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Le traitement des TDAH explose: voici les chiffres par canton

En Suisse, ce trouble controversé divise cantons et médecins.
Le TDAH, ou Trouble du Déficit de l'Attention avec ou sans Hyperactivité, est de plus en plus souvent diagnostiqué chez les adultes, notamment en Suisse.Image: Unsplash, montage watson

Traitement des TDAH: les différences entre les cantons sont frappantes

En Suisse, les médicaments contre le trouble du déficit de l'attention sont de plus en plus souvent prescrits aux adultes. Mais on observe des écarts importants entre les cantons.
31.07.2025, 05:3431.07.2025, 09:33
Stephanie Schnydrig / ch media
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Peu de diagnostics font l'objet d'autant de controverses que le trouble du déficit de l'attention, ou TDAH. Pour certains, cela rime avec explication et soulagement, pour d'autres, il s'agit simplement d'un mal à la mode.

Un trouble surtout reconnu chez les enfants

Le célèbre cuisinier britannique Jamie Oliver en serait atteint, tout comme la chanteuse pop Taylor Swift ou la joueuse de tennis Serena Williams. On l'aurait même décelé de manière posthume chez Léonard de Vinci.

Le TDAH a longtemps été considéré comme une maladie infantile typique. Il y a encore quelques années, on pensait que ses symptômes; inattention, hyperactivité et impulsivité disparaissaient avec l'âge. Undine Lang, directrice de la clinique pour adultes des établissements psychiatriques universitaires de Bâle, indique:

«On sait aujourd'hui que certains symptômes persistent à l'âge adulte dans jusqu'à 70% des cas»

Or, une absence de traitement chez l'adulte peut avoir des conséquences considérables sur la vie professionnelle et privée. Parmi elles: un accroissement du risque d'accidents de la route. La probabilité de souffrir de troubles psychiques est également nettement plus importante.

Chaos dans la tête: un sentiment très répandu chez les personnes atteintes de TDAH.
Chaos dans la tête: un sentiment très répandu chez les personnes atteintes de TDAH.Image: Getty

Des différences flagrantes entre les cantons

Plus le TDAH chez l'adulte a été médiatisé, plus la demande en matière de diagnostic et de traitement a augmenté. La prescription de médicaments aux adultes a ainsi fortement progressé: elle a été multipliée par 2,5 en dix ans en Suisse. Alors qu'en 2015, on délivrait 2,3 doses quotidiennes pour 1000 adultes, ce chiffre est passé à 5,8 en 2023.

Et les différences cantonales s'avèrent frappantes: selon l'atlas suisse des services de santé, Bâle-Ville arrive en tête avec 9,1 doses quotidiennes pour 1000 adultes, soit sept fois plus que le Tessin, qui termine en dernière position avec 1,3 dose. Faut-il ainsi en conclure que le Tessin traite trop peu, ou les autres cantons traitent beaucoup trop?

La réponse est complexe. On estime que 2 à 3% des adultes souffrent de TDAH. Mais le fait qu'ils se fassent soigner dépend de facteurs multiples.

Selon le médecin cantonal tessinois Giorgio Merlani, la faible fréquence de prescription de médicaments contre le TDAH dans le canton a déjà été établie. Il relève l'existence d'un fossé nord-sud qu'on retrouve à l'échelle du continent: les pays d'Europe du Nord affichent tendanciellement des taux de prescription bien plus élevés que ceux du Sud. Il déclare:

«D'après les analyses, on ne peut pas parler d'une sous-prescription cliniquement attestée au Tessin»

Curieusement, Bâle-Ville ne voit pas non plus de raison de s'inquiéter. Pour le département de la Santé:

«Les cliniques et les médecins établis dans le canton considèrent à notre connaissance que les besoins sont couverts»

Zoug, troisième du classement, fait état d'un niveau de prescription comparable à celui de ses voisins, Zurich et l'Argovie. «Rien d'anormal donc, à notre avis».

Moins de stigmatisation en ville

Ces disparités autour du TDAH n'étonnent pas la psychiatre Undine Lang. Elle explique que la stigmatisation est moins forte en milieu urbain, ce qui facilite l'accès à la psychiatrie:

«A Bâle, par exemple, les gens sont très ouverts à l'idée de demander de l'aide»

Dans le même temps, les villes présentent davantage de facteurs de risque: migration, solitude, forte injonction à la performance. Des études épidémiologiques montrent que les maladies psychiques se développent davantage dans des villes comme Genève ou Bâle, et le TDAH ne déroge pas à la règle.

Une question culturelle

Mais au Tessin, c'est aussi sur le plan culturel que cela semble se jouer. Selon les experts, il y règne une plus grande tolérance envers les comportements typiques du TDAH. Cela se traduit par des taux de prescription plus faibles, bien que, selon le dernier rapport de la Confédération sur la santé mentale, 6,9% de la population tessinoise déclare présenter des symptômes de TDAH. A titre de comparaison, ce chiffre est de 5% en Suisse alémanique.

Le fait que les symptômes conduisent à un diagnostic dépend donc également de la recherche d'aide par les personnes concernées. Undine Lang explique:

«En règle générale, les patients viennent nous voir avec un soupçon concret, et nous ne posons le diagnostic qu'après un examen standardisé.»

Mais cela ne conduit pas toujours à la prise de médicaments. Ceux contre le TDAH comptent certes parmi les plus efficaces en psychiatrie, souligne l'experte. Mais la thérapie comportementale fonctionne, elle aussi,, en particulier dans les cas les moins graves. Selon la médecin, le facteur décisif reste la souffrance, qui dépend fortement des conditions de vie, notamment des exigences professionnelles ou familiales.

A quel moment faut-il traiter?

Le recours aux médicaments est emblématique de nombreux traitements en Suisse, pour lesquels on observe des écarts marqués entre les régions. C'est précisément ce qu'étudie Stefan Essig, médecin et épidémiologiste à l'institut de recherche lucernois Interface Politikstudien, dans le cadre d'un projet en collaboration avec les Cantons et des professionnels de la santé. L'objectif: déterminer l'origine de ces différences et si elles se justifient sur le plan médical.

«En Suisse, nous n'en sommes encore qu'au tout début de la recherche à ce sujet. Et nous ne savons pas grand-chose sur la qualité ou la nécessité des traitements»
Stefan Essig

Or, ces informations seraient justement indispensables pour évaluer s'il y a sous- ou surtraitement. «Il faut savoir si cela vaut la peine», ajoute le spécialiste. On ne peut parler de soins appropriés que si un traitement présente un réel bénéfice pour la santé et tient compte des préférences des patients.

Jusqu'à présent, explique Stefan Essig, on n'a pris que quelques initiatives isolées pour examiner ces corrélations plus en profondeur. Mais la pression augmente:

«Les exigences en matière d'équité et d'efficacité du système sont de plus en plus élevées, tout comme la volonté d'y regarder de plus près.»

(Traduit et adapté par Valentine Zenker)

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