Les CFF prennent une décision qui inquiète leur personnel
Ils traversent tout le pays, profitant d'une vue imprenable, chaque jour dans des locomotives ou des rames automotrices différentes. Sur le papier, les conducteurs de locomotives ont un travail passionnant. Mais cet attrait pourrait disparaître à l'avenir.
En cause: un nouveau concept d'affectation du personnel des locomotives, que les CFF souhaitent mettre en œuvre par étapes dès le changement d'horaire prévu en décembre. Le syndicat des mécaniciens de locomotive et aspirants (VSLF) critique sur son site:
Un risque d'exode de mécaniciens
Le syndicat redoute des conséquences négatives pouvant mettre en cause la sécurité. Il va jusqu'à parler d'un nouveau concept qui libérerait une «énergie corrosive» chez le personnel, concrètement:
Par ailleurs, outre une monotonie accrue, la nouvelle affectation devrait mettre à mal la routine du personnel des locomotives. Dans des domaines très complexes, tels que le système de sécurité ferroviaire ETCS:
L'association craint que la seule issue pour les mécaniciens de locomotive des CFF soit de migrer vers d'autres compagnies, «favorisant encore davantage la grande fluctuation observée ces dernières années».
De Lucerne à Berne au lieu de Genève?
Rahel Wyss pilote des locomotives, elle est aussi membre du comité directeur du VSLF, en tant que responsable de la division CFF Voyageurs. Elle illustre ce que le nouveau concept d'affectation pourrait concrètement signifier pour un collaborateur basé à Lucerne:
A l'avenir, on craint que la réorganisation ne supprime par exemple le trajet vers Genève et que le personnel des locomotives ne puisse plus être affecté qu'entre Lucerne et Berne et Bâle ou sur la ligne du Seetal jusqu'à Lenzbourg.
«Notre métier vit de la diversité»
Or, les conducteurs apprécient précisément le fait de circuler au quotidien sur différents itinéraires dans des véhicules variés, comme l'explique Rahel Wyss:
Si un conducteur ne devait bientôt plus parcourir que quelques lignes, sa maîtrise des autres trajets, où il pourrait être amené à intervenir exceptionnellement, par exemple pour remplacer quelqu’un au pied levé, diminuerait. Il en va de même pour le système de contrôle ETCS.
Précisons que l'ETCS n'est installé que sur certaines lignes CFF, comme celle du Gothard. Si un mécanicien basé à Lucerne travaille principalement sur une ligne sans ETCS, il sera moins aguerri au système de contrôle des trains lorsqu'il sera exceptionnellement affecté au Gothard. Le VSLF dénonce par conséquent un problème de sécurité.
Une lettre pour demander un renoncement
Outre les déclarations publiées sur son site, le syndicat a envoyé une lettre ouverte au service Production du trafic voyageurs des CFF. La missive réaffirme que le nouveau concept entraînera une perte de compétences sur les lignes et les véhicules, suscitera la jalousie et la rancœur parmi le personnel, augmentera la vulnérabilité aux erreurs critiques pour la sécurité et aux retards, et que «la baisse de l'attractivité aura des répercussions négatives sur la fluctuation des effectifs et la demande de places de formation».
La représentante du syndicat comprend que les CFF souhaitent optimiser la planification des interventions afin de réduire leurs équipes. Elle voit toutefois une contradiction dans cette planification «purement théorique» du département Conduite des trains des CFF alors que, sur le terrain, rien ne se déroule jamais comme prévu. Comme le résume Wyss:
Son association exige donc que les chemins de fer renoncent complètement à leur concept.
Les CFF entendent garder le cap
Et ceux-ci n'y comptent pas. Interrogé à ce sujet, Jhonny Domingues, responsable de la planification de la conduite des trains et des manœuvres, détaille l'objectif principal du concept d'affectation:
Le cadre assure que cela n'impactera pas beaucoup le travail des conducteurs et conductrices. Il admet toutefois qu'une seule personne effectuera avec le même train un trajet plus court, mais aussi parfois plus long. «Ce sera par exemple plus court le matin et plus long l'après-midi, comme c'est déjà le cas», explique Domingues.
Ces itinéraires moins rigides permettront de mieux les combiner et éviteront les temps morts. Le nombre maximal d'heures de travail restera, lui, inchangé.
Quant au spectre d'un travail plus monotone dans la cabine, le responsable de la planification de la conduite des trains et des manœuvres rétorque que les préférences sont très individuelles:
Du point de vue des CFF, il importe d'effectuer des trajets variés, d'acquérir de l'expérience et de planifier efficacement. Mais Domingues précise également:
Avec le nouveau concept, il y aura des sites où les conducteurs de locomotive seront affectés à plus de lignes avec plus de véhicules qu'aujourd'hui, et d'autres sites où ce sera l'inverse.
Pour les CFF, la sécurité est garantie
Domingues répond à la critique fondamentale du personnel, qui culmine avec des préoccupations de sécurité:
Les avancées technologiques ont même permis d'améliorer la sécurité ces dernières années. Il renvoie par ailleurs aux règles et prescriptions claires qui s'appliquent. Pour lui, la sécurité n'est pas du tout compromise. Il déclare:
Selon les CFF, la lettre ouverte du VSLF a entre-temps reçu une réponse. Il n'est pas non plus question de prendre des décisions sans consulter les collaborateurs, leurs représentants étant impliqués en permanence, assure le responsable de la planification. Le nouveau concept s'appliquera certes à partir du changement d'horaire de décembre. Il précise:
L'entreprise souhaite également répondre aux attentes en ce qui concerne les questions spécifiques à certains sites, dans la mesure du possible.
Selon Domingues, la profession demeure très attractive. Le taux de rotation du personnel est faible, l'offre de formation continue de susciter un vif intérêt, quinze classes sont actuellement ouvertes et un cursus à temps partiel sera proposé à partir de novembre. Il conclut:
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)