Suisse
Faits divers

Raphaël M, double meurtrier, sort de psychiatrie et tue encore

Ce Suisse tue deux personnes, est libéré et tue encore

Raphael M. a tué à deux reprises au même endroit, à Bâle. Comment cela a-t-il pu se produire? A l’approche du procès, des détails émergent et interrogent.
16.12.2025, 16:3116.12.2025, 16:32
Andreas Maurer, Nora Hoffmann / ch media

Le 9 août 2024, à Bâle. Le soleil brille, des passants flânent le long du Rhin. Mais soudain, tout s’accélère. Quelqu’un crie «Intervention!» Un policier maîtrise un homme, un second l’immobilise. Les sirènes retentissent, d’autres policiers arrivent, une scène digne d’un thriller.

Zwei Polizisten verhaften Raphael M. am Unteren Rheinweg in Basel.
Deux policiers arrêtent Raphael M. sur la rive du Rhin, à Bâle.Image: Leserbild / chmedia

C’est ainsi que des témoins décrivent l’arrestation de Raphael M. Le trentenaire est soupçonné de meurtre: il aurait poignardé à mort Mme B., âgée de 75 ans, dans la cage d’escalier de son immeuble.

Retour dans le temps: le 8 août, la police découvre un corps sans vie dans un immeuble du quartier bâlois de Breite, puis recherche le suspect pendant 24 heures. Le Ministère public diffuse un avis de recherche avec photo. Durant des heures, les trams et les bus ne circulent plus dans une grande partie de la ville. Finalement, un passant reconnaît Raphael M. et avertit la police.

Das Fahndungsbild: Die Staatsanwaltschaft publizierte die unverpixelte Version.
L’avis de recherche: le Ministère public en avait publié une version non floutée.Image: zvg / chmedia

A peine le soulagement lié à l’arrestation se répand-il qu’il se transforme en stupeur. Car Raphael M. serait un récidiviste, en sortie non accompagnée d’un établissement psychiatrique. La télévision suisse alémanique diffuse une émission consacrée au drame: qu’est-ce qui a mal tourné?

Il possédait une clé du lieu du crime

Dix ans plus tôt, Raphael M. tue deux personnes et en blesse une troisième dans l’immeuble où vit son père. En 2015, le Tribunal pénal de Bâle le condamne pour meurtres et tentative de meurtre, le déclare pénalement irresponsable et ordonne une mesure thérapeutique stationnaire. Il est alors interné à l'hôpital psychiatrique universitaire de Bâle.

Der Tatort am 8. August 2024: Die Polizei setzte eine Sonderkommission ein.
Le lieu du crime, le 8 août 2024: la police a mis en place une cellule spéciale.Image: Kenneth Nars

Mais ce 8 août 2024, il bénéficie d'une sortie non accompagnée. Ce sera un jour fatal. Alors qu'il dispose d'une clé de l’appartement de son père, il s’empare d’un couteau de boucher dans la cuisine. Dans la cage d'escalier de l'immeuble, il s'en sert pour tuer une voisine septuagénaire dans la cage d’escalier. Le lendemain, lors d’un interrogatoire, il avoue son crime.

A partir de ce mercredi 16 décembre, Raphael M. comparaitra devant le Tribunal pénal de Bâle. Le procès est prévu sur trois jours. L’accusation retient le meurtre. Le psychiatre judiciaire Elmar Habermeyer le considère à nouveau comme pénalement irresponsable et propose une mesure d’internement. Nous avons pu consulter l’expertise psychiatrique, qui offre un aperçu de l’univers de Raphael M.

Cannabis et jeux vidéo: la descente aux enfers

Son père est français, sa mère suisse. Les parents se séparent lorsqu’il a 4 ans. Raphael grandit principalement chez sa mère, mais se réfugie chez son père en cas de conflit.

Après une scolarité sans histoire, il connaît, à 14 ans, une perte de motivation. Il commence à consommer du cannabis, est renvoyé de l’école, suit une mesure de transition, mais ne trouve pas de place d’apprentissage. Il voulait devenir cuisinier, comme son père.

Il décroche certes un emploi protégé, mais celui-ci ne lui convient pas. Travailler huit heures par jour pour 400 francs par mois, il n'en voit pas l'intérêt. Il se replie sur lui-même. Son quotidien ne tourne plus qu’autour du cannabis et des jeux vidéo comme World of Warcraft.

A 17 ans, il fait l’objet d’une évaluation par le service de protection de la jeunesse, la justice enquêtant pour des infractions à la loi sur les stupéfiants. Une expertise le décrit multipliant les pitreries inappropriées et tenant des propos confus.

Diagnostic: schizophrénie paranoïde.

Mais la famille refuse ce verdict. Le fils impose sa volonté par la violence: par exemple, il traînera sa mère par les cheveux sur le sol. Il se montre aussi agressif envers son père lorsque celui-ci tente de le convaincre de suivre un traitement. A 18 ans, Raphael M. devient bénéficiaire d’une rente AI.

Aujourd’hui, Raphael M. pèse près de 100 kilos. Lors d’un entretien, le psychiatre perçoit un léger tremblement. «Je vois des choses que personne d’autre ne voit», dit le patient. Il parle d’une autre dimension. Il explique à l’expert:

«Les personnes que je vois m'ont fait peur»

Il s’agit de saints et de figures fantastiques:

  • Batman.
  • Spiderman.
  • Aladin.
  • Jésus.
  • Bouddha.

Ces personnages l'auraient mis à l’épreuve. S’il accomplissait une «bonne action», il les rejoindrait; sinon, il irait en enfer. Son délire religieux transparaît régulièrement lors des entretiens, et ses notes contiennent des prières.

