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Interview

Prise d'otages dans un train: «C'est la pire des situations»

Groupe d'intervention. Illustration pour une prise d'otage en Suisse, dans le canton de Vaud.
Comment un groupe d'intervention de la police intervient-il dans un train? (Image d'illustration)keystone, dr (montage watson)
Interview

«L'assaut dans un train, c'est la pire des situations»: un ex-flic d'élite explique

Une prise d'otage dans un train vaudois? C'est bien la situation qui a eu lieu jeudi soir. Le forcené, armé d'une hache, a été abattu par la police. Comment se prépare-t-on pour un tel assaut? Un ancien membre d'un groupe d'intervention romand donne son avis sur ce genre de situations.
09.02.2024, 15:3509.02.2024, 18:09
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La Suisse n'en avait pas l'habitude, et pourtant: jeudi soir, un forcené armé d'une hache et d'un couteau a pris en otage toute une rame d'un train régional vaudois, arrêté de longues heures au milieu de la campagne. La tentative d'un négociateur ayant échoué, le groupe d'intervention de la police a donné l'assaut.

Lorsque les policiers rentrent, le forcené se jette sur eux, hache à la main. Il est touché par plusieurs tirs policiers et décède sur place.

Comment agit-on dans ce genre de situations? Dans quelles circonstances la police se décide-t-elle à lancer l'assaut? Contacté par watson, un ancien policier romand membre d'un groupe d'intervention livre son éclairage sur ce genre d'interventions.

Disclaimer
A l'heure qu'il est, tous les détails précis de l'intervention ne sont pas encore connus et notre contact nous livre son analyse basée sur son expérience et non sur la situation en tant que telle.

Jeudi soir, la police a tenté de négocier avec le forcené avant de mener l'assaut. Comment se passe une négociation, en général?
Le meilleur allié d'un assaut, c'est le temps. Le but d'une négociation est la reddition du forcené en étirant la situation dans le temps. Dans la majorité des cas, on y arrive. Si le preneur d'otages est en «décompensation psychologique», il va passer par plusieurs étapes. Au fur et à mesure des heures qui s'écoulent, ces phases sont de moins en moins aiguës. Il y a des cycles qui se mettent en place et le travail du négociateur est d'épuiser psychologiquement le preneur d'otage jusqu'à ce qu'il retrouve la raison et se rende.

«Pendant que le négociateur travaille, le groupe d'intervention se prépare et se met en place»

Agit-on différemment d'un forcené à l'autre?
Bien sûr. Ici, on a apparemment un requérant d'asile qui ne parle pas français. Non seulement il faut un traducteur ou parler dans une langue étrangère, mais il n'est pas possible de créer du lien culturel sur lequel on pourrait jouer.

«Le passé et le vécu du forcené sont très importants»

Sait-on si cette personne a vécu la guerre, l'exil, la clandestinité? Ce sont des situations compliquées à gérer. Et puis, dans le cas d'un profil terroriste, on aura quelqu'un qui agit par idéologie et a peut-être prévu de mourir pour sa cause.

Quel est le rôle du négociateur?
Il est essentiel. Le négociateur communique étroitement avec le chef d'opération. C'est sur ses indications de la situation que celui-ci va décider, si les discussions ne donnent rien et qu'on a épuisé toutes les possibilités, que le groupe d'intervention donne l'assaut.

Comment un tel assaut est-il mené?
Dans ce cas, cela fait sûrement plusieurs heures que les «gars» ont eu le temps de se préparer. On peut entrer en faisant sauter une vitre avec un cadre explosif ou en forçant une porte. Mais on n'agit pas forcément tout de suite: il faut la bonne «opportunité» où on va agir rapidement dans les meilleures conditions pour neutraliser l'assaillant. On la scrute, et on attend, prêt. Cela peut prendre quelques minutes comme plusieurs heures.

Aussi long que ça?
J'ai déjà attendu plus de quinze heures derrière une porte.​

Et si le forcené reprend raison?
Ça arrive, et c'est la meilleure chose qui puisse arriver. Et parfois, c'est le contraire: il peut décompresser en moins d'une minute et là, il faut aller très vite pour éviter qu'il s'en prenne à un otage.

Quand le «go» est donné, comment se passe l'assaut?
Il y a une colonne de cinq ou six hommes qui rentrent en file par le point d'entrée. On est ici dans une configuration en tunnel. Le premier homme porte un bouclier et les autres sont alignés derrière lui en colonne.

«Le deuxième homme derrière, son "wingman", pointe son arme par-dessus son épaule et est le mieux situé pour ouvrir le feu»

Un assaut dans un train, c'est une situation difficile?
Une action «en tunnel», c'est la pire configuration. Il y a peu de place pour manœuvrer et il faut y aller en file. On rentre en face-à-face avec l'adversaire pour pouvoir protéger les otages en les gardant derrière et avoir un maximum d'opportunités. L'avantage d'un train, c'est que le groupe d'intervention peut se rapprocher discrètement le long d'une rame et prendre position à côté d'une porte sans être repéré, d'autant plus dans l'obscurité. Avec un bus par exemple, c'est beaucoup plus difficile. Je ne parle pas d'un avion, où les couloirs sont encore plus exigus et où l'arrivée est très peu discrète.

«Des actions en tunnel de ce genre, on en vit très peu en Suisse»

Vous parlez d'obscurité. Si la prise d'otages avait eu lieu à 8h30 le matin, cela aurait été plus difficile?
On fait avec les conditions qu'on a. Mais c'est sûr qu'agir de nuit est un réel avantage, car on peut se déplacer discrètement et se rapprocher au maximum. Il y a un autre sacré avantage dans cette situation: le train a été arrêté en rase campagne, hors d'une zone urbaine. Cela permet aux tireurs d'élite de se mettre en position avec une bonne visibilité, sans obstacle entre eux et leur cible.

«Et le danger qu'un tir ou qu'un ricochet termine dans une zone habitable est bien moins élevé»

Les tireurs d'élite auraient-ils pu engager le preneur d'otage?
Je ne peux pas juger de cette situation et si le groupe d'intervention est entré, c'est que c'était la meilleure solution. Ce que je peux dire, c'est que les vitres d'un train, même si elles sont épaisses, ne sont pas blindées. Et puis il existe des cartouches spécifiquement prévues pour tirer à travers une vitre. Abattre le preneur d'otage en tirant à travers l'une d'entre elles aurait été techniquement possible.

Des explosifs de diversion ont été engagés. A quoi ça sert?
A détourner l'attention du preneur d'otage. Les explosifs de diversion sont comme de gros feux d'artifice qui font une boule de feu et beaucoup de bruit. Le long d'un train, ça attire l'attention d'un côté pour pouvoir agir de l'autre. Au vu de la vidéo qui montre l'explosion, il ne s'agit pas d'une grenade assourdissante (ou flashbang). Le but ici n'est pas d'aveugler l'assaillant.

N'y a-t-il pas le danger de blesser un otage en tirant sur l'assaillant, à cause d'un ricochet ou d'un tir manqué?
Dans un cas en tunnel comme ici, c'est un risque important à prendre en compte. La police utilise des balles à «expansion contrôlée». C'est un type de cartouche spécifique qui se déforme à l'impact, sans pour autant se fragmenter. Cela provoque plusieurs effets: premièrement, l'énergie cinétique dégagée est beaucoup plus forte, ce qui neutralise l'assaillant plus rapidement. Et puis, cela diminue le risque que la balle ressorte, et donc le risque de ricochets.

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