Dans les années 2000, des centaines de milliers de familles en Europe, et en Suisse également, ont congelé les cellules souches de leur bébé avec l'espoir de les utiliser pour des soins futurs contre les maladies rares. Ces données génétiques sont prélevées après un accouchement à partir du sang du cordon ombilical et sont conservées dans des banques de cryoconservation, privées ou publiques.
Cryo Save était l'une de ces banques privées. Basée à Genève, elle a fait faillite en 2019. L'ensemble des cellules souches ont dès lors été transférées en Pologne dans des circonstances floues et sans l'accord des parents, qui ne seront avertis qu'après coup.
Cellules souches – Le business de l’espoir, réalisé par Antoine Harari, journaliste suisse, et Valeria Mazzucchi, revient sur ce scandale dont les conséquences perdurent encore aujourd'hui. Le reportage est diffusé ce mercredi soir sur la RTS.
Les premières images du documentaire nous emmènent à Belgrade, en Serbie. Tatjana et Rastko souhaitent utiliser les cellules souches de leur fille pour soigner son autisme. Pour ce faire, ils doivent transférer le matériel génétique aux Etats-Unis – à l'époque en effet, en 2017, l'Université de Duke conduit une étude prometteuse sur le traitement du trouble à partir des cellules souches. Seulement voilà: au moment du transport, orchestré par Cryo Save, les données ADN sont conservées à une température trop élevée. Conséquence: elles ne pourront plus jamais être utilisées et doivent être détruites.
Face caméra, c'est avec émotion que Tatjana Petakovic se souvient de cette période. Elle confie s'être sentie «abusée» par Cryo Save:
Bouleversés, Tatjana et Rastko veulent faire la lumière sur cet accident. Ils engagent des avocats et des détectives privés pour avoir des réponses et découvrent que Cryo Save est au bord de la faillite.
En 2019, l'entreprise ne sera finalement plus capable de conserver les cellules souches. Dès lors, les échantillons confiés par plus de 300 000 familles à la plus grande cryobanque d'Europe seront déplacés d'urgence en Pologne. Comment ont-ils été transportés? Sont-ils encore utilisables? De nombreuses zones d'ombres subsistent et c'est aux parents d'aller chercher les informations. Une quête qui va s'avérer compliquée.
Comment un tel scénario a-t-il pu se produire en Suisse? Précisons tout d'abord la différence entre un don de cellules souches public, réalisé dans un cadre thérapeutique reconnu, et le stockage privé, qui n'assure pas forcément de débouchés thérapeutiques. Dans le premier cas de figure, la sélection est rigoureuse et seuls les échantillons qui peuvent réellement être utilisés sont conservés. Ils seront ensuite à disposition de toute personne qui en a besoin.
Dans le second cas de figure, «la loi considère les cellules souches comme des marchandises», explique Antoine Harari. Il s'agit d'un contrat de droit privé. Ce manque de régulation fait qu'il y a peu de protection pour les parents.» Et de déclarer:
Depuis 2023 cependant, la législation a changé, offrant aux parents la garantie d'être mieux informés et une plus grande transparence. Il était toutefois trop tard pour ceux qui témoignent dans le reportage.
Si le scandale a fait beaucoup de bruit au moment où il a éclaté, entre 2019 et 2020, Antoine Harari estime qu'aujourd'hui, on ne parle plus de cette affaire. Et ce, malgré l'impact qu'elle a encore sur de nombreux parents.
Il rappelle qu'en Suisse, 20 000 familles ont été touchées. «Nous voulions montrer ce retour de bâton qui survient lorsqu'on fonde de grands espoirs dans la science, et que cet espoir est utilisé à des fins monétaires.» Et de conclure:
«Cellules souches – Le business de l’espoir» est diffusé ce mercredi 21 mai à 22 heures sur RTS 1.