Mark Cavendish a signé un succès historique mercredi sur le Tour de France. Vainqueur du sprint à Saint-Vulbas, le Britannique est devenu le seul recordman de victoires d'étapes sur la Grande Boucle avec 35 succès. Il dépasse ainsi d'une longueur Eddy Merckx et ses 34 bouquets.
Ce record, Stéphane Thirion s'y attendait. Nous avions contacté ce journaliste belge, spécialiste de cyclisme et auteur de la biographie autorisée d'Eddy Merckx, lorsque Mark Cavendish venait d'égaler Merckx au nombre de succès (34). C'était en 2021 et Thirion expliquait déjà qu'on ne pouvait pas comparer les victoires au sprint de l'Anglais aux 34 succès plus éclectiques du mythe belge.
«Parmi ses 34 succès, on trouve un contre-la-montre par équipes, beaucoup de chronos, des étapes en solitaire et ce fameux sprint contre Roger de Vlaeminck sur le vélodrome de Strasbourg en 1971», expliquait-il.
Nous lui avions demandé, aussi, comment il réagirait si Cavendish dépassait un jour le Cannibale au palmarès de la Grande Boucle, ce qui est donc arrivé ce mercredi 3 juillet. «Sincèrement, ça ne me poserait pas le moindre problème, avait-il répondu d'un ton calme et posé. Et c'est pareil pour Merckx, qui sait très bien qu'il est difficile à la fois de comparer les générations et les coureurs. Eddy Merckx, je le rappelle, c'est 96 jours en jaune. Ce chiffre suffit à stopper tout début de comparaison.»
Stéphane Thirion rappelait aussi que le débat entre Cavendish et Merckx n'existe pas en Belgique. «On se base simplement sur le palmarès: 525 victoires, c'est-à-dire quelque chose comme 200 de plus que Bernard Hinault. Ce chiffre est indiscutable.»
Il y a les chiffres et la manière. Or le Belge ne s'est jamais départi de la manière. «Plusieurs évènements assoient sa domination dans l'histoire du vélo, rappelait Thirion. Comme la construction de son premier Giro en 1968 au Tre Cime di Lavaredo, où il a écrasé tout le monde en remontant tous les échappés. Ou sa chevauchée victorieuse sur le Tour 1969 à Mourenx. Ou son record de l'heure, trois ans plus tard. Car Merckx fut l'un des seuls grands coureurs à s'y attaquer.»
Stéphane Thirion a souvent rencontré Merckx, notamment pour la rédaction de sa biographie. «Un homme simple, poli, aimable, attachant, décrivait-il. Il n'est pas "Cannibale" (réd: son surnom) dans sa manière de se comporter avec les gens. C'est d'ailleurs pour ça qu'il est aussi populaire chez nous (réd: un centre scolaire et une station de métro portent son nom).»
C'est pour cela aussi que les jeunes belges connaissent encore ce champion cycliste qui a rangé son vélo en 1978. «Il est aussi célèbre que Pelé ou Ali. Même si on ne connait pas le football ou la boxe, ce sont des noms qui apparaissent... Je ne vais pas dire comme Victor Hugo ou Napoléon, mais à une certaine échelle, oui.»
Son nom est tellement ancré dans la mythologie du cyclisme qu'un adjectif en est le dérivé: le «merckxisme». «C'est une manière de courir de certains cyclistes, qui ne sont pas forcément tous Belges d'ailleurs, renseignait Stéphane Thirion il y a trois ans. Le Néerlandais Van der Poel ou le Slovène Pogacar l'ont montré quelques fois par le passé, en partant loin de l'arrivée, sans se préoccuper du fait qu'ils n'avaient plus de coéquipiers. Le «merckxisme», c'est rouler à l'ancienne. Avec panache.»
Cet article a été adapté d'une première version parue sur notre site en juillet 2021.