Beatrice B. (prénom d'emprunt), née en 1966, a été l'une des premières femmes à étudier l'informatique. A 33 ans, elle quitte sa profession. Elle s'est mariée et a donné naissance à trois filles. La famille vivait aisément: Beatrice avait épousé un cadre qui gagnait 16 650 francs par mois, ils pouvaient se permettre de vivre avec un seul salaire.
Le couple finit par divorcer au bout de onze ans. La question de l’argent émerge et s’ensuit un long duel qui mène le couple jusqu'au tribunal fédéral. Ce faisant, ils déclenchent un débat sur le rôle de la femme au foyer. Les opinions politiques s'affrontent.
Rebobinons: l'ex-mari de Béatrice B. a insisté, après la séparation, pour qu'elle retravaille et a donc voulu lui verser des pensions moins élevées. Il lui a même proposé un emploi d'opératrice téléphonique dans son entreprise, mais elle l'a refusé. Elle estimait être trop âgée pour reprendre le travail. Elle avait presque 45 ans au moment de la séparation.
En plus, elle souhaitait rester à la maison pour épauler ses trois filles, alors adolescentes, qui traversaient une période difficile. A ce moment, même l'avocat de Beatrice B. s'est rangé du côté de la partie adverse:
Le juge traitant le divorce s'agace. Il était tout simplement incompréhensible qu'elle ne cherche pas d'emploi. Les trois filles ne passaient sûrement pas par une phase facile de leur vie, mais elles n'avaient pas besoin d'un suivi important. De fait, il était envisageable pour Béatrice B. de reprendre le travail, mais à temps partiel.
Toutefois, les chances qu'elle puisse réintégrer le secteur informatique étaient faibles, mais en suivant un cours de la Croix-Rouge, elle aurait de très grandes chances de trouver un emploi à temps partiel dans le secteur des soins. Elle pouvait aussi travailler dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration ou dans le commerce de détail.
Le juge a calculé ce qu'elle pourrait théoriquement gagner en étant prise en charge et a déduit ce montant de la pension alimentaire. La Haute Cour de Soleure et le Tribunal fédéral ont confirmé la décision dans son principe. L'arrêt est devenu une affaire d'importance nationale, car la Cour fédérale a annulé la règle dite «des 45 ans».
Avant, une loi stricte était appliquée: si la femme a plus de 45 ans au moment du divorce, elle a droit à une pension alimentaire complète. La règle concerne les femmes au foyer qui n'ont pas travaillé pendant le mariage. Aujourd'hui, le Tribunal fédéral les autorise généralement à exercer une activité rémunérée. Des exceptions sont possibles si l'épouse doit s'occuper de jeunes enfants ou si elle n'a tout simplement aucune chance de trouver un emploi. Cela varie toujours au cas par cas.
Le changement de pratique a été rendu public par le Tribunal fédéral au début du mois de mars, déclenchant un débat émotionnel. Cette décision a été saluée pour avoir renforcé l'émancipation, mais il a été critiqué parce qu'il était fondé sur des suppositions faussées. L'égalité n'étant pas encore atteinte, certaines femmes ont été contraintes de s'en tenir à une répartition traditionnelle des rôles et elles sont, aujourd'hui, punies pour cela. L'arrêt du Tribunal fédéral a également été présenté comme une surprise qui a pris les politiciens au dépourvu.
L'histoire de Béatrice B. met en évidence les deux points suivants:
Le débat sur cette question a été introduit en 1996 avec la nouvelle loi sur le divorce. Cela a amené la question de «l'autosuffisance». Ce n'est que si une femme au foyer n'est pas en mesure de le faire que le mari doit payer une pension après le divorce. Avant cela, on appliquait encore ce qu'on appelle la «faute du divorce». Cela signifiait, par exemple, que si une femme trompait son conjoint et que le mariage était brisé par sa faute, moins d’allocations lui revenaient de droit.
Stefan Altermatt est le président du tribunal de Bucheggberg-Wasseramt, qui a rendu le premier jugement dans l'affaire de Béatrice B. et qui a ainsi contribué au changement de pratique:
Traduit de l'allemand par Sejla Besic, par ici pour l'article original.