Ce film dévoile les secrets de la plus célèbre ménagère de Suisse
En Suisse, tout le monde la connaît – et pourtant, cette femme n’a jamais existé. Betty Bossi, la ménagère fictive, est une véritable icône de la culture quotidienne suisse depuis les années 1950. Aujourd’hui, elle a enfin droit à son propre film. Ce mardi, Salut Betty («Hallo Betty», en allemand) a fêté sa première à Zurich – exactement 1812 jours après la naissance de l’idée, comme l’a raconté le producteur Peter Reichenbach.
Quand Peter Reichenbach se lance dans un projet, le succès n’est généralement pas loin: Je m'appelle Eugen (2006), L'Enfance volée (2011), Platzspitzbaby (2020)… ont tous fait un carton. Pour Salut Betty, tout est parti d’une intuition simple:
Une alliance inattendue
Pourtant, la première demande de financement du projet a été refusée et il faudra attendre un deuxième essai. Sur les 1812 jours nécessaires à la réalisation du film, 32 seulement ont été consacrés au tournage. Le reste? Des mois de travail sur le concept, la recherche de sponsors, et la quête de plus de 1000 costumes et accessoires pour recréer l’esthétique des années 50. Des marques comme Kuhn-Rikon, Victorinox ou Kambly ont fourni des objets d’époque, et le géant de la distribution Coop compte parmi les sponsors.
Fait rare: le film est une coproduction entre la télévision publique SRF et le groupe privé CH Media (auquel appartient watson). Une sorte d’«alliance nationale» soutient donc le projet. Coop distribue déjà des sacs en papier estampillés «Hallo Betty». Tout semble réuni pour en faire un succès populaire. Mais le film tient-il aussi la route sur le fond?
Pas une «Barbie» suisse
Salut Betty raconte l’histoire derrière un nom si connu qu’on se demande pourquoi personne n’avait eu l’idée d’en faire un film plus tôt. Le scénariste André Küttel et le réalisateur Pierre Monnard (déjà partenaires sur Platzspitzbaby) ont choisi d’en faire une comédie «feel good».
Mais attention: Salut Betty n’est pas la version suisse de Barbie (2023). Ici, il ne s’agit pas de la figure fictive de Betty Bossi, mais de l’histoire vraie de sa créatrice, la Zurichoise Emmi Creola-Maag (1912-2006).
C’est l’actrice Sarah Spale (vue aussi dans Platzspitzbaby) qui incarne Emmi. On la découvre en épouse aimante et mère de trois adorables enfants, mais aussi en rédactrice publicitaire dans une agence zurichoise, où elle imagine en 1956 le concept d’une cuisinière fictive nommée Betty Bossi pour promouvoir les huiles alimentaires d’un client. Très vite, les recettes de Betty Bossi sont publiées dans les journaux – avec Emmi comme rédactrice en chef.
Ménagère, mère… et pionnière
Absorbée par son travail, Emmi déserte souvent la maison et confie les tâches ménagères à son mari (interprété par Martin Vischer). Mais dans la Suisse étriquée des années 1950, elle doit surtout faire face au sexisme ambiant du milieu publicitaire – notamment incarné par un jeune collègue arrogant (joué par Cyril Metzger).
Emmi ne se laisse pourtant pas démonter. Peu à peu, les hommes qui la méprisent réalisent que les femmes peuvent être brillantes… et les hommes cuisiner. Salut Betty devient ainsi une histoire d’émancipation à la fois drôle et touchante.
Certains y verront un écho à L’Ordre divin (2017), le film de Petra Volpe sur l’introduction du droit de vote des femmes en Suisse. Mais Salut Betty reste plus intime: centré sur le destin personnel d’Emmi et sa famille, avec une note finale conciliatrice et optimiste. Résultat: autant les féministes que le grand public devraient y trouver leur compte.
Les filles de la vraie Betty Bossi à l’avant-première
Lors de la première à Zurich, Ines Diacon, l’une des filles d’Emmi Creola-Maag, était présente. Elle a confié avoir été émue de voir sa propre histoire portée à l’écran – même si tout n’est pas fidèle à la réalité.
Tous les choix narratifs ne sont pas forcément convaicants et le rythme du film aurait pu être un peu plus soutenu - mais la prestation, comme toujours impeccable, de Sarah Spale, et celle, particulièrement marquante, d'Ueli Jäggi dans le rôle de son patron autoritaire, portent le film même dans ses moments les moins inspirés.
(Salut Betty sort le 26 novembre au cinéma en Suisse romande.)
(traduit adapté de l'allemand par mbr)
