Suisse
antisémitisme

Lausanne: Mountazar Jaffar attaqué pour antisémitisme

La Communauté israélite de Lausanne et la LICRA Vaud attaquent en justice l'élu socialiste lausannois Mountazar Jaffar pour des likes sur des tweets jugés antisémites par les poursuivants. Le min ...
Mountazar Jaffar. En arrière-plan, des tweets qu'il a likés et qui lui valent une attaque en justice.Image: watson

Un élu socialiste lausannois attaqué en justice pour antisémitisme

La Communauté israélite de Lausanne et la LICRA Vaud attaquent en justice l'élu socialiste lausannois Mountazar Jaffar pour des likes sur des tweets jugés antisémites par les plaignants. Le ministère public lausannois n'a pas encore décidé des suites à donner à cette dénonciation pénale.
17.07.2024, 18:5418.07.2024, 11:10
Plus de «Suisse»

Le 12 mai, à la suite d’un article paru dans Le Matin Dimanche, éclatait l’«affaire des likes». Des likes dont l’élu socialiste lausannois Mountazar Jaffar est l’auteur et dont l'enjeu porte sur le caractère antisémite ou non. Estimant qu’une «ligne rouge avait été clairement franchie» à l’occasion de ces likes, le Parti socialiste vaudois (PSV) engageait une procédure disciplinaire à l'encontre de Mountazar Jaffar, qui risquait l’exclusion. Le PSV s’en tenait finalement à un avertissement, ne prononçant ni blâme, ni exclusion.

L’affaire rebondit ces jours-ci, à la suite d’une dénonciation pénale pour antisémitisme déposée contre Mountazar Jaffar auprès du ministère public du canton de Vaud, a appris watson. Datée du 9 juillet, elle émane de la Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud (CILV). La section vaudoise de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) a décidé à la fin de la semaine dernière de s’y associer, a indiqué ce mercredi à watson son président, Antoine Reymond.

Les tweets et les likes visés

La dénonciation pénale, dont nous avons pu prendre connaissance, se réfère à trois likes de Mountazar Jaffar sur des tweets publiés entre le 23 décembre 2023 et le 5 mai dernier. Ces tweets et ces likes sont ceux que Le Matin Dimanche, repris par 24 Heures, avait portés à la connaissance du public dans une enquête plus largement consacrée aux partis pris pro-Hamas et pro-Iran d’activistes romands, dans le contexte de la guerre à Gaza.

watson avait fait état des trois tweets en question👇

Image

«Caractère antisémite sans équivoque»

Dans sa dénonciation pénale, la CILV affirme que «le caractère antisémite de ces tweets est sans équivoque» et que «Mountazar Jaffar s'est rendu coupable à tout le moins de l'infraction de discrimination et incitation à la haine (art. 261bis du Code pénale)».

Dans le tweet de gauche liké par Mountazar Jaffar, montrant un drapeau français floqué d'une étoile de David et un chandelier à sept branches placé devant un château qui pourrait être celui de l'Elysée, la légende dit: «La France est sous tutelle sioniste. Etes-vous d'accord?» Pour la CILV et son président Elie Elkaïm, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats vaudois:

«Cette image véhicule et propage l'idéologie antisémite selon laquelle les juifs dicteraient leur conduite aux hauts dirigeants afin de dominer le monde»
La CILV et Elie Elkaïm, dans la dénonciation pénale

Concernant le tweet du milieu, rédigé par le guide suprême de la Révolution iranienne, l’ayatollah Khamenei (incorrectement appelé du nom de son prédécesseur, «Khomeini», dans la dénonciation de la CILV), la CILV estime que les propos «Dieu montrera la victoire au peuple de Gaza dans un futur proche, et cela réjouira le cœur des musulmans», impliquent «la destruction [d’Israël]», «compte tenu des positions publiques et notoires de l'ayatollah s'agissant de "l'Etat juif"».

Précision: la légende citée dans la dénonciation pénale ne correspond pas à celle du tweet liké par Mountazar Jaffar sur cette publication datant du 23 décembre dernier et qui dit: «On peut voir des signes de victoire du front de la Résistance à Gaza.»

Dans le troisième tweet, celui de droite dans l'image, «on aperçoit, écrit la CILV, une foule de gens tous identiques. En premier plan, cette foule porte un masque sanitaire. En dernier plan, cette foule se transforme en juifs religieux. Il y a en outre une légende qui indique "Feel stupid yet?", qu'on peut traduire par "Vous vous sentez cons maintenant ?".» La CILV en conclut:

«On y comprend sans équivoque la théorie complotiste et antisémite qui établit un lien direct entre les juifs et le COVID-19»
Extrait de la dénonciation pénale de la CILV

La CILV, laisse entendre cette dernière, n’aurait peut-être pas entamé de poursuites contre Mountazar Jaffar si celui-ci n’était pas investi d’une charge politique en tant qu’élu lausannois et d’une charge universitaire comme «doctorant et assistant en sciences politiques à l’Université de Lausanne». «Il a un devoir d’exemplarité», considère Elie Elkaïm, joint par watson.

