Situation délicate pour Martin Pfister: mercredi, le chef du Département fédéral de la défense a réaffirmé sa volonté de maintenir un prix fixe pour les avions de chasse américains F-35, or à Berne, rares sont ceux qui croient encore que la Suisse pourra imposer cette condition face aux autorités américaines.
Les estimations évoquent des dépassements allant de 650 millions à 1,3 milliard de francs, au-delà des six milliards approuvés par le peuple suisse.
Une option envisagée par Martin Pfister serait de réduire le nombre d’appareils commandés pour respecter l’enveloppe budgétaire. Le chef de l’armement, Urs Loher, l'approuve:
La Suisse prévoit d’acquérir 36 avions de chasse de type F-35A. L'origine autour du nombre de 36 reste floue. Retour sur les origines de ce projet d’armement controversé.
Tout commence en 2016, lorsque le Conseil fédéral lance le processus d’achat de nouveaux avions de chasse. Une commission d’experts de haut niveau est constituée, regroupant des responsables du Département de la défense et du Département des affaires étrangères.
Parmi eux: l’ex-chef des Forces aériennes Aldo Schellenberg et Peter Winter, de l'Office fédéral de l’armement, qui signera plus tard le contrat des F-35. Les politiques ont aussi leur mot à dire: les partis du Conseil fédéral, à savoir l'UDC, le PDC, le PLR et le PS envoient chacun un représentant.
Durant 14 séances, ce groupe passe au crible les besoins de l’armée suisse. De longues discussions ont lieu sur le nombre d’avions nécessaires, pouvait-on lire dans le rapport final de 2017.
Le débat présente quatre options: 55, 40, 30 ou 20 jets, chacune accompagnée de différents niveaux d’investissements dans les systèmes sol-air. La majorité des 14 experts opte pour 30 avions, certains suggérant même des coupes budgétaires supplémentaires sur les avions ou les missiles. Trois des quatre partis représentés votent pour ce choix.
En parallèle, le Département de la défense rédige un rapport de 200 pages. Il précise à propos de la troisième option (30 avions):
Toutefois, l’endurance estimée du pays en situation de guerre ne dépasserait pas deux semaines, une hypothèse que le Conseil fédéral corrigera plus tard à la hausse.
En 2018, le Conseil fédéral élabore un projet de planification pour l'acquisition. Ce dernier contient pour la première fois un calcul de la taille de la flotte nécessaire: il part du principe que:
Ce n’est donc pas la mission quotidienne de police du ciel qui est retenue comme référence, mais les tensions liées à un conflit armé.
A l'inverse, la capacité à se défendre de manière autonome pendant des mois contre une attaque aérienne massive d'un adversaire puissant ne peut pas non plus servir de référence, écrit le Conseil fédéral:
Autant la défense nationale est complexe en cas de guerre, autant le calcul pour les avions de combat semble bien simpliste. A ce sujet, on peut lire dans le rapport:
Quatre autres jets seraient disponibles en réserve. A cela s'ajoute la maintenance. Selon les normes internationales, 25 à 50% des avions seraient en réparation. Donc six à seize avions. Il n'est pas tout à fait clair pourquoi le rapport prévoit encore des jets supplémentaires pour les vols d'entraînement, dans un scénario de conflit armé.
Entre-temps, la nouvelle ministre de la Défense Viola Amherd demande l’avis d’un autre expert, Claude Nicollier, ancien astronaute romand et pilote d'avion de chasse. Il plaide pour 40 avions.
Sa voix n'a pas été décisive. Au moment où les offres des différents fabricants ont été soumises, surprise: toutes prévoient exactement 36 appareils. Aucun débat public n’a lieu sur ce chiffre.
C'était du moins le cas jusqu'à mercredi. Au sujet de nombre d'appareils que la Suisse prévoit d'acheter, le conseiller national zurichois UDC Thomas Hurter a déclaré à la SRF:
Le Vert zurichois Balthasar Glättli préfèrerait pour sa part annuler complètement l'achat du F-35:
Un compromis envisageable serait l'achat de 30 avions. Avec six avions de moins, la Suisse économiserait environ un milliard de francs, ce qui correspond exactement à la moitié des coûts supplémentaires projetés. Mais c’est encore une fois un calcul simpliste.
Traduit de l'allemand par Anne Castella