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«Le franc fort est une malédiction» pour certains Suisses

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Le franc s'est récemment apprécié comme jamais depuis 2015.Keystone

«Le franc fort est une bénédiction» pour ces Suisses

Le franc suisse est trop fort par rapport aux autres devises. Il atteint des niveaux qu'on n'avait plus connus depuis la fin du taux plancher en 2015. L'industrie pleure alors que le marché immobilier se frotte les mains.
27.02.2024, 05:5427.02.2024, 09:14
Niklaus Vontobel / ch media
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La Suisse s'est habituée à ce que son franc fort devienne toujours plus fort. Sans surprise, sa récente réévaluation n'a donc pas fait grand bruit. Rien de nouveau sous le soleil, diront certains. Swissmem, l'association des entreprises technologiques, a toutefois lancé un cri d'alarme:

«Cette réévaluation dramatique met l'industrie en danger»

Ces derniers temps pourtant, le franc s'est apprécié comme jamais depuis 2015, lorsque la Banque nationale suisse (BNS) avait soudainement aboli le taux plancher. Les économistes de la banque J. Safra Sarasin parlent à la fois «d'une malédiction et d'une bénédiction».

Une bénédiction tout d'abord pour le marché immobilier, épargné par une crise comme celle que frappe l'Allemagne actuellement. Une malédiction pour l'industrie en revanche, à tel point qu'on soupçonne la Banque nationale suisse (BNS) d'avoir été contrainte d'affaiblir le franc. Mais prenons les choses dans l'ordre.

L'industrie est entrée en récession, il y a un moment déjà, probablement depuis janvier 2023. À l'époque, elle a été touchée par une «récession mondiale». Par la suite, l'indice des directeurs d'achat (réd: aussi appelé indice PMI) est passé sous la barre des 50 points, seuil à partir duquel on estime que la création de valeur recule.

Pendant longtemps, l'appréciation du franc n'a pas posé problème et a même pu être compensée par un autre phénomène: l'inflation dans l'Union européenne, bien plus élevée qu'en Suisse.

Ainsi, ce n'était pas si grave si les entreprises suisses devaient pratiquer des prix plus hauts dans les pays alentour à cause de la force de la monnaie nationale. Leurs concurrents de l'UE devaient également augmenter les prix. Les firmes helvétiques n'ont donc pas été trop désavantagées.

Une probable intervention de la BNS

Mais à un moment donné, l'écart s'est trop creusé. Les prix des produits suisses ont pris l'ascenseur dans l'UE, même en comparaison absolue. Ce renchérissement réel a parfois dépassé 6% sur un an, ce qui n'était plus arrivé depuis janvier 2015. A l'époque, la BNS avait capitulé sous la pression des marchés des changes et abandonné le taux plancher face à l'euro. Cela avait provoqué un choc et du jour au lendemain, de nombreuses entreprises n'étaient plus compétitives.

En 2024, ce renchérissement est moins important qu'il y a neuf ans. Et l'appréciation plus lente, entrecoupée de phases plus timides, a aidé. Des vents contraires ont néanmoins soufflé fort par moments, analysent les experts de Safra. Si fort que la BNS ne pouvait plus rester les bras croisés. Elle a dû affaiblir le franc.

La BNS est sûrement intervenue sur le marché des devises en injectant des francs pour acheter des euros. Cela pourrait s'être produit en janvier, lorsque l'euro valait moins de 93 centimes. Depuis, l'euro a un peu repris des couleurs et la BNS s'est retirée. Cet épisode a néanmoins montré qu'il n'en fallait pas beaucoup pour qu'elle doive agir. Si les achats de devises ne suffisent pas, elle devra même abaisser son taux directeur. Cela pourrait être le cas lors de sa prochaine évaluation de la situation en mars.

Alors que les industriels l'ont maudit, le franc fort a plutôt été perçu comme une bénédiction pour le marché immobilier.

En effet, les importations en provenance de l'UE sont devenues meilleur marché et le niveau global des prix s'est maintenu. Le franc fort a aussi limité l'inflation, permettant à la BNS d'intervenir moins drastiquement.

L'Allemagne, un cas d'école

La BNS a donc revu ses taux directeurs à la hausse, mais moins qu'elle n'aurait dû le faire autrement – et moins que la Banque centrale européenne (BCE) ne l'a fait. Les chiffres en attestent: 2,5 points de pourcentage pour la BNS contre 4,5 pour la BCE. En raison du franc fort, il a donc moins fallu augmenter les taux d'intérêt que dans la zone euro – idem pour les taux hypothécaires.

Pour le marché immobilier, cela a été une bénédiction. Mais les analystes de Safra ne parlent pas de cet effet, qui revient pourtant dans une étude immobilière sur deux. La hausse relativement modérée des taux d'intérêt hypothécaires expliquerait en grande partie la stabilité, voire l'augmentation des prix de l'immobilier résidentiel. Si les taux d'intérêt avaient davantage pris l'ascenseur, il en aurait été autrement. La demande et le niveau des prix auraient pu dégringoler.

Le cas de l'Allemagne est parlant. L'Institut d'économie mondiale de Kiel a récemment publié un communiqué intitulé «La chute historique des prix de l'immobilier en 2023».

Pour les biens résidentiels, on a atteint les valeurs les plus basses depuis qu'un recensement systématique a commencé il y a 60 ans.

Par rapport aux prix de vente de 2022, les appartements en copropriété ont baissé de 8,9%, les maisons individuelles de 11,3% et les immeubles de 20,1%.

Les fluctuations qui ont conduit à ce recul historique ont été tout aussi inédites. Depuis 2009 environ, les prix avaient été multipliés par trois ou quatre selon les segments. C'est pourquoi les spécialistes hésitent à parler de crise et ne s'inquiètent pas forcément de la situation. Les prix étaient devenus exorbitants et la correction qu'ils connaissent aujourd'hui est «appropriée».

Reste à savoir si les choses en resteront là. Lorsque les marchés s'emballent, ils reviennent rarement à la raison – comme aveuglés. D'abord les prix s'envolent, et puis c'est la chute libre.

(Adaptation française: Valentine Zenker)

La boue cachait un sacré trésor

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