Suisse
Ignazio Cassis

Pourquoi la secrétaire d'État Livia Leu démissionne

Swiss President Ignazio Cassis, Minister of Foreign Affairs, left, confers with Swiss State Secretary Livia Leu ahead of the round of national statements during the second day of the Ukraine Recovery  ...
Ignazio Cassis, ministre des Affaires étrangères, à gauche, s'entretient avec la secrétaire d'État Livia Leu à Lugano, en juillet 2022.Image: KEYSTONE

Cassis perd (encore) une diplomate d'élite: pourquoi Livia Leu démissionne

La secrétaire d'Etat Livia Leu démissionne et sera désormais ambassadrice de Suisse à Berlin. Ignazio Cassis cherche déjà une remplaçante. Pour les négociations avec l'UE, il veut quelqu'un qui ait les épaules solides.
10.05.2023, 18:54
Henry Habegger / ch media
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Les rumeurs allaient bon train depuis des semaines au Palais fédéral et au sein des ambassades suisses à travers le monde: le conseiller fédéral en charge des Affaires étrangères, Ignazio Cassis (PLR), et sa secrétaire d'Etat Livia Leu ne peuvent pas s'entendre.

C'est désormais chose faite. «La négociatrice en chef auprès de l'UE Livia Leu jette l'éponge», titrait mardi le quotidien zurichois Tages-Anzeiger. Ce mercredi, son départ est à l'ordre du jour du Conseil fédéral. Comme prévu, Livia Leu deviendra ambassadrice à Berlin, confirme le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) dans un communiqué. La négociatrice en chef poursuivra ses tâches de secrétaire d'Etat jusqu'à fin août.

Plusieurs indices avaient laissé penser que quelque chose se tramait. D'abord, Ignazio Cassis a pris son temps pour pourvoir le prestigieuse poste d'ambassadeur suisse à Berlin à la place de Paul Seeger, qui aura 65 ans le 26 décembre et doit prendre sa retraite.

Le Fribourgeois Alexandre Fasel avait notamment été évoqué pour prendre le poste. L'homme de 61 ans se déplace souvent à Berne, bien qu'il soit actuellement détaché par le Conseil fédéral à Genève comme «conseiller spécial pour la diplomatie scientifique».

Trois secrétaires d'Etat en cinq ans

La version selon laquelle l'envie de changement émanait de Leu, qui voulait absolument aller à Berlin, a circulé dès la parution d'un article de CH-Media, publié à la mi-avril. Selon cette information, Cassis lui aurait initialement dit qu'elle ne pourrait pas changer de poste avant la fin de l'année, date de départ à la retraite de Paul Seeger.

La version du départ volontaire de Livia Leu est aussi celle que l'on préfère donner dans l'entourage d'Ignazio Cassis. Car l'autre — selon laquelle le chef du DFAE a déjà brûlé son troisième secrétaire d'Etat en cinq ans, après Pascale Baeriswyl et Roberto Balzaretti — sonne moins bien.

De plus, en tant que négociatrice en chef auprès de l'Union européenne (UE), Livia Leu est actuellement à pied d'œuvre: d'ici fin juin, elle doit tenter d'obtenir la base d'un mandat de négociation lors de discussions avec Bruxelles, sur lequel le Conseil fédéral doit statuer en juillet. «Les discussions avec l'UE ne seront pas affectées par ce changement», assure le DFAE dans un communiqué.

Cassis veut quelqu'un d'autre pour les négociations

L'ancienne négociatrice en chef dans le dossier Suisse-UE a fait son devoir. Peut-elle quitter le navire? Selon nos recherches, pour le clan Cassis, le travail qu'elle a accompli dans les pourparlers exploratoires avec l'UE sont toujours en cours.

Pour ce job, Livia Leu, une diplomate précise et travailleuse, était la bonne personne. Mais pour les négociations concrètes, qui auront lieu maintenant si le Conseil fédéral lui confie un mandat, il faut quelqu'un d'autre, estimerait l'entourage de Cassis.

Et plus précisément, une personne qui apporte avant tout deux choses: elle doit pouvoir aborder les partenaires de négociation du côté de l'UE sans peur du contact et de manière ouverte. Ce que Livia Leu n'est pas.

