Les navigateurs du Vendée Globe pensaient vivre l'enfer. Or durant les premières heures de course dimanche 10 novembre, ils ont eu droit à une mer particulièrement calme puis à un Golfe de Gascogne des plus tranquilles. Les conditions ont toutefois rapidement évolué, en particulier pour Alan Roura.
Le cap Finisterre à la pointe de l'Espagne ne lui a fait aucun cadeau. Mer croisée, vents à 35 nœuds: Roura a été victime d'un départ à l’abattée. Son bateau s'est en fait planté dans une vague de plusieurs mètres de haut, et il s'est couché sur le côté, le mât et la voile frôlant la houle, le safran opposé étant alors hors de l'eau.
Alan Roura a pris le temps de capturer ce qu'il nomme ironiquement une «figure de style». «On dit toujours que je ne filme pas quand ça ne va pas, bah là, ça ne va pas. Maintenant, on va essayer de récupérer ça. Il y a 35 nœuds de vent. On va essayer de ne pas déchirer les voiles, de remettre le bateau droit et de reprendre notre route», a-t-il commenté en gardant la tête froide dans une vidéo publiée sur la page Youtube du Vendée Globe.
A peine remis de ses émotions, Roura s'est fait une nouvelle frayeur à bord de son IMOCA Hublot en naviguant proche d'un paquebot au cinquième jour de course. Ce nouvel aléa ne l'a toutefois pas empêché de se replacer au classement général.
D'abord frustrante, l’option Est choisie s'est un temps révélée être la meilleure à la faveur d'une facétie météorologique aux îles Canaries, due à une dépression stationnaire à proximité des Açores. Le natif d'Onex s'est le mieux illustré face à l'étonnant manque de vent et a saisi les moindres opportunités pour faire avancer son bateau, sans l'abîmer les rares fois où la brise soufflait brusquement. Résultat: il pointait en deuxième position à l'approche de l'Equateur en fin de première semaine.
Or cette subite avancée s'est finalement retournée contre lui et le rêve de pénétrer en tête dans l'Atlantique Sud a viré au cauchemar. Car la clé se trouvait en réalité ailleurs. Roura a perdu de nombreuses places au classement, dépassé par tous les navigateurs ayant opté pour le contournement ouest de la zone, quitte à parcourir davantage de chemin. Son coup de poker également suivi par le vieux briscard Jean Le Cam n'a donc pas abouti.
Un temps 34e, le Genevois navigue aujourd'hui entre la 20e et la 30e position. Mais il n'en a pas terminé avec les galères, puisqu'il est privé de sa pompe hydraulique de foil depuis le passage de l'Equateur, ce qui l'empêche de régler l'inclinaison de ses appendices. Alan Roura a bien tenté de réparer la fuite à la faveur d'une accalmie, mais le bricolage maison s'est avéré plus compliqué que prévu, la faute à un bateau qui a soudain repris de la vitesse et qui «tappe». «Quand tu es sur un établi à la maison, c'est toujours plus facile», a soufflé le navigateur dans une vidéo où il présente l'avancée des réparations.
Alan Roura s'apprête désormais à remettre sa pompe en route après l'avoir fait sécher. «Je vais toucher du bois pour que ça fonctionne sinon c’est LE merde comme dirait Simon Koster», a-t-il écrit dans son dernier carnet de bord, en dédicace au skipper originaire de Zurich, avec qui il a couru la Transat Jacques-Vabre. Le marin est donc déjà à un tournant, même si la course est encore longue. Son réglage «one-shot» sera peut-être un flop. Il pourrait mener à une nouvelle déception. Or si le rafistolage fonctionne puis tient, ce serait au contraire le signe qu'Alan Roura conjure enfin le mauvais sort, et met le cap au sud bien décidé à revenir sur le peloton de tête et tous ceux qui l'ont dépassé lorsqu'il était à l'arrêt.