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Genève a 300 millions en trop: c'est le «grand bazar» à Berne

Genève découvre 300 millions en trop: c'est le «grand bazar» à Berne

Un pactole fiscal inattendu venu de Genève offre au Parlement de nouvelles marges de manœuvre. Où les politiciens veulent-ils investir cet argent supplémentaire? Et pourquoi la prochaine vague d’austérité reste-t-elle malgré tout inévitable?
12.11.2025, 11:4812.11.2025, 11:53
Julian Spörri / ch media

On dit qu’à cheval donné, on ne regarde pas les dents. Pourtant, quand la Confédération annonce soudain des recettes supplémentaires de 600 à 800 millions de francs, mieux vaut examiner de près d’où vient cet argent. Car la manne fiscale en provenance du canton de Genève chamboule la planification financière nationale. Voici ce qui se cache derrière ces chiffres et leurs conséquences à l’échelle du pays.

D'où vient cet argent à Genève?

Avec la guerre en Ukraine, les prix des matières premières ont explosé, tout comme les bénéfices des sociétés de négoce. Dans le canton de Genève, où nombre de ces entreprises internationales sont installées, les recettes fiscales ont grimpé en flèche. La Confédération en profite aussi: elle tablait initialement sur des revenus supplémentaires de 2,5 milliards de francs pour la période 2025–2028. Lundi, cette estimation a été relevée de 600 à 800 millions.

Raison de cette réévaluation: la Confédération a appris que le canton de Genève n'a pas émis de factures fiscales provisoires pour beaucoup d'entreprises entre 2019 et 2024, davantage qu'on ne pensait. Une pratique jugée illégale par l’Administration fédérale des finances (AFF), qui insiste sur l’importance de ces factures pour garantir la sécurité budgétaire.

Genève reconnaît-elle une erreur?

Le Département des finances genevois admet que sa pratique «pourrait être améliorée», tout en soulignant qu’il peut être justifié, dans certains cas, de renoncer à émettre des factures provisoires. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une entreprise n’a pas encore fait l’objet d’une taxation définitive au cours des cinq dernières années, notamment en raison de recours pendants. Une facture provisoire risquerait alors de ne pas refléter la réalité, fait valoir le canton.

Genève défend par ailleurs sa transparence:

«Le canton a toujours fourni à la Confédération l’ensemble de ses prévisions. L’emploi du terme “illégalité” par Berne est donc inapproprié.»
La direction des finances cantonales genevoises

Quelles conséquences à court terme pour la Suisse?

Pour 2026, la Confédération disposera de 290 millions de francs de plus que prévu. Bien que le Conseil fédéral ait déjà arrêté son budget, il devrait soumettre mercredi une modification au Parlement, qui se retrouve ainsi avec une marge de manœuvre élargie pour le débat budgétaire. Les initiés pensent que «le grand bazar va maintenant commencer».

Que faire de cet argent supplémentaire?

Pour la conseillère nationale socialiste Sarah Wyss, les députés sont mis à l'épreuve:

«Tous ceux qui ont prôné l’austérité devraient maintenant faire preuve d’honnêteté et revenir sur les coupes décidées».

Selon l'élue bâloise, plus rien ne justifie désormais ces réductions. Elle demande de rétablir les crédits supprimés, notamment dans la coopération au développement et la santé publique – par exemple pour la prévention des maladies sexuellement transmissibles.

Le conseiller national UDC Lars Guggisberg met toutefois en garde:

«Ces recettes supplémentaires, temporaires, ne doivent pas servir de prétexte pour tout bouleverser. Le problème de fond, ce sont les dépenses».

Il préconise d’utiliser ces 290 millions pour réduire la dette, ou pour transférer dans le budget ordinaire certaines dépenses extraordinaires, comme les coûts liés au statut de protection S pour les réfugiés ukrainiens.

La Suisse aura-t-elle moins besoin d'économiser?

Ce coup de pouce genevois ne change rien au déficit structurel de la Confédération. Paradoxalement, dès 2027, Berne devra même économiser davantage que prévu.

En effet, les recettes supplémentaires provenant de Genève se concentrent sur 2025 (+1,46 milliard au lieu de +900 millions) et 2026 (+1,22 milliard au lieu de +850 millions), dont il faut encore retrancher la part cantonale de 21,2%. En revanche, pour 2027, les revenus additionnels devraient n’être que de 460 millions, contre 550 millions attendus; en 2028, la baisse atteindra 200 millions.

Comment l’expliquer?

Les impôts venus de Genève affluent non seulement en plus grand nombre, mais aussi plus tôt que prévu. Désormais, le canton doit émettre des factures fiscales provisoires pour toutes les entreprises. Autrement dit, les taxes seront encaissées plus rapidement, selon un porte-parole de l’Administration fédérale des finances.

Cette situation aura un impact direct sur les discussions du paquet d’allégement 27, que le Parlement examinera lors de la session d’hiver. Le Conseil fédéral veut économiser 2,4 milliards en 2027, puis 3 milliards en 2028 et 2029. Mais à la lumière des nouvelles données genevoises, les parlementaires devront en réalité trouver encore plusieurs centaines de millions d’économies supplémentaires.

Adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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