscrit tôt et moins il paie.
«Nous avons instauré ce système il y a une dizaine d'années car les gens s'inscrivaient pour la plupart à la dernière minute, ce qui posait des problèmes organisationnels», explicite Benjamin Chandelier.
Aujourd'hui, ces problèmes n'existent plus puisque l'organisateur du marathon de Genève et celui du SwissCityMarathon - Lucerne savent qu'ils seront complets le jour de l'épreuve (chacune des deux courses a d'ailleurs une longue liste d'attente). Le système de tarifs progressifs est pourtant resté, avec une petite subtilité tout de même: chaque zone de prix a une capacité d'inscriptions limitée.
On en déduit que le «juste prix» pour participer au marathon de Genève se situe entre 84 francs (premiers inscrits) et 114 (derniers inscrits), et qu'il est donc de 99 francs. «C'est exactement cela», confirme Benjamin Chandelier.
Le tarif d'inscription pourrait pourtant être bien plus élevé car quand la demande est très forte, la logique commerciale veut que l'offre augmente. Mais ce n'est pas aussi simple en marathon, où les organisateurs ont en quelque sorte une mission de service public. Benjamin Chandelier acquiesce:
Le directeur du marathon de Genève précise enfin qu'à l'échelle mondiale, la Suisse propose des marathons tout à fait abordables. Il parle d'expérience: «J'ai couru pour la première fois sur la distance reine en 2014 à New York, et j'avais payé environ 300 dollars.» Aujourd'hui, et à titre d'exemple, un coureur suisse qui souhaiterait s'aligner sur le marathon de Berlin payerait 188 francs suisses (200 euros) et sur celui de Londres 163 francs (146 livres sterling), ce qui est davantage que le prix le plus élevé demandé pour une course organisée dans notre pays.