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Féminicides: Comment «réveiller la colère» en Suisse

Manifestations contre les féminicides à Berne le 23 novembre 2024 (à g.) et le 4 avril 2025 (à d).
Manifestations contre les féminicides à Berne le 23 novembre 2024 (à g.) et le 4 avril 2025 (à d).Image: keystone/watson

Comment «réveiller la colère» contre les féminicides en Suisse

En 2025, 18 féminicides ont été recensés dans le pays. Un chiffre alarmant et pourtant: la foule ne se mobilise pas dans les rues pour dénoncer le fléau. Comment l'expliquer? Eléments de réponse.
29.06.2025, 19:0229.06.2025, 19:02
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Le nombre de femmes tuées en Suisse par leur compagnon, ex-compagnon ou un autre homme ne cesse d'augmenter. 18 victimes ont perdu la vie en 2025, un chiffre élevé par rapport aux années précédentes, pointe 24 Heures. En comparaison: la Confédération avait enregistré 26 homicides dans la sphère domestique en 2024, dont 18 victimes étaient des femmes. Le dernier féminicide a eu lieu à Soleure le 17 juin.

Malgré la situation alarmante, les manifestations pour dénoncer ce fléau restent timides en Suisse. Ailleurs en Europe, certains féminicides, comme celui de Giulia Cecchettin en Italie en novembre 2023, ont rassemblé des milliers de personnes dans tout le pays. Comment expliquer que ces crimes ne provoquent pas la même réaction chez nous?

Sphère privée

«Nous avons cette représentation selon laquelle le féminicide est un phénomène privé. Et on ne s'indigne pas de ce qui est privé», explique Valérie Vuille, directrice chez Décadrée, un institut de recherche sur l'égalité au sein des médias. Elle poursuit:

«La douloureuse réalité est que cette violence à l'encontre des femmes est systémique. Et il est difficile d'admettre que l'on fait partie de ce système.»
Valérie Vuille, directrice chez Décadrée.

Tea-Vanja Radovanac, responsable conseil chez Brava, une ONG qui lutte contre les violences envers les femmes, signale qu'il y a encore des personnes «qui ne se rendent pas compte que le phénomène existe en Suisse et qui sont choquées lorsqu'elles s'en rendent compte».

«Elles ne pensaient pas que les féminicides étaient possibles dans notre pays et étaient convaincues que les femmes étaient protégées»
Tea-Vanja Radovanac, responsable conseil pour l'ONG Brava.

Dès lors, comment permettre cette prise de conscience?

Violences quotidiennes

En Italie par exemple, les médias n'hésitent pas à donner des détails sur les victimes – photos, histoire personnelle, témoignages des proches –, provoquant ainsi de fortes réactions au sein de la population. Faudrait-il procéder de la même manière en Suisse? Valérie Vuille doute que «le sensationnalisme soit le bon chemin». Elle comprend cette volonté de plus impliquer les gens, mais rappelle que «derrière un féminicide, il y a une femme décédée et qu'il faut respecter son intégrité».

Laura Drompt, membre du collectif de la grève féministe de Genève, est partagée. Elle estime qu'il est essentiel de traiter du sujet en prenant en considération ce que la famille souhaite. Elle reconnaît cependant que «mettre un visage sur un nom peut permettre de conscientiser le problème».

Toutes deux se rejoignent sur un point: l'importance de parler du problème de manière globale. Pour Valérie Vuille, il faut mettre en lumière les violences quotidiennes subies par les femmes qui, dans le pire des scénarios, peuvent conduire au féminicide.

«Si on explique qu'un homme a commencé par insulter, dénigrer, frapper, harceler avant de tuer, plus de monde se sentira concerné. Cela réveillera de l'indignation car la question suivante se posera: pourquoi, malgré les signes avant-coureurs, personne ne l'a protégée?»
Valérie Vuille

Une indignation assez forte qui pourrait pousser les Suisses à descendre dans les rues?

«Exprimer cette colère»

«Il ne faut pas oublier que pendant longtemps, on a dit aux femmes de ne pas faire trop de bruit», déplore Laura Drompt. Pourtant:

«Lorsque le cadre est offert, par exemple durant la grève féministe, les manifestantes s'en saisissent. Ce n'est pas normal de se laisser écraser par cette violence. Il faut exprimer cette colère»
Laura Drompt, membre du collectif de la grève féministe de Genève.

La Genevoise précise toutefois que des manifestations contre les féminicides sont organisées en Suisse et que, même si elles sont parfois «simples et sobres», elles restent importantes.

«Chaque féminicide est l'aboutissement d'une violence sociétale qui cogne en permanence et qui isole. En se mobilisant, on brise cet isolement, on déclenche des prises de parole, on brise un tabou. Et on montre aux autorités qu'il faut prendre cette problématique au sérieux.»

Berne s'alarme

Mercredi 25 juin, la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider a convoqué une réunion extraordinaire à ce sujet. Trois mesures urgentes pour lutter contre les féminicides ont été annoncées jeudi:

  • Combler les lacunes en matière de places dans les refuges et les maisons d'accueil.
  • Mieux former les professionnels afin de prévenir les violences lors des phases de séparation.
  • Instaurer une analyse interinstitutionnelle systématique des cas de féminicides.

Une révision de la loi sur l'aide aux victimes devrait également être présentée à l'automne.

D'après Alexandra Gnägi, également membre de l'ONG Brava, l'une des raisons pour lesquelles la population de certains pays comme l'Espagne est «plus bruyante», c'est justement parce que les politiques ont «vu le problème et on décidé de le combattre».

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