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La criminalité juvénile grimpe, mais cela ne dit pas tout

Les chiffres de la violence juvénile grimpent, mais c'est plus compliqué
Les infractions violentes commises par des mineurs sont en hausse, selon les statistiques judiciaires (image d'illustration).Image: KEYSTONE

La criminalité juvénile grimpe, mais les chiffres cachent autre chose

Les jugements prononcés à l'encontre de mineurs pour des infractions au Code pénal ne cessent d'augmenter depuis dix ans en Suisse. Pourtant, avance un avocat, il faut faire preuve d'une certaine prudence. Explications.
25.06.2025, 05:3525.06.2025, 08:48
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Le meurtre d'une ado de 15 ans, survenu en mai dernier en Argovie, a profondément choqué la population, et pas seulement en raison du très jeune âge de la victime. L'autrice présumée est également une adolescente, âgée d'à peine 14 ans. Au-delà de ce cas extrême, les constats faisant état d'une banalisation et d'une augmentation de la violence auprès des jeunes se multiplient en Suisse.

La jeunesse est-elle devenue plus violente? De nouveaux chiffres publiés ce mardi par l'Office fédéral de la statistique (OFS) permettent d'y voir plus clair. L'an dernier, environ 8400 jugements ont été rendus à l'encontre de mineurs pour des infractions au Code pénal. Si ce chiffre est en légère diminution par rapport à 2023, la tendance sur dix ans est toute autre.

Entre 2014 et 2024, le nombre de jugements a augmenté de 26%. Les infractions dites «de violence», terme qui regroupe une quarantaine d'actes comprenant «l’exercice ou la menace d’une violence contre une personne», ont progressé de 34%. Les lésions corporelles simples (+9%) et les voies de fait (+53%) ont également augmenté. Les lésions corporelles graves affichent une hausse encore plus importante (+164%), mais leur nombre total est faible (90 condamnations en 2024).

Oui, mais...

Pourtant, les chiffres ne disent pas tout. «Tout d'abord, les statistiques judiciaires ne comprennent pas toutes les infractions qui ont été commises, mais seulement celles qui ont pu être identifiées», avance Loïc Parein, avocat spécialiste en droit pénal. «Cela n’est évidemment pas l’entier des cas».

L'expert souligne que certaines infractions sont aujourd'hui mieux détectées qu'auparavant. Les violences sexuelles en sont un exemple. «Ces dernières ont fait l'objet d'un énorme travail pédagogique», développe-t-il. «Les personnes sont désormais plus sensibles au respect de leur intimité et, par conséquent, on observe une plus grande liberté de dénoncer».

«Cela ne signifie pas forcément qu'il y a une hausse des cas, mais qu'un plus grand nombre de cas sont portés à l'attention des autorités»
Loïc Parein

Autre élément central, poursuit l'avocat: les sanctions. Les privations de liberté ne constituent en effet qu'une petite partie du total, environ 5%. Plus d'un tiers des sanctions prononcées l'an dernier à l'encontre de mineurs étaient des réprimandes. Les travaux d'intérêt général et les amendes étaient aussi nettement plus répandus.

«La survenance d’un vol peut générer un sentiment d'insécurité, qui peut s'estomper si l'on découvre que le vol en question a eu lieu dans un contexte qui n’est pas le nôtre, qu’il ne portait pas sur une valeur élevée et qu’il a été sanctionné au final par quelques jours de travail d'intérêt général», développe Loïc Parrein.

«Au fond, plus on en sait sur les situations, moins on est exposés au risque d’un sentiment d'insécurité exacerbé»
Loïc Parein

De plus, la répartition du type de sanction est stable. «Les chiffres montrent qu'il n'y a pas plus de placements pénaux qu'auparavant», appuie l'avocat, qui estime que la nature des sanctions est «rassurante». «Nous ne sommes pas dans une société où l'on doit priver de plus en plus de jeunes de leur liberté pour des raisons de sécurité publique», dit-il.

La pornographie explose

Bien sûr, il y a également des nouveautés. Certaines infractions deviennent plus fréquentes sous l'impulsion des nouvelles technologies, qui peuvent jouer un rôle de catalyseur. «Les réseaux sociaux permettent d'injurier quelqu'un simplement, rapidement et, parfois, anonymement», explique Loïc Parein.

«L’impact se traduit essentiellement par des atteintes à l'honneur ou à la liberté, comme par des menaces», ajoute-t-il. «La pornographie est un autre exemple typique, car internet a démultiplié l'accès à ce type de contenus et leur circulation». Ces infractions sont passées de 319 en 2014 à 871 en 2024 - un chiffre record, qui constitue une hausse de 173%.

Loïc Parrein tient à souligner que l'immense majorité des jeunes qui commettent une infraction ne recommence pas. «Les personnes qui récidivent constituent un petit noyau problématique dans le temps», complète-t-il. L'augmentation de la population a également un impact sur ces statistiques.

Il convient aussi de rappeler qu'un peu moins de la moitié des jugements prononcés pour des infractions liées au Code pénal concernaient des vols. Un nombre important de condamnations portaient également sur la violation d'autres lois, telle la Loi fédérale sur la circulation routière.

Insécurité versus sentiment d'insécurité

En fin de compte, résume l'avocat, il faut distinguer l'insécurité du sentiment d'insécurité. «Ce dernier n'est pas uniquement produit par le constat du nombre des condamnations, mais dépend de plusieurs autres facteurs sociaux et personnels».

Certaines affaires très médiatisées peuvent aussi renforcer l'impression d'une violence grandissante, alors que ce n'est pas forcément le cas, ajoute Loïc Parein. «Cela est d'autant plus vrai lorsque des cas particulièrement choquants impliquant des mineurs suscitent une réaction très forte au sein de l'opinion publique», développe-t-il. Et de conclure:

«On a des traces au XVIe siècle déjà d’une croyance selon laquelle la jeunesse d’aujourd’hui est plus violente que celle d’hier»
Loïc Parein
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Video: watson
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