«Ils se menaçaient avec des couteaux»: ces Lausannois sont à bout
«Mercredi matin, à l'aube, ils étaient une dizaine à se battre», lâche Frédéric (prénom modifié), éreinté par les nuisances et les problèmes liés aux personnes toxicodépendantes qui se succèdent dans le quartier de la Riponne à Lausanne.
Des images filmées par un habitant:
En ce mois d'octobre, les habitants subissent une recrudescence des incivilités causées par des gens sous l'emprise de stupéfiants qui s'agglutinent devant les entrées des différents immeubles. Les locataires de l'immeuble de la Place de la Riponne 4 (13 appartements) en ont ras-le-bol. Il s'est matérialisé par une pétition, envoyée à la gérance et à la Municipalité, le 7 avril 2025. A ce jour, les locataires n'ont reçu aucune réponse.
Ce courrier signé par tous les locataires, que nous avons pu consulter, expose une situation qui se détériore fortement:
Les femmes se sentent davantage «exposées et vulnérables», appuie le courrier. La missive déplore également le délai d'intervention de la police, qui dépasse parfois les 30 minutes.
«Nous n'avons aucune prétention de régler quoique ce soit. Nous, c’est la liberté fondamentale de se mouvoir, de pouvoir accompagner nos proches sans être importuné qui nous intéresse. Que la Ville prenne ses responsabilités», nous confie d'emblée Sylvie (le prénom a été modifié), une locataire et mère de famille qui réside depuis une vingtaine d'années dans un immeuble de la Riponne avec son mari et ses enfants.
Sylvie enchaîne:
Pour le bien commun, elle souhaite installer un grillage devant leur immeuble qui donne sur la place de la Riponne, pour délimiter «un périmètre rectangulaire de sécurité». Et l'habitante d'enchaîner:
Sylvie, dans un profond soupir, explique que la situation devient intenable: «Dans un autre immeuble, les locataires doivent patienter 20 minutes pour accéder à leur entrée, parce qu'ils (réd: les toxicodépendants) squattent et ne se déplacent pas.»
Image sensible
Une situation difficile à gérer, parfois ingérable, qui actionne le bouton du déménagement, comme nous le confesse Sylvie:
On pose alors la question à Sylvie: pourquoi ne pas quitter les lieux? C'est un non catégorique qu'elle nous oppose:
«On devrait porter plainte contre la ville»
Le courrier décrit aussi un certain agacement concernant la distribution de nourriture ou de matériel par des bénévoles. «Ce qui contribue à ancrer l'idée que l'entrée de notre immeuble constitue un point de rassemblement toléré», rapporte la pétition de deux pages.
Selon Sylvie, la Ville ne peut pas minimiser les incidents et la gravité de la situation à la Place de la Riponne. Si elle confie que ses enfants sont plus sereins qu'elle, les événements la plongent dans un certain inconfort.
Notre interlocutrice nous explique d'ailleurs que des vitrines ont été vandalisées. Les bureaux de la Banque Migros ont été ciblés début de l'été 2023. Nous avons contacté la société qui nous explique que «cela fait plus d'une année que la succursale est fermée et la restitution des locaux est en cours», prétextant dans la foulée que cette démarche s’inscrit dans une stratégie de développement de leur réseau.
Que fait la gérance dans cette situation qualifiée par le voisinage «d'inimaginable»? Au moment d'écrire ces lignes, la régie n'a pas répondu à nos questions. De son côté, sollicitée par nos soins, la Municipalité affirme avoir contacté la gérance afin de voir quelles mesures sécuritaires pouvaient être mises en place. Elle souligne:
Les autorités expliquent avoir transmis aux riverains des numéros d'urgence pour appeler l’équipe sociale de rue et le service de la propreté urbaine. Des agents d'accueil et de sécurités sont également présents sur les lieux de 6h à minuit. Par ailleurs, un rapport sur la situation sera publié prochainement.
Image sensible
«Une zone de non-droit»
D'après Sylvie, la scène de la drogue de la Riponne file du mauvais coton depuis plus de 10 ans, mais la situation a empiré depuis 2023. Un constat que partage Frédéric qui a emménagé dans le quartier en 2018. «Cela a vite dégénéré», déplore-t-il, évoquant même «une zone de non-droit».
A l'aide de photos explicites, que Frédéric nous fait défiler frénétiquement, nous découvrons des toxicodépendants sous emprise. «Jour et nuit, je les vire. Je suis devenu une police bis», rit-il nerveusement. Face à ce fléau, selon lui, les autorités sont dépassées.
Une scène filmée à 4h du matin dans le quartier de la Riponne
Des employés de la voirie «dépassés»
Frédéric plaide pour une police de proximité pour pacifier l'environnement de la Riponne. Ce dernier se prononce même en faveur d'une mise en place de caméras de surveillance.
Il raconte aussi le ras-le-bol des employés de la voirie. «Ils sont dépassés et disent n'avoir jamais vu ça», glisse Frédéric, face aux lieux souillés par l'urine et les excréments. La mise en place de toilettes sur la place de la Riponne est d'ailleurs fortement demandée par les locataires.
Frédéric, avant de ranger son téléphone, dit préparer une action pour les futures élections communales début 2026: «Je souhaite lancer une nouvelle pétition. J’ai déjà préparé un site pour diffuser des photos et vidéos. Je vais coller des QR codes partout dans le quartier».
