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Polémique: l'enseignement de l'histoire est menacé à Genève

Des eleves devant l'entree du College Voltaire, ce jeudi 01 mars 2007 a Geneve. Des eleves de 15 A 19 ans ont pose dans le plus simple appareil sur l'almanach annuel du college Voltaire a Ge ...
Collège Voltaire, Genève.Image: KEYSTONE

Les profs d'histoire genevois sont en colère

A Genève, l'enseignement de l'histoire pourrait faire les frais de la nouvelle maturité fédérale. Le Département de l'instruction publique est sous le feu des critiques. Témoignages.
01.05.2025, 05:3801.05.2025, 06:53
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L’histoire, sujet éruptif. On parle ici de l’histoire enseignée aux élèves: les civilisations, les guerres, les révolutions. Notre passé et celui des autres, qui souvent se recoupent. Alors voilà: l’histoire a-t-elle un avenir? A Genève, des professeurs chargés de transmettre cette discipline sont tendus face à ce que leur propose le Département de l’instruction publique (DIP), tenu de se plier aux règles de la nouvelle maturité fédérale.

Deux options sont sur la table et elles ne leur plaisent pas. Les heures d’histoire enseignées durant les quatre années de gymnase (appelé collège dans le canton de Genève) passeraient de 8 à 6 dans un cas, de 8 à 4 dans l’autre – 8 veut dire 4X2, soit deux heures par semaine, chacune des quatre années de collège.

Ainsi, la part accordée à l’histoire pourrait, dans le pire des cas, reculer de moitié, craint-on dans la branche. L'histoire ne serait plus enseignée qu’aux 2e et 3e années, les 1ères et 4e années en étant dispensées.

Gros dilemme

Nouvelle maturité oblige, il s’agit de faire entrer un pied de taille 44 dans une chaussure de taille 42. Dès lors, soit on agrandit la chaussure, le nombre d’heures de cours hebdomadaires, mais cela paraît improbable, soit on réduit la taille du pied et alors on ôte des heures à certaines matières, la solution choisie.

L’histoire apparaissant comme une discipline moins essentielle que les sciences dures, elle est souvent la première à laquelle on pense au moment d'opérer des sacrifices.

Et si on se trompait? C’est ce que pense ce professeur d’histoire à l’Université de Genève qui souhaite garder l’anonymat.

«L’apprentissage de l’histoire est important pour la formation de l’esprit critique. Plus on a de connaissances historiques, plus on est en mesure de vérifier que ce que l’on nous raconte est vrai ou mensonger. La connaissance de l’histoire nous permet de faire la part entre le mythe et la réalité, entre la propagande et les faits.»
Un professeur d'histoire de l'Université de Genève

Le point de vue de ce professeur semble réunir une majorité d’élus à l’heure des fake news et autres vérités alternatives. La droite et la gauche du Grand Conseil genevois demandent à la cheffe du DIP, la PLR Anne Hiltpold, de revoir sa copie déposée en mars, la nouvelle maturité fédérale devant entrer en vigueur en 2027 au plus tard.

Pour Jean Romain, ancien professeur de philosophie au Collège Rousseau de Genève:

«L’enseignement de l'histoire, en nous apportant du recul, permet de ne pas être perpétuellement dans l’émotion. Or aujourd’hui, on se contente de plus en plus de visions à très court terme, une émotion en chassant une autre. On fait fi de toute chronologie, autrement dit de tout passé. On ne se sent tenu par rien. On pense que le monde est né avec soi. Cela s’observe chez les wokes, mais aussi chez Trump.»

Jean Romain constate avec plaisir l’«alliance objective de la gauche et de la droite en faveur de l’enseignement de l’histoire». La première y voit la chronologie du progrès social, la seconde y trouve la permanence d’une identité.

Les tracas causés à l’histoire sont en partie dus à l’intégration de l’enseignement de la philosophie dans les sciences humaines. Or la part dévolue à ces dernières par l’ordonnance fédérale fixant les règles de la nouvelle maturité s’élève à 12% du total des heures hebdomadaires dispensées.

Ces 12% sont en principe réservés aux cours de droit, d’économie, d’histoire et de géographie. Mais Genève, contrairement à d'autres cantons, souhaite conserver l’enseignement de la philosophie et a décidé de l’adjoindre au bloc «sciences humaines».

Maigre marge de manœuvre

Les professeurs d’histoire et de géographie genevois, deux enseignements souvent assurés par la même personne, ne demandent en aucune façon la suppression de la «philo», mais ils exigent que le pourcentage accordé aux sciences humaines soit revu à la hausse, afin qu'ils puissent garder leurs heures. En comparaison, les blocs «langues» et «sciences», avec 27% d’heures de cours chacun, sont bien mieux servis. L’ordonnance sur la nouvelle maturité fédérale accorde cependant aux cantons une marge de manœuvre leur permettant de répartir à leur guise 15% des heures de cours hebdomadaires.

Un autre changement introduit par la nouvelle maturité fédérale nourrit les inquiétudes et pas seulement chez les enseignants d’histoire. Les heures allouées aux disciplines fondamentales, soit l’ensemble des enseignements, voient leur nombre diminuer au profit des options spécifiques, dont le but est de renforcer certaines des disciplines fondamentales.

Quelles seront les matières constitutives des options spécifiques? Il est peu probable que s'y trouve l’histoire, au contraire des branches scientifiques. Sur le fond, l’universalité de la maturité fédérale, elle, reste acquise: tout diplômé pourra se lancer dans les études universitaires de son choix.

Alors que la compétition pour la maîtrise des savoirs technologiques fait rage à l'échelle du monde, l’enseignement de histoire sauvera-t-il sa peau? Comme le dit le professeur d’histoire de l’Université de Genève cité plus haut anonymement:

«Garder les heures d’histoire n’est pas, dans l'absolu, la garantie d’un enseignement honnête, mais les supprimer n’est pas une solution»
Un professeur d'histoire de l'Université de Genève
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Video: instagram
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