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Les Suisses ne pourront bientôt plus économiser d'argent

Les Suisses ne pourront bientôt plus économiser d'argent
En Suisse, les prix ne cessent d'augmenter.Image: dr

Les Suisses n'auront bientôt plus d'option pour économiser de l'argent

Les loyers, les primes d'assurance maladie et l'électricité. Tout devient plus cher. Mais ce sont surtout les hausses du beurre, des pâtes et du café qui pèsent sur le moral.
31.01.2024, 14:54
Florence Vuichard et Stefan Trachsel / ch media
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En janvier 2024, exactement comme au début de l'année 2020, vous retrouvez des réductions sur les fruits, le vin et le poulet. Et si vous achetez deux paquets de café La Semeuse – en grains ou moulu – vous en recevrez un troisième gratuitement.

L'annonce pleine page de Coop promettait des «actions pour le week-end» lors du premier vendredi et du premier samedi de la nouvelle année. L'idée est restée la même, le graphisme aussi. Une seule chose a changé au cours de ces quatre années: le prix.

L'offre de café «trois pour deux» coûtait encore 19,60 francs, il y a quatre ans. Cette année, il était déjà de 23 francs. Une augmentation de 17%. Le café est l'un des produits dont le prix a nettement augmenté avec la dernière poussée inflationniste.

Selon l'indice des prix à la consommation (IPC), qui repose sur une large base de produits, il en résulte une augmentation d'environ 7% pour les quatre dernières années. Une situation qui n'avait plus été observée depuis longtemps.

L'effet du Covid sur les prix

La Suisse s'était habituée par le passé à des prix stables, voire en baisse. «C'était la normalité», explique Felicitas Kemeny, qui mesure le climat de consommation au Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco).

Jusqu'à ce que les événements se précipitent. Le freinage économique complet provoqué par la pandémie a été suivi d'un redémarrage rapide, presque par bonds. La forte demande de vélos, d'électronique domestique et d'autres biens s'est heurtée à des chaînes d'approvisionnement perturbées, faisant grimper les prix. Et avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les coûts de l'énergie se sont envolés.

Conséquence: des taux d'inflation élevés dans le monde entier. En Suisse, le renchérissement est certes resté modéré en comparaison internationale. Néanmoins, rien que l'année dernière, les prix des catégories «Logement et énergie» et «Alimentation et boissons non alcoolisées» ont augmenté de 3,3 % chacun, ce qui représente la plus forte hausse dans la statistique du renchérissement 2023.

L'étonnant paradoxe des consommateurs

D'un point de vue historique, une telle hausse des prix des denrées alimentaires reste un phénomène plutôt rare, explique Hans-Markus Herren de l'Office fédéral de la statistique (OFS):

«Il faut remonter au début des années 1990 dans les statistiques pour observer un renchérissement aussi élevé pour les denrées alimentaires»

Mais sur une période plus longue, les denrées alimentaires n'ont que modérément augmenté en comparaison avec le niveau général des prix, ajoute-t-il.

Reste que la hausse des prix a également un impact négatif sur le moral. Toutefois, même si celui des consommateurs est au plus bas, la consommation, elle, continue de croître, explique Felicitas Kemeny. Bien que cette croissance ralentisse.

Selon l'économiste du Seco, ce paradoxe apparent peut s'expliquer par plusieurs raisons. L'une d'entre elles est l'immigration. Plus il y a de personnes, plus la consommation augmente. Tout simplement en raison de la hausse de la population.

Les achats du quotidien particulièrement touchés

Comme la consommation par habitant continue d'augmenter, bien que de manière nettement moins prononcée, la croissance de la population seule ne suffit pas comme explication. Ce qui compte, en fin de compte, ce sont les prix qui augmentent.

«Les prix que les consommateurs observent fréquemment ont un impact particulièrement fort sur eux», souligne Kemeny. Faire ses courses hebdomadaires dans les grandes surfaces est devenu sensiblement plus cher, tout comme l'achat impulsif au kiosque ou le détour occasionnel par la station-service. Ou, comme le formule l'expert en statistiques Herren:

«On remarque beaucoup plus rapidement une augmentation de prix sur le yaourt que l'on achète régulièrement»

Cette surévaluation des prix des biens de consommation courante, c'est-à-dire du café, de l'essence ou des chaussettes, a incité le service de comparaison Comparis et le Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l'EPF de Zurich à créer un nouvel indice en 2022, qui mesure «l'inflation perçue». Il s'agit d'un indice qui exclut les loyers ainsi que les biens durables comme les voitures ou les machines à laver.

Et c'est un indice qui reflète sans doute actuellement le «sentiment» des gens de manière un peu plus adéquate que l'indicateur d'inflation officiel des statisticiens fédéraux - et qui augmente aussi plus fortement.

«Les hausses de prix supérieures à la moyenne pour les produits alimentaires de base rongent immédiatement le porte-monnaie»
Dirk Renkert, expert chez Comparis

Et cela même si l'alimentation ne représente plus qu'une petite partie du budget des ménages.

L'alimentation, faible part du budget des ménages

Selon l'enquête de l'OFS sur les ménages, dont la dernière édition est disponible pour l'année 2021, le ménage moyen ne dépense que 6,8% de son revenu disponible pour l'alimentation. A titre de comparaison, il y a 100 ans, cette valeur frôlait la barre des 40%. Et dans les années d'après-guerre, elle était d'environ 30%. Depuis, elle n'a cessé de diminuer pour se stabiliser autour de 6,5% à partir de 2010.

