La qualité des relations entre deux pays voisins se reflète notamment dans la taille des problèmes qui font débat. Entre la France et la Suisse, il s'agit par exemple de nouvelles concessions pour trois centrales hydroélectriques dans la rivière frontalière jurassienne du Doubs: quelles dispositions sur les débits résiduels doivent s'appliquer ici, celles de la France, plus strictes, ou celles de la Suisse?
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Ou encore à Bâle-Mulhouse: comment le droit du travail français s'applique-t-il aux employés ayant un contrat suisse dans la partie suisse de l'aéroport, qui se trouve entièrement en France? En cas de chômage, vers qui se tourner – la Suisse ou la France?
Il s'agit bien sûr de problèmes très importants pour les régions concernées et qui doivent être résolus. Mais pas de quoi affecter sérieusement les relations entre nos deux pays.
Il en va tout autrement de la querelle sur l'acquisition des nouveaux avions de combat. Pour la France, il s'agissait, en juin 2021, avec le Rafale d'une commande se chiffrant à plusieurs milliards de francs. Mais le Conseil fédéral a opté pour le concurrent américain, le F35. A cela se sont ajoutées des querelles au sein du Conseil fédéral, ainsi que des négociations parallèles à Paris, avec des contre-propositions politiques qui ont été balayées d'un revers de main. Tout cela a durablement terni la relation entre Berne et Paris.
Et comme la décision sur les avions de combat est tombée un mois seulement après la rupture des négociations sur un accord-cadre avec l'Union européenne, elle a également eu des répercussions sur le dossier européen: Paris a compté parmi les partisans d'une ligne dure contre la Suisse. Mais c'était il y a deux ans. Ce mercredi, le président Emmanuel Macron se rend en Suisse pour une visite d'Etat de deux jours. Selon des sources élyséennes, la tension suscitée par l'achat de l'avion de combat s'est dissipée.
Mercredi après-midi, le président français et son épouse Brigitte Macron seront reçus sur la Place fédérale par l'ensemble du Conseil fédéral. Suivront des allocutions au Palais fédéral et un entretien politique entre les deux délégations sur des questions d'actualité au niveau bilatéral et international. Le soir, le Conseil fédéral invitera les Macron à un dîner de gala.
Le jeudi, des visites en Suisse romande sont au programme. Parmi elles, une visite de la Fondation Jean Monnet, où sont conservées les archives du précurseur de l'unification européenne. Plus tard, Macron tiendra une conférence devant des étudiants de l'Université de Lausanne «sur les défis du continent», selon le Conseil fédéral.
Le président de la Confédération Alain Berset et le président Macron vont probablement se couvrir d'amabilités et faire oublier le différend sur les avions de combat. Une manière de clore la crise relationnelle.
Au cours des deux dernières années, on s'est rappelé les liens économiques et culturels qui unissent les deux pays. Et les centaines de milliers de personnes qui, en tant que frontaliers, touristes, immigrants et émigrants, relient les pays voisins. L'ambassadeur de Suisse à Paris, Roberto Balzaretti, a notamment contribué à l'amélioration des liens en faisant le tour de la France à vélo au nom de la Suisse.
Le Conseil fédéral s'est également engagé dans l'entretien des relations. Lorsque Emmanuel Macron a lancé l'idée d'une nouvelle Communauté politique européenne au printemps 2022, la Confédération a été l'un de ses premiers soutiens, marquant ainsi des points auprès du président. Et dans le dossier européen, le Conseil fédéral vient de relancer les négociations. On peut s'attendre à ce que le président français fasse part à Berne de son soutien à cette nouvelle tentative.
Reste un dernier point sensible: le procès pour blanchiment d'argent présumé contre UBS à Paris, dont le jugement est justement prévu ce mercredi. Les deux présidents vont probablement éviter ce sujet en invoquant la séparation des pouvoirs.
La question reste donc de savoir ce qu'il faut attendre de cette visite d'Etat, à part des amabilités. Un regard sur les dernières semaines apporte une réponse: avec Karin Keller-Sutter, Albert Rösti et Elisabeth Baume-Schneider, ce ne sont pas moins de trois membres du Conseil fédéral qui ont rencontré leurs homologues français depuis le mois d'octobre. Manifestement, la Suisse est remontée dans la liste des priorités en vue de cette visite d'Etat.
Et finalement, voisins gouvernementaux ou au sein d'un même immeuble, c'est pareil: il vaut mieux se retrouver pour un souper ou un apéro dans les bons moments – et pas seulement lorsque les désaccords de buanderie prennent le dessus.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder