Le loup et la question de sa régulation sont sur toutes les lèvres. En ce qui concerne le castor, le ministre de l'environnement Albert Rösti veut également permettre des tirs préventifs avec la nouvelle ordonnance sur la chasse.
Désormais, c'est un oiseau qui se retrouve, lui aussi, dans le collimateur: le cormoran. Pour les pêcheurs, il est un ennemi comme le loup pour les éleveurs de moutons. C'est justement sur le plus grand lac situé exclusivement sur le sol suisse que les flots se déchaînent. «Nous ne craignons plus rien, nous sommes fichus», a affirmé cette semaine le pêcheur professionnel neuchâtelois Claude Delley dans La Liberté.
Alexandre Bonny, président de la trentaine de pêcheurs professionnels du lac de Neuchâtel, a rappelé à 24 heures:
L'an dernier, 127 tonnes de poissons ont été pêchées sur le lac de Neuchâtel. C'est certes une légère augmentation par rapport à l'année précédente (116 tonnes), mais presque trois fois moins que l'année record 2016 (369 tonnes). Et surtout, c'est nettement moins que ce que mangent les cormorans. Un individu consomme entre 400 et 500 grammes de poisson par jour. Au total, avec une estimation de 3000 cormorans sur le lac de Neuchâtel, cela fait plusieurs centaines de tonnes de poissons par an.
Ce qui met le plus en colère les pêcheurs, ce sont les oiseaux qui arrachent des poissons de leurs filets et de leurs nasses, causant parfois des dégâts matériels. Une étude commandée par les cantons de Vaud, Neuchâtel et Fribourg évalue désormais les dommages annuels pour la pêche professionnelle sur le lac de Neuchâtel à 217 000 francs, ce qui représente 4,7% de leur rendement total.
Cette somme se réfère aux dommages matériels et aux poissons déjà capturés que les cormorans volent dans les engins de pêche. Si les oiseaux mangent d'autres poissons du lac, on ne peut quand même pas les accuser de «vol»...
Ainsi, les dommages directs causé par le cormoran sur le lac de Neuchâtel s'élève à environ 7500 francs par pêcheur professionnel. Ces derniers reçoivent un soutien de l'Etat.
Les cantons riverains ont récemment prolongé l'aide d'urgence annuelle de 10 000 francs par personne pour compenser la diminution des captures.
Les cantons de Vaud, Fribourg et Neuchâtel souhaitent également pouvoir abattre les cormorans plus facilement. Cela ressort de leurs réponses à la consultation sur l'ordonnance de chasse de Rösti, qui s'est terminée au début du mois. Les cantons demandent que la période de protection des cormorans soit désormais fixée du 1er avril au 31 août.
Les oiseaux pourraient ainsi être chassés un mois de plus au printemps par rapport à aujourd'hui, ce qui permettrait de limiter l'installation de nouvelles colonies de reproduction. Les trois cantons veulent aussi autoriser l'abattage des cormorans non reproducteurs tout au long de l'année. Cette demande est également soutenue par la conférence cantonale des gestionnaires de la chasse et de la pêche.
Chez Birdlife, personne n'a pu encore prendre position. Dans un document disponible en ligne, l'organisation de protection de la nature souligne cependant que les statistiques de pêche des lacs suisses montrent des fluctuations cycliques des poissons de consommation. Celles-ci sont largement indépendantes du nombre de cormorans nicheurs. Birdlife appelle donc les cantons à faire preuve de retenue.
Il faut par ailleurs souligner que le montant des dommages calculés pour le lac de Neuchâtel ne donne qu'une indication pour les autres lacs suisses. L'Office fédéral de l'environnement indique ainsi que les résultats de l'étude ne peuvent «pas être directement» transposés. Les conditions de pêche varient d'un lac à l'autre.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich