La révision partielle de l'Ordonnance sur la Poste doit permettre au géant jaune d'économiser jusqu'à 45 millions de francs par année à partir de 2026. Cela devrait garantir le financement du service universel, selon le Conseil fédéral.
Le projet du gouvernement prévoit notamment que la Poste devra distribuer les envois dans «toutes les zones habitées à l'année» comportant au moins cinq maisons sur une surface d'un hectare.
En revanche, l'obligation de distribuer dans les habitations isolées, même occupées à l'année, sera supprimée. L'assouplissement des délais de livraison des lettres, des colis et des quotidiens a également été proposé.
Plusieurs cantons de montagne critiquent cette proposition. Pour le Valais, les économies ne seraient réalisées que par une dégradation de la qualité des services, dont souffriraient en premier lieu les régions périphériques.
Un avis partagé par le canton d'Uri. A ses yeux, cette réforme toucherait particulièrement les vallées latérales. Ainsi que les personnes âgées ou à mobilité réduite, qui seraient contraintes d'aller chercher leur courrier dans des points de collecte.
L'Union des communes suisses (ACS) rejette elle aussi une mesure qui se ferait au détriment d'un service universel de qualité et accessible à toutes les régions et à leur population. La mesure proposée pénaliserait «de manière disproportionnée» les régions rurales et périphériques.
Le Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) et l'Union syndicale suisse (USS) s'opposent eux aussi à la mesure proposée. «On ne pourrait envisager une telle option que s'il existait une desserte numérique performante, ce qui n'est pas encore le cas pour les régions concernées», font-ils valoir.
Pour les deux organisations, tant que la Confédération n'aura pas mis en oeuvre sa «stratégie Gigabit», qui vise à développer l'accès à l'internet à très haut débit dans tout le pays, on ne peut pas limiter, et encore moins supprimer la distribution physique du courrier.
Les exploitations agricoles situées hors des agglomérations bénéficiant d'une desserte fiable seraient les premières touchées, renchérissent l'Union suisse des paysans (USP) et la Société suisse d'économie alpestre (SAV). Elles dénoncent une inégalité de traitement entre ville et campagne.
Pas question non plus d'assouplir les délais de distribution à domicile du courrier. Le projet prévoit que la Poste soit tenue de respecter à 90% le délai de livraison pour les lettres, les colis et les quotidiens en abonnement. Actuellement, ces délais sont de 97%, respectivement 95% pour les quotidiens.
A l'unisson, les cantons, l'Union des communes suisses, la SAB, l'USS et Economiesuisse affirment que si les journaux sont distribués plus tard, ils perdent en attractivité. Ils rappellent que le Parlement a décidé lors de sa session de mars d'augmenter pour sept ans l'aide indirecte à la presse, ce qui comprend explicitement le soutien à la distribution matinale des journaux.
Pour la Fédération des associations des retraités et de l'entraide en Suisse (FARES), les deux mesures proposées toucheraient particulièrement les personnes âgées et à mobilité réduite.
C'est en revanche un «oui» presque unanime au projet visant à moderniser le service universel grâce à de nouveaux outils numériques. L'USS, la FARES et le SAB saluent le développement dans le domaine numérique, tout en rejetant largement les détériorations prévues dans le domaine non numérique. «Les offres traditionnelles analogiques devraient absolument continuer à faire partie du service universel», estiment-ils.
Les cantons saluent eux aussi les nouvelles prestations numériques. Lucerne se montre par exemple «très intéressé par une plateforme de distribution sécurisée pour la correspondance électronique des autorités, y compris les transactions juridiques électroniques».
Economiesuisse regrette toutefois l'absence de base légale suffisante dans le projet. «Il n'y a pas de défaillance du marché qui justifierait une desserte de base des services numériques par la Poste», écrit la faîtière de l'économie. Des entreprises privées proposent déjà des systèmes de distribution numériques ou hybrides, ainsi que des communications sécurisées.
Pour le Forum suisse des consommateurs, les nouvvelles offres électroniques et hybrides ne sont pas non plus en accord avec la loi. Celle-ci ne mentionne en effet ni les envois électroniques ni les envois hybrides.
La révision de l'ordonnance sur la Poste n'est qu'une étape intermédiaire. Le Conseil fédéral doit empoigner la grande réforme de la loi sur la Poste après la pause estivale. Le Parlement aura le dernier mot. L'actuelle loi avait été adoptée il y a quinze ans. (ag/ats)