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«Un robot pour deux employés»: Trisa mise tout sur l'innovation

Adrian Pfenniger, CEO de Trisa : «Les droits de douane nous touchent de plein fouet». Adrian Pfenniger, à la tête de Trisa depuis 2005.
Adrian Pfenniger est à la tête de Trisa depuis 2005.watson

Cette société suisse sait comment survivre: «un robot pour deux employés»

Dans une interview, le directeur de Trisa, Adrian Pfenniger, explique à quel point les robots sont utilisés dans l'entreprise, pourquoi l'automatisation est indispensable et comment le fabricant de brosses à dents a évolué au cours des dernières décennies.
09.05.2025, 19:0109.05.2025, 19:01
Meret Häuselmann / ch media
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Comment un produit aussi banal qu’une brosse à dents, fabriqué en Suisse – un pays à hauts salaires – peut-il s’exporter dans le monde entier? La réponse se trouve à Triengen, dans le canton de Lucerne, au siège du groupe Trisa. L’entreprise conçoit des produits d’hygiène bucco-dentaire, capillaire et domestique à destination d’un marché international.

L'automatisation au service de la pérennité

Dans son cœur de métier, la brosse à dents, Trisa exportait 93 % de sa production en 2023. Entré dans l’entreprise familiale en 1989, Adrian Pfenniger en est le PDG depuis 2005.

Trisa dépend fortement de l’exportation. Comment avez-vous réagi à l’instauration, début avril, de droits de douane américains à 31%?
Adrian Pfenniger: Les Etats-Unis représentent 13% de notre chiffre d’affaires, donc oui, ces droits nous touchent de plein fouet. Mais nous avons accueilli cette annonce avec prudence et en cherchant les opportunités. Et cela s’est avéré payant: peu après, les droits ont été temporairement abaissés de 31% à 10%.

«Nous restons confiants qu’une solution plus raisonnable pourra être trouvée – c’est aussi l’objectif du gouvernement suisse dans ses discussions.»

Si ce taux de 10 % devait être maintenu, quel serait l’impact pour vos ventes aux Etats-Unis?
Avec une surtaxe de 10%, nous pouvons encore trouver des solutions avec nos clients. Comme presque toutes les brosses à dents vendues aux Etats-Unis sont importées, il est probable qu’une partie des surcoûts sera répercutée sur les prix.

Et en Europe?
La concurrence est rude: des fabricants sont présents en Allemagne, en Italie et en France. En Europe, nous faisons partie des grands producteurs, mais les plus gros acteurs se trouvent en Asie.

Le marché intérieur progresse plus fortement
Trisa a clôturé l'exercice 2024 avec un chiffre d'affaires de 225 millions de francs, ce qui correspond à une croissance de 3,6% par rapport à l'année précédente. 55% du chiffre d'affaires a été réalisé à l'exportation, la part des exportations s'élevant à 93% pour les brosses à dents. Les ventes en Suisse ont augmenté de 7%, tandis que les ventes à l'étranger ont progressé de 1,1%. Le bénéfice net s'est élevé à 10,5 millions de francs; une augmentation d'environ 3 millions de francs par rapport à 2023. (mha)

Comment pouvez-vous rivaliser en termes de prix avec des produits suisses sur un marché aussi concurrentiel? Les brosses à dents «made in China» sont pourtant bien moins chères.
Pour fabriquer un produit compétitif en Suisse, il faut un haut degré d'automatisation. C'est pourquoi, à partir des années 90, nous avons commencé à investir dans des lignes de production et des robots industriels.

«Aujourd'hui, il y a un robot pour deux employés de production, et nous en comptons au total 220 répartis sur nos sites»

Nous bénéficions également de la bonne réputation de la Suisse en matière de propreté, de précision et de performance. Mais les innovations sont tout aussi importantes.

