Le 12 mai, à la suite d’un article paru dans Le Matin Dimanche, éclatait l’«affaire des likes». Des likes dont l’élu socialiste lausannois Mountazar Jaffar est l’auteur et dont l'enjeu porte sur le caractère antisémite ou non. Estimant qu’une «ligne rouge avait été clairement franchie» à l’occasion de ces likes, le Parti socialiste vaudois (PSV) engageait une procédure disciplinaire à l'encontre de Mountazar Jaffar, qui risquait l’exclusion. Le PSV s’en tenait finalement à un avertissement, ne prononçant ni blâme, ni exclusion.
L’affaire rebondit ces jours-ci, à la suite d’une dénonciation pénale pour antisémitisme déposée contre Mountazar Jaffar auprès du ministère public du canton de Vaud, a appris watson. Datée du 9 juillet, elle émane de la Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud (CILV). La section vaudoise de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) a décidé à la fin de la semaine dernière de s’y associer, a indiqué ce mercredi à watson son président, Antoine Reymond.
La dénonciation pénale, dont nous avons pu prendre connaissance, se réfère à trois likes de Mountazar Jaffar sur des tweets publiés entre le 23 décembre 2023 et le 5 mai dernier. Ces tweets et ces likes sont ceux que Le Matin Dimanche, repris par 24 Heures, avait portés à la connaissance du public dans une enquête plus largement consacrée aux partis pris pro-Hamas et pro-Iran d’activistes romands, dans le contexte de la guerre à Gaza.
watson avait fait état des trois tweets en question👇
Dans sa dénonciation pénale, la CILV affirme que «le caractère antisémite de ces tweets est sans équivoque» et que «Mountazar Jaffar s'est rendu coupable à tout le moins de l'infraction de discrimination et incitation à la haine (art. 261bis du Code pénale)».
Dans le tweet de gauche liké par Mountazar Jaffar, montrant un drapeau français floqué d'une étoile de David et un chandelier à sept branches placé devant un château qui pourrait être celui de l'Elysée, la légende dit: «La France est sous tutelle sioniste. Etes-vous d'accord?» Pour la CILV et son président Elie Elkaïm, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats vaudois:
Concernant le tweet du milieu, rédigé par le guide suprême de la Révolution iranienne, l’ayatollah Khamenei (incorrectement appelé du nom de son prédécesseur, «Khomeini», dans la dénonciation de la CILV), la CILV estime que les propos «Dieu montrera la victoire au peuple de Gaza dans un futur proche, et cela réjouira le cœur des musulmans», impliquent «la destruction [d’Israël]», «compte tenu des positions publiques et notoires de l'ayatollah s'agissant de "l'Etat juif"».
Précision: la légende citée dans la dénonciation pénale ne correspond pas à celle du tweet liké par Mountazar Jaffar sur cette publication datant du 23 décembre dernier et qui dit: «On peut voir des signes de victoire du front de la Résistance à Gaza.»
Dans le troisième tweet, celui de droite dans l'image, «on aperçoit, écrit la CILV, une foule de gens tous identiques. En premier plan, cette foule porte un masque sanitaire. En dernier plan, cette foule se transforme en juifs religieux. Il y a en outre une légende qui indique "Feel stupid yet?", qu'on peut traduire par "Vous vous sentez cons maintenant ?".» La CILV en conclut:
La CILV, laisse entendre cette dernière, n’aurait peut-être pas entamé de poursuites contre Mountazar Jaffar si celui-ci n’était pas investi d’une charge politique en tant qu’élu lausannois et d’une charge universitaire comme «doctorant et assistant en sciences politiques à l’Université de Lausanne». «Il a un devoir d’exemplarité», considère Elie Elkaïm, joint par watson.
La dénonciation visant Mountazar Jaffar a été envoyée au ministère public vaudois deux semaines après l’annonce, le 26 juin, de la venue du Commissaire général de l’UNRWA, le Neuchâtelois Philippe Lazzarini, comme invité d’honneur, aux festivités du 1er Août organisées par la Municipalité de Lausanne et son syndic Grégoire Junod, un socialiste. L’UNRWA est l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, accusé par Israël de grave compromission avec le Hamas, ce que conteste Philippe Lazzarini.
Dans une lettre adressée le jour-même à Grégoire Junod, le président de la CILV, Elie Elkaïm, disait désapprouver l’initiative prise par la Municipalité lausannoise. Il écrivait notamment:
La dénonciation pénale de la CILV à l’encontre de Mountazar Jaffar serait-elle une réponse du berger à la bergère? Une forme de rétorsion à l’invitation faite à Philippe Lazzarini par la Municipalité de Lausanne? «Non, répond Elie Elkaïm. Notre dénonciation pénale contre M. Jaffar tombe, certes, après l’annonce de la venue comme invité d’honneur de M. Lazzarini, mais le premier point est sans rapport avec le second.»
Du côté de la LICRA, son président Antoine Reymond explique la raison pour laquelle son association se joint à l’action pénale entamée par la CILV:
L'article 261 bis punit «quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle».
Le ministère public vaudois, qui confirme réception de la dénonciation pénale visant Mountazar Jaffar, indique que cette dernière «fait actuellement l’objet d’un examen afin de déterminer la suite à y donner». Rappelons que le même ministère public à ouvert en mai une procédure pénale pour antisémitisme contre Alain Soral, le dossier retenu contre le Franco-Suisse étant nettement plus lourd que celui qui vaut une dénonciation pénale à l'élu socialiste lausannois.
Joint par téléphone, Mountazar Jaffar n’a pas souhaité faire de commentaire. Sollicité, Louis Dana, chef du groupe socialiste au législatif de la Ville de Lausanne, «ne souhaite pas commenter une procédure judiciaire en cours». Mais il ajoute: