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UBS a identifié le gros défaut de Credit Suisse

UBS a identifié le gros défaut de Credit Suisse

Deux cultures, deux récits: UBS et le Credit Suisse interprètent très différemment les prises de risque de la banque disparue.
21.04.2024, 22:0321.04.2024, 22:03
Florence Vuichard et Daniel Zulauf / ch media
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Les histoires marquent la perception de la réalité. Et l'une des histoires les plus entendues est la suivante: un conseil d'administration incompétent et une direction téméraire ont précipité le Credit Suisse dans l'abîme en réalisant des opérations hasardeuses à l'étranger.

Mais le Credit Suisse était-il vraiment aussi bon que ce qui a été colporté? Si bon qu'il aurait pu être séparé en tant que banque indépendante, comme l'a par exemple demandé le président du PLR Thierry Burkart il y a environ un an?

Non, dit-on maintenant au sein d'UBS, qui a entre-temps eu accès aux comptes du CS. UBS ne veut pas s'exprimer en détail sur ce sujet. La grande banque se contente d'affirmer que sa décision repose «sur un examen approfondi de toutes les options possibles». «Le résultat de notre analyse était clair»: une intégration complète était la meilleure solution pour tous.

Mais vis-à-vis des collaborateurs et dans les discussions informelles, les remarques des supérieurs d'UBS se multiplient, selon lesquelles Credit Suisse était tout sauf exemplaire. Elle aurait été moins bonne ou moins rentable que ce que l'on pensait de l'extérieur. Certains la qualifient même de «moribonde». D'anciens banquiers du CS qualifient ces propos de «plaisanterie», d'autres d'«insolence».

Credit Suisse a «largement» sous-estimé ses pertes

Un coup d'œil sur le registre des crédits du Credit Suisse permet d'apporter une aide à l'interprétation: en résumé, les crédits en cours à fin 2022 ont été jugés plus sûrs par le Credit Suisse que maintenant par l'UBS, qui est désormais responsable de la clôture annuelle et qui l'a publiée fin mars pour 2023.

UBS a donc estimé des pertes de crédit plus élevées.

  • Les corrections de valeur ont été augmentées d'environ 70%, passant de 365 millions à 626 millions de francs.
  • Le montant des créances et des prêts non performants a également été augmenté de 70%, passant de 742 millions à 1,228 milliard de francs.

Au vu du portefeuille total de crédits du Credit Suisse, qui s'élève à un peu plus de 155 milliards de francs, ces chiffres peuvent paraître faibles à première vue. Mais il s'agit tout de même d'une «augmentation marquante», comme nous l'a expliqué un banquier.

Partout, les provisions et les corrections de valeur ont été augmentées sous la direction de l'UBS. Est-ce qu'une nécessité ou de la prudence? On ne le saura que lorsque les crédits devront être remboursés ou amortis.

Davantage de pertes de crédit «réelles» possibles

Lors de la présentation des chiffres annuels, UBS a précisé que les corrections de valeur effectuées jusqu'à présent étaient principalement dues à l'adaptation de la méthode de provisionnement à la norme UBS. Et qu'en raison du profil de risque plus élevé du CS, il pourrait y avoir encore plus de pertes de crédit «réelles» si l'environnement économique ne s'améliorait pas, voire se détériorait.

Le chef du groupe UBS, Sergio Ermotti, l'a formulé en ces termes:

«Bien que nous ayons maintenant largement aligné les provisions et les méthodes dans les deux livres, compte tenu du profil de risque de crédit historique plus élevé du Credit Suisse et de l'environnement économique actuel, nous pourrions continuer à enregistrer des pertes de crédit importantes dans les activités de banque privée et de banque d'entreprise du CS en Suisse dans un avenir proche.»

L'UBS a toujours été plus conservatrice que le CS

Ces corrections chiffrées ne permettent pas à elles seules de résoudre les contradictions entre les deux récits. Une grande partie de l'explication réside dans les différences de culture d'entreprise.

L'UBS a toujours eu des méthodes d'évaluation des crédits plus strictes et a également adopté une approche plus conservatrice. Il est également clair que les deux banques se sont distinguées par leur appétit différent pour le risque, et ce non seulement au niveau mondial, mais aussi dans leurs activités en Suisse.

L'UBS suit à cet égard des directives claires, ce qui contribue à réduire les défaillances et à rendre la banque plus sûre. En contrepartie, la banque a souvent été critiquée pour son approche rigide.

En revanche, le Credit Suisse s'est montré plus flexible dans l'octroi de crédits, plus orienté vers les clients et nettement plus enclin à prendre des risques. Le cas d'ABB en est un bon exemple.

Il y a une vingtaine d'années, le groupe industriel était en grande difficulté et avait besoin d'argent. «Parmi les banques suisses, seul le Credit Suisse nous a soutenus», avait déclaré le président d'ABB Peter Voser dans une interview accordée à CH Media à l'automne 2022.

«J'en suis encore reconnaissant encore aujourd'hui»

L'UBS est le numéro 1 des PME

La disparition de la «banque des entrepreneurs» est également un problème pour la place économique suisse. Sergio Ermotti, lui voit les choses différemment, dans une interview pour la NZZ:

«Ces dernières années, le slogan «être entrepreneur» est devenu plus un problème qu'un avantage pour le Credit Suisse»

En même temps, il affirme qu'UBS a de toute façon toujours été la plus grande banque des entrepreneurs:

«Le fait est qu'avant même l'acquisition du Credit Suisse en Suisse, UBS avait déjà une plus grande part de marché que le Credit Suisse dans les affaires avec les PME suisses. Au troisième trimestre 2023, nous en avions 15%, et en combinant avec le Credit Suisse, nous arrivions à 29%»
Sergio Ermotti

Cette supériorité d'UBS, revendiquée par Ermotti, nécessite toutefois un examen plus approfondi. Il est vrai qu'UBS compte traditionnellement plus de petites entreprises commerciales parmi ses clients que le Credit Suisse. Cela s'explique notamment par le réseau de succursales beaucoup plus important de UBS.

En revanche, les rapports d'activité indiquent que le Credit Suisse a mis à la disposition des entreprises industrielles locales environ trois fois plus de crédits non garantis qu'UBS. De tels crédits en blanc en disent long sur le risque entrepreneurial qu'un établissement de crédit est prêt à assumer que, par exemple, des crédits d'entreprise garantis par une hypothèque.

Pour Ermotti, absorber les pertes fait partie du jeu

Le Credit Suisse était-il donc finalement trop enclin à prendre des risques, trop téméraire, même en Suisse? Dans le cas d'ABB, le Credit Suisse a eu raison, dans d'autres cas, non.

Mais cela fait partie du secteur bancaire selon Ermotti, encore une fois cité dans la NZZ:

«Le cœur de métier des banques est de gérer les risques et de les garder sous contrôle. Cela implique d'absorber des pertes de temps en temps. Mais il faut pour cela respecter des règles et des faits solides et ne pas se laisser simplement guider par l'instinct»

Désormais, les clients n'ont plus le choix entre ces deux cultures bancaires. Car le CS n'a pas survécu, contrairement à UBS. Et comme chacun le sait, l'histoire est écrite par les vainqueurs.

(Traduit de l'allemand par Barnabé Fournier)

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