Christophe Dominici est mort le 24 novembre 2020 après une chute d'une dizaine de mètres dans la région parisienne. S'agissait-il d'un suicide, d'un coup de folie ou d'un accident? Les circonstances du drame n'ont jamais été élucidées, mais ce n'est pas ce que cherche à faire le documentaire diffusé sur L'Equipe TV. La disparition de la star du rugby français à l'âge de 48 ans n'est d'ailleurs abordée qu'en fin d'émission, car Christophe Dominici c'était d'abord la vie, la générosité, du talent à revendre, pas mal de conneries aussi et, surtout, une joie communicative.
Sa dernière compagne et mère de ses deux enfants, Loretta Denaro, a beaucoup hésité à prendre la parole face caméra «parce qu'elle savait qu'elle allait pleurer, dit le réalisateur Sébastien Tarrago. Mais à un moment, elle s'est dit: il faut que j'existe dans ce documentaire».
« Son rire était contagieux, il était magnifique »
— la chaine L'Équipe (@lachainelequipe) June 29, 2023
Loretta Denaro, compagne de Christophe Dominici
Christophe Dominici : il brûlait la vie, un reportage de Sébastien Tarrago et Jules Bian-Rosa, un documentaire à découvrir jeudi à 21h05 pic.twitter.com/9wPddkCrFN
La voici donc aux côtés de nombreux proches du rugbyman disparu (famille, amis et coéquipiers) et cette richesse parmi les intervenants est l'une des grandes qualités de l'émission. Elle permet aux téléspectateurs de découvrir les multiples facettes de la personnalité du sportif, dans son rapport aux autres notamment.
Tous racontent avec tendresse ce mec du sud, santiags aux pieds et clope au bec, dont le petit corps (172 cm/82 kg) est surmonté «par une tête à jouer dans Borsalino aux côtés de Delon et Belmondo», s'esclaffe l'ex-joueur Vincent Moscato.
Christophe Dominici n'est pas du genre à se laisser impressionner, et c'est ce qui le révèle aux yeux du monde en 1999, lorsqu'il est le seul Français à croire que les Bleus peuvent battre les redoutables All Blacks en demi-finale du Mondial.
Des images d'archives, avec les commentaires de l'époque, montrent l'ailier virevolter dans la défense néo-zélandaise et porter son équipe vers une victoire historique (43-31). Dominici «est un génie», hurle alors Christian Jeanpierre au micro.
Mais le génie, propulsé sur tous les plateaux de télé et jusque dans le jury de miss France, «se brûle les ailes», observe Thomas Lombard, ex-coéquipier au Stade Français et en équipe nationale. Déstabilisé par le décès de son kinésiologue et ami, épuisé par l'enchaînement des matchs, éconduit par son amour de jeunesse, Dominici plonge. Ce guerrier du rugby, qui a peur du noir et de la mort, ne parvient plus à trouver le sommeil. Un an après son exploit face aux Blacks, il est hospitalisé avec deux trous noirs à la place des yeux.
Domi, ce grand sensible «qui ressentait tout plus intensément que les autres» (une amie), reviendra au jeu, bien sûr, il se fera encore remarquer sur le terrain et en dehors. «J'ai passé sept saisons avec lui, c'était sept années de conneries», résume avec tendresse Thomas Lombard. «Quand il se passait rien, ça ne lui plaisait pas, ajoute Franck Comba, un ex-coéquipier et ami. Il fallait qu'il y ait toujours du mouvement, des histoires. Il avait besoin de ça, c'était son tempérament.»
Des histoires, justement, ses proches en racontent beaucoup, participant ainsi à la richesse du documentaire autant qu'à la compréhension d'un joueur à la personnalité excentrique et généreuse, excessive et attachante. «Si on lui pardonnait tout, c'est parce qu'il était extrêmement humain. Quand il t'aimait, c'était sincère et à vie», souffle un proche.
Son amour pour le rugby était aussi pour toujours. Une fois sa carrière terminée, le natif de Toulon voulait rester proche du jeu et des gens. Il songe alors à reprendre le club de Béziers, croit aux promesses d'un repreneur lui garantissant des millions, rêve en grand, s'emballe, s'épuise et ne dort plus. Une nouvelle dépression le frappe en 2020 et elle est terrible. Sa mère ne le reconnaît plus. «Je l'ai vu arriver chez nous, c'était un zombie», résume-t-elle, très touchante et toujours pleine d'amour.
Le quintuple champion de France comprend à l'automne 2020 qu'il a été dupé et qu'il ne pourra jamais reprendre le club de Béziers. C'est le coup de grâce.
Le jour du drame, il dit à son épouse qu'il part acheter des cigarettes puis qu'il va se promener. Il erre pendant plus d'une heure dans le parc de Saint-Cloud avant de basculer dans le vide, par-dessus un muret. Celui qui «brûlait la vie» (le titre du documentaire) vient de s'éteindre et de plonger le monde du rugby dans une longue nuit de chagrin.