Bien sûr, tout le monde n'est pas touché de la même manière par la hausse des prix des denrées alimentaires. La part du budget total consacrée à l'alimentation est plus élevée chez ceux qui ont des revenus plus faibles et plusieurs enfants. Les retraités dépensent également plus pour se nourrir.

Pendant la pandémie, la part moyenne de la nourriture dans le budget a de nouveau légèrement augmenté. Cela était également dû au fait que les restaurants et les frontières étaient fermés, et que de nombreuses activités de loisirs étaient interdites. En fin de compte, on ne pouvait manger qu’à la maison, du cop les dépenses au supermarché ont considérablement augmenté. Aujourd'hui, si la part de l'alimentation dans le budget des ménages risque d'augmenter, c'est en raison de l'évolution des prix.

L'OFS ne veut, toutefois, pas se risquer à faire des pronostics, car les incertitudes sont trop grandes. En effet, l'évolution dépend de nombreux facteurs. Par exemple, si les prix d'autres biens augmentent également ou encore dans quelle mesure le renchérissement est compensé dans les salaires.

Petits changements, grandes économies

Enfin, tout dépend du comportement des consommateurs. Plus ils se tournent vers des alternatives bon marché, moins l'augmentation de la part de l'alimentation dans leur budget global devrait être importante.

Choisir des lignes bon marché plutôt que des produits traditionnels, se rendre dans un hard discount plutôt qu'au supermarché et attendre habilement les promotions qui reviennent régulièrement permettent de ménager le porte-monnaie.

Dans les cas extrêmes, les gens se remettent à des organisations d'utilité publique. D'ailleurs, les files d'attente devant les points de distribution de denrées alimentaires se sont sensiblement allongées.

En principe, de petits changements de comportement ont déjà de grands effets, comme l'ajoute Dirk Renkert. Par exemple lors de la planification des vacances. Dans ce domaine, il est possible d'économiser beaucoup sans se priver, car les prix des vols et des hôtels varient fortement selon les saisons.

«Si vous pouvez l'éviter, ne partez pas en plein été et décalez vos vacances de deux mois vers l'avant ou l'arrière»

C'est nettement moins cher – et finalement aussi plus reposant, car il y a moins de monde.

Monsieur Prix demande «de la retenue»

La hausse des prix des denrées alimentaires est responsable de 25% du renchérissement annuel moyen de 2,1% en 2023, selon l'expert de l'OFS Herren. Les coûts du logement et les prix de l'énergie, eux, y contribuent à hauteur de 40%.

Et en matière de logement, les gens n'ont guère de possibilités de s'en sortir, qu'ils soient locataires ou propriétaires. Les taux hypothécaires ont augmenté et, pour la première fois depuis sa création, le taux de référence déterminant pour les loyers a également été relevé. Et ce, à deux reprises.

Ces augmentations sont d'autant plus douloureuses qu'elles ont été particulièrement élevées et que la part consacrée au logement et à l'énergie représente près de 14% du budget des ménages.

«Les augmentations des loyers et des charges locatives font tourner la tête des gens»
Daniel Lampart, économiste en chef à l'Union syndicale suisse (USS)

Et ils ne peuvent presque rien y faire.

«L'époque où l'on pouvait déménager dans un logement moins cher est définitivement révolue»
Daniel Lampart, économiste en chef à l'Union syndicale suisse (USS)

Cela d'une part parce que l'offre est rare, mais surtout parce que les loyers des appartements mis en location sont souvent plus chers que celui que l'on quitte, même en faisant concessions sur l'espace.

Les augmentations des frais accessoires de logement, c'est-à-dire de l'électricité, des eaux usées et du chauffage, sont certes motivées par l'évolution des prix internationaux de l'énergie, mais elles sont perçues par des entreprises publiques ou proches de l'Etat.

Le surveillant des prix Stefan Meierhans aurait donc souhaité que ces dernières «fassent preuve de retenue face au climat inflationniste», comme il l'a récemment déclaré sur ce site. Mais cela n'a pas été le cas.

Les prix administrés par l'Etat ont été augmentés sur un large front. Tout est devenu plus cher:

  • Les cartes de parking.
  • Les eaux usées.
  • L'électricité.
  • Le chauffage urbain.
  • Les billets de train et les lettres.

Sur le bureau du surveillant des prix, les plaintes s'accumulent. L'année dernière, elles étaient au nombre de 2768. Un chiffre qui n'avait plus été atteint depuis plus de dix ans.

La hausse constante des primes d'assurance maladie

A cela s'ajoutent, à partir de 2024, les hausses considérables des primes d'assurance maladie, que la Confédération a chiffrées cette fois-ci à une augmentation moyenne de 8,7%.

Dans la réalité, elle devrait toutefois être nettement inférieure. En effet, de nombreuses personnes ont pu réduire massivement la majoration grâce à un changement de caisse, de modèle ou de franchise.

Mais un jour ou l'autre, le citron de l'optimisation devrait être pressé. Ceux qui ont déjà opté pour le modèle le moins cher et la franchise la plus élevée ne pourront plus faire d'économies l'année suivante qu'en changeant de caisse.

En revanche, les primes devraient continuer à augmenter, tout comme les prix. De nombreux prévisionnistes ainsi que le Seco s'attendent à une inflation de l'ordre de 2% pour 2024.

Le prix du café devrait donc encore une fois augmenter.

Traduit de l'allemand par Barnabé Fournier

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