Des appels et messages anonymes, des gens qui suivent dans la rue, un sentiment général d'être surveillé: des réfugiés politiques subissent la répression chinoise jusqu'en Suisse. Selon le Tages-Anzeiger, les services de renseignement helvétiques alertent depuis plusieurs années sur ce type d'ingérence.
L'affaire avait débuté en 2018 avec une pétition de la Société pour les peuples menacés. Cette dernière appelait les autorités suisses à prendre des mesures pour protéger les Tibétains vivant en Suisse contre la surveillance chinoise.
Le Parlement avait alors exigé du Conseil fédéral un rapport détaillé sur le sujet. Le gouvernement avait accepté un an plus tard d’élargir son étude à la situation des Ouïghours, minorité musulmane persécutée par le régime communiste.
Selon le Tages-Anzeiger, plusieurs milliers de Tibétains et quelques centaines de Ouïghours ont trouvé refuge en Suisse. Le journal alémanique a recueilli le témoignage d'un membre de la minorité musulmane qui confie avoir reçu plusieurs appels entre 2019 et 2024. Ceux-ci faisaient notamment mention de membres de sa famille enfermés dans des camps en Chine.
Cet homme couvre la persécution des siens pour des radios spécialisées. Il se sait dès lors surveillé par l'Etat chinois, qui l'a fait suivre par le passé dans les rues de Zurich.
Ces méthodes d'intimidation sont documentées dans le rapport commandé par le Conseil fédéral, révèle le Tages-Anzeiger. Remis aux autorités il y a plus d'un an, sa publication se fait cependant toujours attendre.
Alors que la Suisse souhaite moderniser son accord de libre-échange avec Pékin, les conclusions accablantes du document sur des ingérences chinoises en terres helvétiques mettraient ainsi le gouvernement dans l'embarras. «Autrement dit, la Suisse ne veut pas fâcher la Chine», résume le quotidien alémanique.
Le département de l’économie de Guy Parmelin considère ce dossier comme particulièrement sensible. Du côté du Département fédéral des affaires étrangères, on plaide pour une «approche prudente».
Sous couvert «d’ajustements liés à la forme et à la protection des données», des modifications auraient été demandées par le Conseil fédéral à l'auteur de l'étude. Le gouvernement aurait également atténué le ton de son propre rapport auprès du Parlement.
Les élus s'étaient d'ailleurs impatientés courant 2024 au sujet du retard qu'avait pris la diffusion du document. Expliquant que l’analyse de l’étude externe prenait du temps, le gouvernement avait finalement fixé sa publication au second semestre 2024.
Mais en décembre dernier, nouveau report. Le rapport est désormais attendu pour février 2025. (jzs)