Il y a un an et demi, le tunnel de base du Saint-Gothard a été le théâtre d'un accident fatal. Suite à la rupture d'une roue, plusieurs wagons de marchandises ont déraillé et fortement endommagé l'un des deux tubes, si bien que celui-ci a dû être fermé pendant plus d'un an, et ce, peu après son ouverture. Par chance, il n'y a pas eu de blessés.
L'exploitation ferroviaire a repris normalement dans le secteur depuis l'automne dernier. Le tunnel a pu être réparé. Mais l'accident continue de faire des vagues. C'est plus particulièrement la question de la responsabilité juridique qui se pose aujourd'hui. La réponse permettra de déterminer qui devra assumer les dommages.
Au beau milieu de tout cela, la SRF annonce qu'un incident du même acabit pourrait se reproduire à tout moment. Dans un reportage diffusé récemment, la rédaction de Rundschau divulgue le contenu d'un rapport jusqu'ici tenu secret du Service d'enquête de sécurité suisse (SESE).
Selon Rundschau, le document explique qu'il ne faut pas y voir un enchaînement de circonstances malheureuses. Mais plutôt un dysfonctionnement du système de freinage utilisé sur la plupart des wagons de marchandises.
Le document confidentiel, pour l'instant toujours au stade de l'ébauche, fait état de recherches sur ce type de roue – critiqué dans d'autres pays européens – qui mettent en lumière de nombreux problèmes comparables. Ils n'ont simplement jamais entraîné d'accidents de cette ampleur. Il convient toutefois de noter que le pire a pu être évité. Car l'accident s'est produit dans un tunnel à voie unique.
Concrètement, le projet de rapport d'enquête sur l'accident du Gothard dit ceci:
D'après la SRF en effet, l'enquête a révélé que toutes les roues du wagon accidenté «présentaient les mêmes caractéristiques de fissuration», bien que certaines d'entre elles soient nettement plus récentes. De telles fissures de fatigue sont dues à une «surcharge thermique». En d'autres termes: lorsque la roue s'échauffe.
Le rapport confidentiel du SESE cite, en outre, des chiffres (une première): ainsi, des experts de toute l'Europe ont découvert 77 autres cas de fissures après l'accident du Gothard, et dans 10 d'entre eux, la roue était même déjà cassée. Mais l'autorité de surveillance européenne n'a pas donné plus qu'une recommandation non contraignante pour certaines roues déjà fortement usées, selon la SRF.
Interrogé, le SESE ne confirme ni n'infirme les passages en question du reportage. Après une consultation du rapport, celui-ci sera finalisé avant une publication prévue en avril.
Plusieurs experts critiquent par ailleurs un risque de rupture inhérent à pratiquement tous les wagons-marchandises. D'autant plus que les trains circulent désormais plus rapidement qu'auparavant. Ils soulignent en conséquence que l'on a eu de la chance avec cet accident au Gothard. Car si une roue se brisait à l'extérieur, dans une gare, ou encore dans un tunnel en bidirectionnel, il faudrait s'attendre à des dizaines de morts.
En effet, les freins des wagons de marchandises sont pratiquement tous identiques: des sabots, comme ceux utilisés à l'époque pour immobiliser les diligences tirées par des chevaux. Les CFF précisent qu'ils ne disposent pas de tels systèmes. Quant aux wagons de voyageurs, ils sont, eux, équipés depuis longtemps de freins à disque.
Le sujet de la SRF conclut une fois encore que cet accident ne doit donc rien au hasard, mais qu'il était à prévoir. Et que cela peut se représenter à tout moment.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)