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Le prêtre accusé de pédophilie a pu participer à un camp de jeunes

Le prêtre Don Rolando L est accusé de pédophilie.
Don Rolando L sur YouTube.Image: YouTube

Accusé de pédophilie, ce prêtre suisse a participé à un camp de jeunes

Un cas d'abus sexuel présumé commis par un prêtre secoue le Tessin. De plus, après le signalement initial, il a fallu des mois avant l'arrestation. Le diocèse et les autorités ont-ils réagi trop tard?
20.08.2024, 11:56
Gerhard Lob, Ascona / ch media
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Un type jovial, en route sur sa moto, apprécié des jeunes et de ses collègues, brillant dans ses courts sermons sur Youtube. L'image publique de Don Rolando L. était inoffensive. Mais le prêtre de 55 ans avait apparemment aussi un côté sombre, et son arrestation le 7 août a fait l'effet d'une bombe dans l'opinion publique tessinoise. Les accusations sont violentes: actes sexuels avec des enfants, contrainte sexuelle, actes sexuels avec des personnes incapables de discernement ou de résistance ainsi que pornographie. La présomption d'innocence est de mise.

C'est le diocèse de Lugano, dans lequel l'aumônier avait été ordonné prêtre, qui a rendu publiques l'arrestation et les accusations dans un communiqué de presse. Le diocèse de Lugano a suspendu le prêtre de ses fonctions à titre préventif. Et il en avait beaucoup. Il n'est pas seulement enseignant et aumônier au Collegio Papio catholique d'Ascona, mais aussi au lycée cantonal de Lugano-Savosa, ainsi qu'à l'aumônerie pastorale des jeunes. Le canton l'a entre-temps déchargé de ses tâches – il était membre de la commission cantonale de migration et responsable de l'enseignement religieux.

Plusieurs mois écoulés avant l'arrestation

Ce qui s'est exactement passé n'est pas clair à ce jour. Le diocèse de Lugano explique que la victime présumée, majeure au moment des faits, avait contacté directement l'administrateur apostolique du diocèse, Mgr Alain De Raemy, en février et lui a parlé des «avances inappropriées», et avait aussi mentionné qu'une mineure était éventuellement concernée. En avril, cette personne aurait décidé, après un examen minutieux et un accompagnement par la commission d'experts sur les abus sexuels dans l'Eglise, de déposer une plainte pénale auprès du ministère public. Selon le communiqué de presse, la démarche serait conforme aux dispositions en vigueur.

L'arrestation par la police et le début de la détention préventive n'ont toutefois eu lieu qu'en août, soit plusieurs mois après la première plainte et l'ouverture d'une enquête pénale. Un débat public intense s'est développé sur la question de savoir si ce long délai était nécessaire et opportun, d'autant plus que le prêtre en question a poursuivi jusqu'au bout son travail pastoral auprès des jeunes. Un jour seulement avant son arrestation, il revenait d'un pèlerinage à vélo avec des jeunes à Medugorje, en Bosnie, et avait auparavant participé à un camp de vacances dans le Val Blenio.

Pourquoi avoir attendu avant l'arrestation?

Dans le quotidien La Regione, l'ancien conseiller cantonal PLR et inspecteur de police de longue date Giorgio Gallusero a fait part de son incompréhension face à ce timing. Et de déclarer:

«Protéger des victimes potentielles doit être prioritaire»

C'est pourquoi il aurait fallu agir immédiatement après la première plainte, selon lui. Il ne peut pas comprendre que rien n'ait été fait pendant des mois. Le prêtre aurait au moins dû se voir confier d'autres tâches, estime-t-il.

De son côté, la Curie a évoqué le risque de dissimulation: «Afin de ne pas entraver la recherche de la vérité et de ne pas risquer de dissimuler des preuves, aucune mesure n'a été prise à l'encontre du curé entre la première plainte et l'arrestation». Il n'est pas clair si c'était la volonté de l'Eglise ou du ministère public.

Un expert interrogé par ce journal, qui souhaite rester anonyme, attire pour sa part l'attention sur le difficile exercice d'équilibre auquel sont confrontées tant les institutions ecclésiastiques que les autorités d'enquête lorsqu'elles ont affaire à un tel cas. Un transfert de paroisse peut par exemple conduire à ce que la personne concernée soupçonne une enquête et détruise des preuves: «Et pour les autorités d'enquête, les preuves sont fondamentales, surtout dans la perspective d'un procès».

Le diocèse de Lugano est surveillé de près

La question de savoir comment les autorités pénales doivent procéder dans un cas de soupçon d'abus sexuel a déjà fait grand bruit au Tessin en 2004, il y a exactement 20 ans. A l'époque, un prêtre de Gordola s'était retrouvé dans le collimateur de la justice après avoir adressé des messages suggestifs et des images pornographiques à des mineurs.

Le ministère public avait décidé de tendre un piège au prêtre afin de le prendre en flagrant délit. Une jeune fille de quatorze ans avait servi d'«appât» (avec l'accord de sa famille) lors d'une rencontre arrangée où une policière était cachée dans un placard. Le prêtre a ensuite été condamné à six mois de prison, mais la présidente du tribunal a réduit la peine de moitié, car elle a vu dans l'action des enquêteurs une incitation au crime.

Le diocèse de Lugano fait l'objet d'une surveillance particulière en ce qui concerne les cas d'abus sexuels au sein de l'Eglise catholique, suite à la publication en septembre 2023 d'une étude pilote de l'Université de Zurich sur ce thème. Selon les auteurs de l'étude, de nombreux documents des archives épiscopales ont disparu ou ont été détruits au Tessin. Après la publication du rapport, l'évêque Alain De Raemy a lancé une campagne intensive d'explication et d'information dans les paroisses tessinoises.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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