Suisse
Médecine

Comment on a retracé mon histoire génétique au Chuv

Le Chuv a retracé mon histoire génétique et j'ai eu une bonne surprise

Quand on pense à un examen à l'hôpital, on s'imagine une aiguille, un scan ou une petite lumière dans les yeux. Mais pour faire mon histoire familiale des maladies génétiques, les spécialistes du Chuv ont eu avant tout besoin d'un crayon et de papier. Coup de projecteur sur un job méconnu.
04.08.2024, 18:52
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Je passe les portes du Chuv pour aller faire un test pas comme les autres. Pas de prise de sang, pas de radio, pas de scanner. Juste un papier et un crayon pour retracer mon histoire familiale de santé et y détecter de possibles maladies génétiques.

Direction le service de médecine génétique de l'hôpital, issu de la fusion entre les services préexistants de génétique médicale et des maladies moléculaires. Il se charge de diagnostiquer les affections héritées de nos ancêtres: leur potentiel héréditaire existe en nous, transmis de génération en génération, comme on passe les gènes de la couleur des yeux, des cheveux ou de la taille.

La formation n'existe pas en Suisse

Au sein du personnel se trouvent des médecins, des infirmiers, des secrétaires médicales, mais aussi des conseillers en génétique, qui fournissent toutes les informations nécessaires à un patient pour l'aider à prendre des décisions médicales liées à des troubles héréditaires. Comme lorsqu'une maladie génétique est suspectée lors d’une grossesse, ou en cas de risque de prédisposition aux cancers.

Viviane Cina, conseillère génétique au Chuv, m'a fait mon «arbre généalogique» des maladies familiales.
Viviane Cina, dans son bureau.Image: watson

Je rencontre Viviane Cina, qui exerce ce job un peu particulier, au croisement de la psychologie, de la communication et de l'éthique, avec — forcément — des connaissances solides en génétique. Après un bachelor en biologie, elle est partie au Pays de Galles pour être formée en master, le cursus de conseiller en génétique n'existant pas en Suisse (il existe aussi notamment en France, en Autriche ou en Italie). Elle était d'ailleurs la première à exercer ce métier en Suisse à son arrivée au Chuv, en 2004.

«Ça court dans la famille» — ou pas

Un des outils de prédilection de la conseillère en génétique, c'est la création d'un arbre généalogique médical, qui permet de récolter le plus d'informations possible sur de possibles maladies familiales. On décide de faire l'exercice avec ma petite personne. La conseillère pose des questions sur mes parents, oncles, tantes, cousins, et désire savoir de quoi on a souffert au sein de ma famille.

On y trouve deux problèmes de santé assez classiques: le cancer et les problèmes de cœur. De ce côté-là, c'est assez costaud: mon père est décédé d'une crise cardiaque à 55 ans, mon grand-père paternel a vécu son dernier quart de siècle hémiplégique, à la suite d'une série d'AVC dévastateurs. Mon grand-père maternel, 87 ans, est en pleine forme, mais s'est cependant fait poser plusieurs stents sur le cœur. Bonne ambiance, donc. Autant dire que je fais un check-up régulier chez le cardiologue du haut de mes 33 piges.

Viviane Cina, conseillère génétique au Chuv, m'a fait mon «arbre généalogique» des maladies familiales.
On remonte le fil des maladies familiales.watson

Mais les problèmes de cœur ne sont pas toujours pertinents sur le plan génétique, m'explique la conseillère. Dans mon cas, aucune prédisposition génétique aux maladies cardiaques n'est présente dans mon arbre. Première surprise, moi qui pensais que cela «courait» dans la famille. Ce sont donc plutôt le style de vie et d'autres problèmes de santé associés qui auront eu raison de mes paternels.

«On fait toujours un arbre généalogique car cela donne des éléments de réflexion pour la suite»
Viviane Cina, conseillère en génétique

Des cancers liés génétiquement

Quant à ce qui est du «crabe», une tante est décédée du cancer du côlon et une autre a eu celui du sein. Mais à nouveau, rien de grave ici pour moi: Viviane Cina m'explique qu'il est habituel de trouver plusieurs cas de cancers au sein d'une famille. Le risque d'une prédisposition dépend du nombre de personnes atteintes, de l'organe touché et de l'âge du diagnostic — avant 50 ans, il est considéré comme précoce et cela est relevé.