L'une des différentes usines de production de Trisa à Triengen, dans le canton de Lucerne.
L'une des différentes usines de production de Trisa à Triengen, dans le canton de Lucerne.Image: dr

Comment réinventer constamment la brosse à dents?
Nos équipes échangent régulièrement dans des cercles d’innovation interdisciplinaires. Nous tirons aussi parti des retours clients et des avancées scientifiques. Notre objectif est que les nouveautés lancées au cours des trois dernières années génèrent chaque année un quart de notre chiffre d’affaires.

«Nous détenons actuellement environ 800 brevets dans les domaines de l’hygiène bucco-dentaire, des soins de beauté et de l’entretien de la maison.»

Ne risquez-vous pas de vous disperser, avec tous ces domaines différents?
Nous avons un focus clair sur les soins bucco-dentaires, qui représentent environ 70% de notre chiffre d'affaires. Les autres secteurs sont issus de notre évolution historique. Lorsque Trisa a été fondée en 1887, l'entreprise fabriquait principalement des brosses pour cheveux et pour la maison. Ces produits ont été conservés et notre assortiment s'est élargi au fil des années.

En parlant d'assortiment, vous le proposez non seulement aux clients privés, mais aussi à d'autres partenaires. Comment cela fonctionne-t-il?
Oui, nous produisons également pour d'autres marques et canaux de distribution. Cela représente des quantités non négligeables dans tous les domaines de produits, et cela nous permet, en complément des différents piliers mentionnés, d'équilibrer les risques.

«Le pourcentage des exportations joue également un rôle à cet égard: environ 55% du chiffre d'affaires du groupe proviennent de l'exportation, tandis que 45% proviennent du marché domestique en Suisse.»

Dans ces deux domaines, vous avez progressé l'année dernière par rapport à 2023.
Effectivement, malgré une forte pression sur les coûts et un franc suisse toujours très fort. La croissance sur le marché intérieur a été particulièrement encourageante. Et notre rentabilité s’est également améliorée.

Les chiffres d'affaires et les bénéfices sont toutefois inférieurs à ceux de 2022. Sur quoi comptez-vous en 2025?
Nous espérons continuer à croître cette année. Mais tout dépendra de l’évolution de l’environnement économique, qui reste très instable – notamment à cause des droits de douane américains. Cela influe aussi sur les taux de change.

«Le franc suisse, toujours fort, représente un défi pour l'exportation.»

Vos investissements nets – près de 28 millions de francs – ont sans doute aussi pesé sur le bénéfice.
Oui, ces fonds ont principalement servi à développer de nouveaux produits, machines et projets d’automatisation. Environ un tiers de ces investissements a été consacré à la rénovation complète de bâtiments sur le site de Triengen. Une extension de l’un de nos sites est également envisagée, car nous atteignons déjà depuis 2018 les limites de notre capacité de production actuelle.

Pour terminer, revenons à vous: vous êtes dans l'entreprise depuis 36 ans, dont deux décennies en tant que CEO. Quels changements avez-vous vécus durant cette période?
Parmi les plus grands bouleversements, je citerais les importants projets de construction des années 2010, l’essor des exportations et l’arrivée du commerce en ligne.

«Sur le plan des produits, l’un des tournants majeurs a sans doute été le succès des brosses à dents électriques»

Nous étions présents très tôt sur ce segment, notamment grâce à notre solide expertise en électronique.

Trisa mise tout sur l'innovation face aux droits de douane américains pour assurer sa pérennité. La dernière brosse à dents électrique de Trisa a été lancée sur le marché en 2024.
La dernière brosse à dents électrique de Trisa a été lancée sur le marché en 2024.Image: dr

D'où vient ce savoir?
C’est une anecdote assez amusante. (Sourire.) Il y a un petit étang au-dessus du village, qui servait autrefois à produire de l’électricité. Cela a permis à certains employés de se familiariser avec l’électronique. Ils étaient curieux et motivés pour approfondir leurs connaissances – avec succès.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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