La dénonciation visant Mountazar Jaffar a été envoyée au ministère public vaudois deux semaines après l’annonce, le 26 juin, de la venue du Commissaire général de l’UNRWA, le Neuchâtelois Philippe Lazzarini, comme invité d’honneur, aux festivités du 1er Août organisées par la Municipalité de Lausanne et son syndic Grégoire Junod, un socialiste. L’UNRWA est l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, accusé par Israël de grave compromission avec le Hamas, ce que conteste Philippe Lazzarini.

La lettre de la communauté juive au syndic de Lausanne

Dans une lettre adressée le jour-même à Grégoire Junod, le président de la CILV, Elie Elkaïm, disait désapprouver l’initiative prise par la Municipalité lausannoise. Il écrivait notamment:

«Il ne peut avoir échappé à la Municipalité et à votre attention les tensions qui règnent tout spécialement à Lausanne et jusque dans son université du fait de l’importation du conflit ouvert à Gaza depuis le 7 octobre dernier.»
«Comme tous, vous avez été témoin de ces premières conséquences, soit une résurgence aussi inédite que traumatisante des actes antisémites chez nous en terre vaudoise.»
«Le propos ici n’est pas de dire que marquer son soutien à l’UNRWA, en grande pompe ici, constituerait en soi un comportement antisémite, évidemment.»
En revanche, alimenter ce débat comme le fait la Municipalité par cette invitation dans le contexte délétère actuel nous paraît à la fois une faute et une forme de mépris pour les intérêts de la Communauté juive vaudoise et son désarroi.»
Elie Elkaïm, secrétaire général de la CILV

Rétorsion?

La dénonciation pénale de la CILV à l’encontre de Mountazar Jaffar serait-elle une réponse du berger à la bergère? Une forme de rétorsion à l’invitation faite à Philippe Lazzarini par la Municipalité de Lausanne? «Non, répond Elie Elkaïm. Notre dénonciation pénale contre M. Jaffar tombe, certes, après l’annonce de la venue comme invité d’honneur de M. Lazzarini, mais le premier point est sans rapport avec le second.»

Pourquoi la LICRA se joint à la dénonciation

Du côté de la LICRA, son président Antoine Reymond explique la raison pour laquelle son association se joint à l’action pénale entamée par la CILV:

«Il ne s’agit pas pour nous de juger des intentions de M. Jaffar dans cette affaire de tweets likés par lui. Il a dit qu’il n’était pas antisémite. La justice, le cas échéant, ne se prononcera pas sur l’antisémitisme ou non de M. Jaffar. Elle dira en revanche si, à ses yeux, les tweets en question ont un caractère antisémite, et si le fait de les avoir likés tombe sous le coup de l'article 261 bis du Code pénal.»
Antoine Reymond, président de la LICRA Vaud

L'article 261 bis punit «quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle».

Enquête contre Alain Soral

Le ministère public vaudois, qui confirme réception de la dénonciation pénale visant Mountazar Jaffar, indique que cette dernière «fait actuellement l’objet d’un examen afin de déterminer la suite à y donner». Rappelons que le même ministère public à ouvert en mai une procédure pénale pour antisémitisme contre Alain Soral, le dossier retenu contre le Franco-Suisse étant nettement plus lourd que celui qui vaut une dénonciation pénale à l'élu socialiste lausannois.

Joint par téléphone, Mountazar Jaffar n’a pas souhaité faire de commentaire. Sollicité, Louis Dana, chef du groupe socialiste au législatif de la Ville de Lausanne, «ne souhaite pas commenter une procédure judiciaire en cours». Mais il ajoute:

«Je rappelle que le PS Vaud et le PS Lausannois ont à l'époque jugé problématiques et inacceptables les likes de M. Mountazar Jaffar, que ce dernier a fait l'objet d'une procédure disciplinaire, qui lui a valu un avertissement. Le PS Vaud et le PS lausannois ont estimé, après avoir entendu les explications et les regrets de M. Mountazar Jaffar, ainsi que ses engagements pris contre toute forme d'antisémitisme et pour le droit d'Israël à exister, qu'il n'y avait pas lieu de le sanctionner. Cela n'ôte rien au caractère problématique, en soi, des tweets et des likes en question.»
Louis Dana, chef du groupe PS au conseil communal de Lausanne.
Ces festivaliers se sont réveillés les pieds dans l'eau
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
2 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
2
Il a une astuce pour armer l'Ukraine sans violer la neutralité suisse
L'ancien président des Verts Balthasar Glättli propose que la Suisse laisse sa place à des pays aidant l'Ukraine, au moment de se faire livrer des armes de guerre.

La situation militaire de l'Ukraine est pour le moins inconfortable. Lundi, l'administration américaine a annoncé qu'elle ne livrerait plus d'armes à Kiev. De son côté, la Suisse refuse toujours d'autoriser des pays tiers à transmettre la moindre de ses armes guerre à l'Ukraine.

L’article