Viviane Cina, conseillère génétique au Chuv, m'a fait mon «arbre généalogique» des maladies familiales.
Un ensemble de symboles auxquels je ne comprends pas tout, mais qui sont parfaitement clairs pour la conseillère.watson

De plus, certains cancers sont liés au niveau génétique. C'est le cas, par exemple, du cancer du sein et des ovaires ou de celui de l'endomètre et du côlon. Mais entre celui des poumons et du cerveau, par exemple, pas de marqueur en commun. Ces deux cancers présents dans mon arbre ne sont donc pas liés génétiquement.

Elle me demande aussi si mes deux parents... ont un lien de parenté. Autrement dit, s'il n'y a pas un peu de consanguinité dans l'air. Surpris, je réponds par la négative. Mais c'est pourtant le cas de plusieurs couples qui viennent recevoir des conseils de la spécialiste et aimeraient donner naissance à des bébés en bonne santé. Elle m'explique que si dans la population suisse, cela reste rare, pour certaines familles issues de la migration, la culture des mariages entre cousins est encore bien présente.

«Indication médicale» et diagnostic

Bref, mon arbre indique que malgré quelques gros pépins de santé familiaux, l'hérédité n'est pas en cause. Mais pour d'autres des patients de Viviane Cina, qui soupçonnent une maladie génétique, on entre ensuite dans la partie pratique de la consultation à proprement parler.

«Il doit y a voir une indication médicale pour venir consulter. Cela peut être une histoire familiale d'une maladie génétique connue»
Viviane Cina, conseillère en génétique

Par exemple, dans les familles où le cancer du sein a été détecté chez plusieurs femmes, on peut légitimement soupçonner être porteuse d'une prédisposition. La présence d'une maladie chez un membre de la famille, même éloigné, peut être un signe. Les cancers ne sont d'ailleurs pas seuls à avoir une composante héréditaire: les maladies neurodégénératives, la surdité ou rénales, les cas d'autisme ou de déficience intellectuelle sont tous notés sur l'arbre.

Ce test au crayon et au papier permettra de faire un premier constat pour ensuite orienter le ou la patiente vers d'autres tests. La personne pourra aussi repartir dans sa famille en disposant d'une bonne dose d'informations, favorisant ainsi la prévention directement auprès des personnes qui pourraient être concernées.

Parfois, c'est un problème de santé direct qui amène un patient à venir effectuer un diagnostic. Un médecin généticien effectue alors un examen clinique et prescrit des tests génétiques — d'ailleurs encadrés par Loi fédérale sur l'analyse génétique humaine, mise à jour en décembre 2022. La présence des conseillers permet de décharger une partie du travail des médecins.

Conseil concernant les grossesses

Un des autres aspects importants du travail de Viviane Cina, c'est le conseil pour des grossesses, par exemple pour des cas de malformations détectées chez le foetus ou la présence de maladies héréditaires connues. Les conseillers en génétique entrent par exemple en scène lorsque des parents ayant eu un enfant atteint de mucoviscidose veulent en faire un deuxième et viennent se renseigner sur les risques, afin de prendre une décision.

Parfois, les malformations du fœtus sont telles qu'une interruption de grossesse est envisagée. Dans ce genre de cas, le service peut aussi compter sur une psychologue, qui prend le relais dans l'accompagnement des patients. Elle est aussi là pour assister l'équipe lorsqu'on annonce, par exemple, à un patient qu'il souffre d'une maladie neurodégénérative, comme celle de Huntington.

Un secteur en progression

Le prénatal, c'est d'ailleurs les racines du service de médecine génétique, au Chuv. «Il était différent quand j'y suis arrivée et s'est bien développé», se souvient Viviane Cina. Il était alors rattaché au service de gynécologie et les consultations étaient majoritairement en lien avec des maladies héréditaires détectées chez les fœtus et les enfants, en pédiatrie. Le diagnostic des adultes a progressivement pris une part plus importante.

Après vingt ans, les conseillers en génétique sont désormais trois au Chuv. Ailleurs en Romandie, les HUG et l'Hôpital de Sion comptent respectivement deux et un conseillers de ce genre. D'autres travaillent en laboratoire privé. La profession n'a passé le Röstigraben que récemment: deux conseillers officient en Suisse alémanique depuis cet été.

Je sors de la séance en me disant que la science et la médecine, c'est quand même super. Et que malgré le fait que les pépins de santé familiaux ne «courent pas» dans mes gènes, cela reste une bonne habitude de retourner faire un check-up chez le cardiologue, de temps à autre.

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