Ces derniers, venant de l'Administration fédérale des douanes (AFC), avaient été choisis en septembre 2021 par l'Office fédéral de la police (fedpol), a rappelé mercredi le Tribunal pénal économique du canton de Berne (TPE). Celui-ci a estimé que leur engagement en tant que chargés d'enquête n'avait donc pas de base légale formelle.
Les deux hommes avaient été chargés de mener la procédure pénale administrative. La procédure est en conséquence renvoyée pour la deuxième fois à fedpol. En 2018 déjà, en effet, la police fédérale avait fait appel à des chefs de procédure externes et donc non autorisés, avait conclu le Tribunal fédéral en 2022.
Basé sur l'enquête des collaborateurs de l'AFC, fedpol a rendu en mars 2024 des décisions pénales contre sept prévenus, dans cinq cas pour escroquerie en matière de prestations et dans deux cas pour violation d'une obligation juridique en vue de prévenir une escroquerie en matière de prestations.
Les sept prévenus ayant fait opposition aux décisions, fedpol a transmis la procédure pour jugement au TPE (juge unique), par l'intermédiaire du Ministère public du canton de Berne, section criminalité économique. D'après le TPE, l'administration compétente aurait dû mener la procédure avec ses propres collaborateurs.
L'exigence d'une base légale pour la délégation de tâches de l'administration a pour but de garantir qu'elle ne dépende pas de la volonté de l'unité administrative concrète ou de la personne en charge de l'affaire concrète à qui est confiée l'exécution d'une tâche de l'administration, note le communiqué.
L'analyse des contrats des deux individus avec fedpol, en relation avec leur description d'emploi et les accords passés entre l'AFC et fedpol ainsi que les deux personnes, ne permet pas de conclure autrement que ces dernières sont passées à fedpol exclusivement pour le traitement de la procédure dans l'affaire CarPostal.
Leur emploi à l'AFC a simplement été suspendu. Les individus sont restés collaborateurs de l'AFC pendant leur mission et ont réintégré leur poste à la fin de l'enquête. Il n'a jamais été question qu'ils deviennent employés permanents de fedpol et qu'ils assument d'autres tâches que le traitement de la procédure relative à CarPostal.
Il s'agissait donc d'un engagement ad hoc à la procédure CarPostal. «Ce qui est inadmissible, qu'il s'agisse d'un mandat ou d'un contrat de travail à durée déterminée», estime le juge. Décider autrement signifierait que les règles de compétence claires du droit pénal administratif pourraient facilement être contournées.
Ce qui permettrait à l'administration concernée d'engager temporairement, à sa convenance, des employés d'autres unités à la place de ses collaborateurs pour mener une procédure pénale administrative. Selon le TF, la décision d'une autorité non compétente sur le plan matériel ou fonctionnel est nulle.
Le choix de confier à fedpol la conduite de la procédure pénale administrative avait été décidé par le Conseil fédéral lui-même.
L'affaire a éclaté à l'automne 2017. Lors d'une révision, l'Office fédéral des transports avait constaté que CarPostal avait réalisé, entre 2007 et 2015, des bénéfices dans le trafic régional subventionné et les avait transférés vers d'autres secteurs. La manoeuvre visait à éviter des réductions d'indemnisation ultérieures.
La filiale de la Poste a remboursé 205,3 millions de francs à la Confédération, aux cantons et aux communes. En juin 2018, le conseil d'administration du géant jaune a suspendu de ses fonctions toute la direction de CarPostal, invoquant un manque de confiance. La directrice de la Poste Susanne Ruoff a elle remis sa démission. (mbr/ats)