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Neutralité: l'Allemagne boycotte les armes suisses

«Pour l'Allemagne, la Suisse n'est plus digne de confiance»

C'est une lettre en provenance d'Allemagne qui a mis le feu aux poudre. On y apprend que Berlin entend exclure à l'avenir les entreprises suisses pour les appels d'offres de matériel d'armement. La classe politique réagit.
12.09.2024, 06:00
Othmar von Matt / ch media
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En tombant sur ce grand appel d'offres allemand portant sur 100 000 équipements militaires de camouflage, une entreprise suisse a souhaité y répondre. Le hic? Le site de production doit se trouver sur le territoire de l'UE, stipule l'appel d'offres.

Les responsables de la firme helvétique pensent d'abord à une erreur. L'Association européenne de libre-échange (AELE), qui regroupe la Suisse, le Liechtenstein, l'Islande et la Norvège, a peut-être été oubliée. Elle s'adresse donc à l'Office fédéral compétent de la Bundeswehr.

Et là, c'est la désillusion: il ne s'agit pas d'un oubli. Mais bel et bien d'une préférence volontaire pour une fabrique sise dans l'Union européenne. Et pas question de s'en écarter.

Une lettre pour expliquer la «Lex Suisse» allemande

Peu de temps après, Berlin a adressé une missive à l'Office fédéral de l'armement Armasuisse. Selon Le Temps, cette lettre clarifie la situation. L'office fédéral, qui dépend du ministère de la Défense, explique vouloir éviter une situation semblable à celle vécue avec des munitions pour le char antiaérien Gepard. C'est pourquoi les pays de l'AELE ont été sciemment exclus. Les équipements de camouflage (multispectraux) font partie des technologies centrales pour la Bundeswehr. De plus, ils doivent pouvoir être cédés à un allié en cas de guerre.

L'Office fédéral allemand fait allusion au conflit entre l'Allemagne et la Suisse concernant 12 000 munitions pour le Gepard. Berlin voulait les donner à Kiev. Mais comme elle les avait achetées en Suisse, Berne devait donner son feu vert, en vertu d'une déclaration de non-réexportation. Celle-ci a dit non pour des raisons de neutralité.

Cette lettre prouve qu'il existe une «Lex Suisse» en Allemagne: elle demande de ne plus acheter de biens militaires à la Suisse. Le directeur d'Armasuisse, Urs Loher, n'a pas mâché ses mots dans Le Temps:

«Pour l'Allemagne, la Suisse n'est plus digne de confiance. Au parlement allemand, par exemple, on utilise apparemment désormais la mention "Swiss Free" dans la même veine que "China Free"».

Le Parlement néerlandais a adopté une position similaire. Au Danemark et en Espagne, on se pose aussi la question. En Suisse, le département fédéral de la Défense, de la Protection de la population et des Sports s'inquiète des répercussions actuelles et futures de la fameuse lettre.

A droite, on se rejette la faute

Au sein des partis bourgeois, on cherche les responsables de cette situation. Le président du PLR Thierry Burkart ne mâche pas ses mots:

«Nous sommes en train de détruire définitivement l'industrie suisse de l'armement.»

Selon lui, la gauche y travaille depuis des décennies avec les durcissements de la loi sur le matériel de guerre:

«L'UDC fait aussi tout pour. En interprétant notre neutralité de façon erronée, elle bloque les transferts de biens d'armement des pays européens vers l'Ukraine.»

L'Argovien Thierry Burkart avait déposé, en 2022, une motion demandant que l'on puisse renoncer complètement à une déclaration de non-réexportation si la livraison était effectuée à des états qui s'engagent à respecter les valeurs helvétiques.

«La volonté d'autres pays de se soutenir mutuellement avec des armes achetées en Suisse il y a des années n'entache en rien notre neutralité.»
Thierry Burkart

L'UDC renvoie la patate chaude au Centre. «Le durcissement de la loi sur le matériel de guerre a fait des dégâts conséquents», explique Marcel Dettling, président du parti agrarien, avant d'attaquer l'ancien PDC:

«C'est la faute du Centre et de ses allers-retours: il a durci la loi avec la gauche, mais a voulu revenir en arrière après l'éclatement de la guerre».

Sans durcissement, la compétence d'exportation serait restée au Conseil fédéral. «Cette politique n'est pas durable».

L'UDC s'est opposée à un durcissement, mais n'a ensuite pas voulu faire d'exception pour l'Ukraine, car elle n'était pas prête à livrer des armes dans des régions en guerre:

«Aujourd'hui, nous tendons la main aux pays qui ont acheté des biens d'armement en Suisse, pour qu'ils puissent les réexporter après un délai de cinq ans.»

Le Centre place, lui, le gouvernement devant ses responsabilités. «Le Conseil fédéral peut autoriser une telle exportation de son propre chef, en se basant sur les articles 184 et 185 de la Constitution», explique le président Gerhard Pfister. «Le durcissement général de la loi le permet toujours. Mais le Conseil fédéral UDC-PLR ne veut pas le faire». Et le Parlement n'a pas réussi jusqu'à présent à trouver une solution susceptible de réunir une majorité, ajoute-t-il.

Le centriste riposte au reproche de l'UDC par une question:

«Pourquoi donc s'opposer aux livraisons de gilets de protection au nom de la neutralité, mais autoriser par ailleurs la réexportation d'armes?»

L'entreprise suisse entend désormais relocaliser sa production dans un état de l'UE.

Traduit et adapté par Valentine Zenker

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