Selon lui, les visions lui indiquaient par des couleurs ce qu’il devait faire: des yeux verts et blancs indiquaient la satisfaction, rouges et noirs la colère, bleus l'information. Lors de son premier crime, il aurait mal interprété les signaux: «J’ai tué la mauvaise femme». Celle-ci n’aurait dû, dans son délire, que lui fournir des informations sur Mme B., qu’il a désormais tuée:

«Si je l’avais tuée il y a dix ans, cela aurait été une bonne action et il n’y aurait pas eu de victimes innocentes.»

Comment les thérapeutes ont-ils manqué ces signaux?

Pour Raphael M., ces visions sont réelles; il ne voit pas là les symptômes de sa schizophrénie. Il les a tues jusqu’au second crime, afin de ne pas compromettre ses sorties et de ne pas irriter ses «démons».

Dans les jours et semaines précédant le 8 août 2024, Raphael M. ne se fait pas remarquer. Il joue au poker avec un groupe de patients et, selon un procès-verbal, paraît détendu. La veille du drame, il discute avec son infirmier référent d’un festival de heavy metal auquel celui-ci s'est rendu. Il lui dit qu’il verra son frère le lendemain. C’est au plus tard à ce moment-là qu’il aurait planifié son acte. Il annulera ensuite le rendez-vous avec son frère. Pour le psychiatre Elmar Habermeyer, il n’existe «aucun indice d’une faute thérapeutique».

Dans un rapport d’enquête rédigé pour le compte du gouvernement bâlois, le psychiatre Frank Urbaniok critique toutefois le fait qu’après le premier crime, le service psychiatriqu n’ait pas analysé le mécanisme délictuel, l’explication psychologique complète de l’acte. Il voit là un «manquement». Cela explique pourquoi les professionnels n'ont pas identifié la pertinence du lieu du crime en termes de risque. Mais au regard des standards habituels, il ne s’agirait «pas d’une faute professionnelle grave».

Le Ministère public estime désormais avoir percé le secret du suspect. Dans l’acte d’accusation, il décrit le mobile à travers ses délires.

La fille de la victime critique la gestion de l’affaire

Interpellée, une des filles de Mme B. critique toutefois le fait que le Ministère public et l’expert judiciaire croient à ce récit. Selon elle, il n'est pas plausible que Raphael M. ait tué «la mauvaise femme» en 2014 et qu’il ait déjà voulu tuer sa mère à l’époque.

Avant le drame de 2014, le père de Raphael M. s'était disputé avec la victime de l’époque au sujet de la buanderie. Celle-ci vivait dans l’immeuble voisin, relié par la cave. Raphael M. l'a ensuite poignardée dans la cage d’escalier de cet immeuble annexe. Un lieu délibérément choisi, pour la fille de Mme B.

Celle-ci téléphonait souvent à sa mère:

«Elle m'a raconté avoir croisé Raphael à plusieurs reprises dans sa cage d’escalier, après le double meurtre. Ces rencontres l’angoissaient.»

Un jour, il lui aurait demandé: «Tu as peur de moi? Il n'y a pas de quoi». Il aurait donc eu à plusieurs reprises l’occasion de lui faire du mal.

Avant le meurtre de 2024, le père de Raphael M. a eu un autre différend, avec la future victime cette fois-ci. Il voulait récupérer la cave de Mme B., car il avait besoin de plus de place. Celle-ci était connue pour sa bonté, mais avait refusé, car elle en faisait elle-même usage.

Le 6 août 2024, Mme B. fête son 75e anniversaire. Lorsque sa fille l’appelle, elle se trouve justement à la cave pour y déposer des affaires de son appartement. Le père de Raphael M. lui a reproché de ne pas avoir réellement besoin de cet espace. Elle lui prouve ainsi le contraire.

Deux jours plus tard, Mme B. rentre des courses. Elle marche avec une canne, en raison de problèmes de genou. Selon une voisine, elle s’assied sur un muret devant l’immeuble pour se reposer, puis entre dans la cage d’escalier. C’est là que Raphael M. la poignarde.

La fille de Mme B. s’étonne que le Ministère public ne mentionne pas le conflit de voisinage dans l’acte d’accusation. Elle demande aussi à la psychiatrie universitaire d’assumer davantage de responsabilités:

«C’était une erreur de laisser Raphael M. retourner seul sur le lieu du crime lors d’une sortie, et même de lui donner une clé de l’immeuble».

Mercredi, la fille se retrouvera pour la première fois face à l’homme qui a tué sa mère. Elle espère qu’il ne sera jamais libéré: «Sinon, il pourrait frapper à nouveau dans dix ou vingt ans».

Dernière chance: une électrothérapie controversée

Le Ministère public a interrogé père et fils au sujet du conflit de voisinage. Raphael M. a refusé de témoigner. Pour son père, c'était un incident sans importance.

Le tribunal devra désormais décider de la mesure à ordonner pour Raphael M. Le psychiatre judiciaire Elmar Habermeyer le considère comme résistant aux thérapies, mais pas incurable. Une dernière chance pourrait être l’électroconvulsivothérapie, autrefois appelée électrochocs. Son efficacité est controversée, et le risque d’effets secondaires est élevé.

Elmar Habermeyer propose à la fois l’internement et une mesure stationnaire, bien que, selon le Tribunal fédéral, ces deux mesures s’excluent mutuellement. Le psychiatre pose un pronostic: «Il n'est pas sûr que des assouplissements puissent un jour être envisagés».

Traduit de l'allemand

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