Rupture avec Ignazio Cassis

Son successeur devra avant tout bien travailler avec Cassis. Car celui-ci a depuis longtemps déclaré la question de l'UE comme une affaire de premier plan. Il sait que sa survie politique en dépend. Le chef du DFAE a besoin d'une percée, qu'il a promise à ses amis comme à ses ennemis.

Et depuis la visite du vice-président de la Commission européenne en Suisse, Maros Sefcovic, à la mi-mars, Cassis devrait se sentir particulièrement encouragé. La réunion des deux hommes, qui a commencé autour d'une fondue, a duré jusqu'à tard dans la nuit. Selon plusieurs sources proches du dossier, ils se comprendraient parfaitement.

Cassis veut désormais aussi un secrétaire d'Etat avec qu'il s'entend bien. Ce qui n'était plus le cas avec Livia Leu. Bien que ce soit lui l'a nommé à ce poste et et bien que l'ancienne négociatrice en chef ait absolument voulu ce poste il y a environ deux ans. A l'époque, le secrétaire d'Etat Roberto Balzaretti, un diplomate extrêmement loyal, mais qui a également dit à Cassis des vérités désagréables, a dû être limogé. Beaucoup n'ont pas pardonné à Cassis cette «rupture de confiance» envers le chef du DFAE.

Mais qui va la remplacer? L'«option Fasel» reste la plus probable. Selon des sources, la relation entre Cassis et le Fribourgeois est au beau fixe. Tout comme avec le secrétaire général du DFAE, Markus Seiler, très puissant à Berne. Jürg Lauber, actuellement ambassadeur auprès de l'ONU à Genève, est également évoqué comme une possibilité.

Des femmes sur la liste des successeurs

Car les personnalités vraiment indépendantes, constructives et critiques n'auraient aucune chance au sein du DFAE. Du moins pas dans l'ambiance actuelle. Tous les contacts de CH Media au sein du DFAE sont d'accord sur ce point. L'un d'eux dit même:

«Une personnalité forte aux côtés de Cassis et Seiler? Vous plaisantez!»
Source au sein du DFAE

Cependant, d'autres noms circulent en interne. Il s'agit des noms de femmes, en tête desquelles se trouvent les ambassadrices Rita Adam (53 ans, à Bruxelles auprès de l'UE), Monika Schmutz (55 ans, à Rome) et Krystyna Marty (57 ans, à Moscou). Elles font toutes un excellent travail sur leur poste, sans contestation possible.

Krystyna Marty a été secrétaire d'État adjointe depuis 2016 et déjà secrétaire d'État en 2020 — mais par intérim, avant de partir pour la Russie en tant qu'ambassadrice en 2021.

Nos sources au sein du DFAE indiquent que lorsqu'elle était secrétaire d'État, les relations internes étaient professionnelles, mais aussi très humaines et compréhensives. Ce que l'on ne peut pas dire aujourd’hui. Au bout du film, on évoque un climat de peur au DFAE, mais aussi une culture machiste marquée, avec parfois des comportements limites.

Deux secrétaires d'État au DFAE?

Il reste une option envisageable: l'ambassadrice de l'UE actuelle, Rita Adam, pourrait occuper le poste de secrétaire d'État aux affaires européennes, et Monika Schmutz celui de deuxième secrétaire d'État au DFAE, chargée du reste du monde. Cela renforcerait à nouveau le secrétariat d'État face au secrétaire général, qui est considéré comme trop puissant même pour le camp de Cassis.

Cette répartition avec deux secrétaires d'Etat a déjà eu lieu une fois sous Cassis, en 2019. Ce dernier a nommé l'actuel ambassadeur à Paris, Roberto Balzaretti, secrétaire d'Etat à l'UE. L'actuelle chef de la diplomatie, Pascale Baeriswyl, était encore responsable du reste du monde.

Rita Adam et Monika Schmutz s'entendraient très bien. Ce qui devrait à son tour dissuader Cassis d'opter pour un tel modèle. Il aurait alors affaire à un axe féminin très fort dans la diplomatie.

Les diplomates de l'ONU quittent la salle lors d'un discours du ministre russe
Video: watson
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