Pour beaucoup de Suisses, les vacances d'été riment avec voyage en avion. L'arrivée imminente de la haute saison relance le débat sur l'impact écologique de ce moyen de transport, désormais devenu l'un des symboles du dérèglement climatique. L'occasion de s'interroger sur l'impact réel de l'aviation, ainsi que sur les alternatives techniques et les solutions existant pour réduire ses émissions. Nous avons fait appel à Sascha Nick, chercheur au laboratoire d'économie urbaine et de l'environnement de l'EPFL.
L'aviation est souvent accusée de contribuer massivement au réchauffement climatique. Est-ce vraiment le cas?
Sascha Nick: L'aviation est très problématique pour l'environnement, essentiellement parce qu'elle a trop de succès. Ce secteur a grandi de manière presque inimaginable au cours du dernier siècle. Le nombre de passagers-kilomètres – ce qui correspond au transport d'une personne sur un kilomètre – a énormément augmenté, plus rapidement que la consommation de carburant.
Cela a provoqué ce que l'on appelle un effet rebond: quand quelque chose devient plus efficient, sa consommation devrait baisser. Pourtant, comme cette efficacité accrue fait baisser les coûts, ça augmente la demande et c'est l'inverse qui se produit.
Quel est son impact sur le climat?
L'effet de l'aviation sur le climat est énorme. Elle représente environ 3% du réchauffement d'origine humaine. On pourrait dire que 3%, ce n'est pas beaucoup. Pourtant, ce secteur augmente nettement plus vite que toutes les autres sources d'émissions polluantes. Si rien n'est fait, sa part va devenir beaucoup plus importante à l'avenir.
Qu'en est-il des solutions techniques?
A l'heure actuelle, il n'y en a pas. Si votre maison est chauffée au gaz, vous pouvez installer une pompe à chaleur. Pour un avion, ce n'est pas possible, l'équivalent d'une pompe à chaleur n'existe pas.
De quoi s'agit-il?
La première consiste à utiliser un moteur électrique. Solar Impulse en est un exemple. Ça a parfaitement fonctionné, mais il y avait une seule personne à bord. On ne peut donc pas concevoir un avion pour 100 personnes sur ces bases-là. Des avions à batterie existent, mais ils sont tout petits. Leur autonomie très limitée – une heure maximum – ne leur permet de couvrir que des distances très courtes, pour lesquelles nous n'avons pas besoin de voler.
Et la deuxième option?
Ce sont les avions à hydrogène, lesquels comportent un problème presque insurmontable: l'hydrogène prend énormément de place et, pour en avoir suffisamment, il faut le compresser. On a donc besoin d'un énorme réservoir, sous une grande pression, et qui ne va pas exploser quand il y a une turbulence. Aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure d'en construire un.
Les compagnies aériennes parlent beaucoup des carburants alternatifs, appelés carburants durables d'aviation. Pourraient-ils jouer un rôle?
Ils sont tout sauf durables. C'est complètement faux, c'est du marketing. Ces carburants peuvent être fabriqués soit avec l’électricité et le CO2 (électro-carburants ou carburant de synthèse), soit avec la biomasse, dont les déchets, comme les huiles de cuisson (bio-carburants).
La quantité de biomasse disponible est plus élevée mais limitée, et les déchets ne sont pas si nombreux que cela. Il n'y a donc aucune chance pour que ces carburants soient rapidement disponibles à grande échelle. On a calculé que si l'on utilisait toutes les huiles usagées disponibles sur Terre, on arriverait à produire 10 à 12 millions de tonnes de bio-carburants par an. Aujourd'hui, on en utilise 300 millions, sans compter que l'aviation va continuer de croître. C'est complètement négligeable.
Il n'y a rien d'autre qui peut être fait?
Il est possible d'agir sur l'efficience. On pourrait par exemple remplir davantage les avions. Aujourd'hui, leur taux de remplissage est d'environ 80%. On pourrait porter ce pourcentage à 90%, mais pas davantage. Faire voler des avions remplis à 100% est impossible: cela reviendrait à dire que si un seul passager sur 500 ne se présente pas, l'avion ne peut pas décoller. Une autre piste serait d'optimiser les itinéraires. Certains d'entre eux, tracés avant l'informatique, ne sont toujours pas linéaires.
C'est-à-dire?
Si l'on veut réduire les émissions dues aux avions, il faut voler moins. C'est aussi simple que ça. L'aviation doit devenir neutre en carbone en 2050. Pour atteindre cet objectif, nous avons calculé qu'il faudrait réduire le nombre de vols par sept. Soit revenir à la situation d'il y a 40 ans.