La Suisse ne suspendra pas immédiatement ses contributions à l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Contrairement au National, le Conseil des Etats a refusé mardi, par 25 voix contre 19, une motion UDC en ce sens.
«Catastrophique», «horrible»: tout le monde a déploré la situation humanitaire actuelle à Gaza. Parallèlement, les accusations d'infiltration de l'UNRWA par le Hamas ont été évoquées. L'UNRWA est une base idéale pour l'organisation islamiste, a critiqué Hannes Germann (UDC/SH).
Le rapport Colonna, le rapport d'enquête indépendant sur l'UNRWA, n'a pas permis de lever les doutes sur ces accusations, a soutenu Marco Chiesa (UDC/TI). Il confirme que l'agence onusienne n'est pas infiltrée par le Hamas, a contré Franziska Roth (PS/SO).
Toutefois, tous les orateurs étaient d'accord pour dire que l'UNRWA doit être remplacée sur le long terme. Le Conseil des Etats a justement accepté une motion du National, par 24 voix contre 20, chargeant le Conseil fédéral de s'engager auprès de la communauté internationale en faveur d'une solution pour remplacer l'agence onusienne.
Celle-ci a été conçue dans une optique temporaire, jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée, a rappelé Matthias Michel (PLR/ZG). Comme le conflit n'est toujours pas résolu, il faut trouver une solution durable, a-t-il plaidé, demandant une organisation «crédible» et qui ne soit pas prise à partie.
Mais aujourd'hui, il n'y a pas d'alternative encore. Le Zougois a donc estimé que, dans l'intervalle, le financement de la Suisse à l'UNRWA doit se poursuivre. Il était opposé à la motion du conseiller national David Zuberbühler (UDC/AR) demandant l'arrêt immédiat du soutien financier helvétique, actuel et futur.
Dans un long argumentaire, Isabelle Chassot (Centre/FR) s'est aussi positionnée contre ce texte. Rappelant les activités de l'agence dans les domaines de la santé, de l'éducation ou de l'aide d'urgence, ainsi que l'ampleur de ce travail, elle a jugé qu'aucune autre organisation ne peut à court terme reprendre le rôle de l'UNRWA.
Elle a parlé de millions de Palestiniens, dont 75% sont des femmes et des enfants, et rappelé que plus de 60% de l'aide humanitaire entre dans les Territoires occupés grâce à l'UNRWA.
L'agence n'opère pas qu'à Gaza et en Cisjordanie, mais aussi au Liban, en Jordanie et en Syrie, a précisé le ministre des affaires étrangère Ignazio Cassis. Elle fournit bien plus que de l'aide humanitaire, étant en mesure de fournir des services sociaux à plus de cinq millions de personnes.
La reprise de ces activités ne pourra pas se faire en un tour de main, a souligné Carlo Sommaruga (PS/GE). Il faut un vote à l'Assemblée générale de l'ONU et réunir au préalable une majorité autour de cette idée. Sommaruga a noté qu'il est possible de mettre fin au mandat de l'UNRWA en créant l'Etat de Palestine.
Les opposants à la motion ont encore tour à tour rappelé que la Suisse est dépositaire des Conventions de Genève et qu'elle doit suivre sa tradition humanitaire. Il en va de sa «crédibilité internationale» et du respect du droit international humanitaire.
«Sans UNRWA, pas d'aide humanitaire et pas d'avenir», a déclaré Mauro Poggia (MCG/GE). Plus d'UNRWA signifie aussi plus de droit au retour pour les Palestiniens et plus de solution à deux Etats, a-t-il ajouté.
Accepter la motion serait un «grounding» pour l'UNRWA, a lancé pour sa part Benedikt Würth (Centre/SG). Son collègue de parti Fabio Regazzi (TI) a réfuté cette thèse. Les 20 millions annuels de la Suisse ne représentent qu'une petite partie du budget de l'agence, selon lui.
Germann a encore estimé que l'UNRWA est «peu ou pas efficace». Plusieurs partisans à la motion ont estimé que d'autres organisations pourraient effectuer ses tâches, comme le CICR, le Programme alimentaire mondial ou le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Sans succès.
Le Conseil des Etats a encore rejeté deux autres textes. Elle a enterré une motion du National, devenue obsolète, qui demande de réaffecter la contribution de la Suisse à l’UNRWA pour 2024 directement à la population palestinienne, afin de garantir qu'aucun transfert d'argent ne soit effectué en faveur de l'UNRWA.
L'initiative du canton de Genève «pour que la Suisse verse sa contribution à l'UNRWA sans plus attendre» n'a pas eu plus de succès. Le National doit encore se prononcer sur cette initiative. (jzs/ats)